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Cuba, espoir socialiste

Publie le lundi 30 juin 2008 par Open-Publishing
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de Frei Betto

La fin de la Guerre Froide et la chute du Mur de Berlin ont signifié, pour la planète, l’hégémonie unipolaire du néolibéralisme et l’aggravation des inégalités sociales.

De nos jours, nous sommes 6.6 milliards d’habitants dans le monde parmi lesquels, selon l’ONU, deux tiers vivent sous le seuil de pauvreté et environ 1.4 milliard de personnes vivent dans la misère -c’est-à-dire disposent de revenus inférieurs à 1 dollar US par jour ou 30 par mois. Parmi elles, 854 millions souffrent de faim chronique.

Il suffirait de 500 milliards de dollars US pour réduire radicalement le nombre d’affamés dans le monde. On dépense cependant, annuellement, le double de cette somme en armement. On investit dans la mort, et non dans la vie. Voilà la logique du système capitaliste.

En ce moment important, je ne puis passer sous silence cette question : pourquoi le socialisme, qui en théorie constitue une alternative humanitaire au capitalisme, a-t-il échoué en Europe et en Asie ? Il y a beaucoup d’hypothèses et d’explications. Je pense que le capitalisme, en privatisant les biens matériels, a eu la sagacité d’essayer de socialiser les biens symboliques. Dans une cabane de favela de Rio de Janeiro, une famille misérable, dépourvue de ses droits de base comme l’alimentation, la santé et l’éducation, peut toujours rêver de l’univers onirique des feuilletons et croire que, par la loterie, la chance, ou la religion qui lui promettent prospérité, ou même par la délinquance, elle pourra avoir accès aux biens superflus.

En socialisant les biens matériels, le socialisme a commis l’erreur de privatiser les biens symboliques, confondant la critique constructive avec la contre-révolution ; réduisant l’autonomie de la société civile par la soumission au parti des syndicats et des mouvements sociaux ; intimidant la créativité artistique au moyen du réalisme socialiste ; permettant que la sphère de pouvoir se transforme en une caste de privilégiés éloignés des aspirations populaires ; tombant dans le paradoxe d’obtenir de grandes avancées au niveau de la conquête spatiale tout en n’étant pas capable de suppléer dûment au marché de détails de première nécessité.

De nos jours, Cuba reste comme exemple de pays socialiste. Tous nous connaissons les défis et les problèmes auxquels cette Révolution fait face au seuil d’un demi-siècle d’existence. Nous savons les effets néfastes du blocus criminel imposé à Cuba par le gouvernement des Etats-Unis, et comment la Maison Blanche maintient injustement emprisonnés cinq héros cubains engagés dans la lutte antiterroriste tout en favorisant des terroristes célèbres comme Posada Carriles.

Malgré toutes les difficultés, Cuba, durant ces 49 années de Révolution, a réussi à assurer à toute sa population les trois Droits de l’Homme fondamentaux : alimentation, santé et éducation. Et plus important encore : elle a considérablement élevé l’auto-estime de la citoyenneté cubaine, qui s’exprime si clairement dans ses victoires dans les domaines de l’art et du sport ainsi que dans la solidarité internationale -à travers des milliers de professionnels cubains des secteurs de la santé et de l’éducation présents dans plus d’une centaine de pays du monde, généralement dans des régions inhospitalières marquées par la pauvreté et la misère.

Cuba a une responsabilité historique envers la mémoire de Martí, de Che Guevara et de tous ceux qui ont donné leur vie pour son indépendance et sa souveraineté : le socialisme cubain n’a pas le droit d’échouer ! Si cela arrivait, ce ne serait pas seulement Cuba qui, comme symbole, disparaîtrait de la carte -comme il est arrivé avec l’Union Soviétique. Ce serait la confirmation de la funesta prévision de Fukuyama, pour qui "l’histoire a terminé" ; que l’espoir - une vertu théologale pour nous les chrétiens – s’est évanoui ; que l’utopie est morte ; et que le capitalisme a vaincu, vaincu pour quelques-uns seulement -20% de la population mondiale qui a l’usufruit de ses avancées… sur une montagne de cadavres et de victimes.

Nous autres, amis de la Révolution cubaine, nous n’attendons pas de Cuba de grandes avancées technologiques ni scientifiques, des services touristiques de première classe, des médailles d’or lors de compétitions sportives... Nous attendons beaucoup plus que cela : l’action solidaire dont parlait Martí ; le bonheur d’un peuple construit sur base de valeurs morales et spirituelles ; le principe évangélique de se partager les biens ; la création de la femme et de l’homme nouveaux -comme rêvait le Che-, centrés sur la possession, non des biens de caractère fini, mais des biens infinis comme la générosité, le détachement, la camaraderie, la capacité de faire coïncider le bonheur personnel avec celui de la communauté.

En résumé, nous aspirons qu’à Cuba le socialisme soit synonyme d’amour ce qui signifie don de soi, compromis, confiance, altruisme, dévouement, fidélité, joie, bonheur. Parce que le nom politique de l’amour n’est autre que « socialisme ».

Carlos Alberto Libanio Christo, mieux connu sous le nom de Frei Betto -photo Wikipedia- est frère dominicain brésilien et théologue de la libération. Il est l’auteur de plus de 50 livres de divers genres littéraires et de thèmes religieux.

Texte source en espagnol : http://alainet.org/active/21965

Traduit par Thierry PIGNOLET le 29 juin 2008, à Bruxelles (Belgique) pour l’Initiative Cuba Socialista.

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