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Daniel Bensaïd est décédé ce matin

Publie le mardi 12 janvier 2010 par Open-Publishing
30 commentaires

de Pierro

Gravement malade depuis plusieurs mois, notre camarade Daniel Bensaïd est décédé ce matin.

Les obsèques se dérouleront dans l’intimité, mais une initiative militante du NPA sera prise pour lui rendre hommage.

Messages

  • Et bien décidément, le début mois de janvier 2010 est assassin.

    Le mouvement communiste dans son ensemble perd ici une figure d’importance, respectable ,quels que soient les désaccords qu’aient pu avoir les uns et les autres avec lui.

    Nous étions du même côté de la barricade.

    Daniel Bensaïd n’a jamais renié son engagement, ce qui ne fut pas le cas de tous et mérite en soi un hommage appuyé.

    Je ne connaissais pas l’homme, seulement certains de ses écrits et ce que chacun pouvait connaître de son engagement notamment à la LCR puis ensuite, au NPA.

    Je présente mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à tous les camarades de la LCR, puis, du NPA, qui l’ont connu, côtoyé, et aimé.

    Salutations militantes

    La Louve

  • Triste et dure nouvelle.

    Je ne suis pas NPA et je mesure cette perte commune pour la pensée théorique, pour la pensée humaine commune.

    Pierre

  • Communiqué NPA 12/01/2010 :

    Mort de Daniel Bensaïd

    Gravement malade depuis plusieurs mois, notre camarade Daniel Bensaïd est décédé ce matin.
    Militant révolutionnaire depuis l’adolescence, il avait été l’un des fondateurs de la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) en 1966 puis l’un des animateurs du Mouvement du 22 Mars et l’un des acteurs du mouvement de Mai 68 avant de participer à la création de la Ligue Communiste, en avril 1969.
    Daniel Bensaïd a été longtemps membre de la direction de la LCR. Engagé dans tous les combats internationalistes, il a aussi été l’un des principaux dirigeants de la Quatrième Internationale. Il avait activement participé à la création du NPA.
    Philosophe, enseignant à l’Université de Paris VIII, il a publié de très nombreux ouvrages de philosophie ou de débat politique, animé les revues Critique Communiste et ContreTemps, participé activement à la création de à la Fondation Louise Michel et mené sans concession le combat des idées, inspiré par la défense d’un marxisme ouvert, non dogmatique.

    Les obsèques se dérouleront dans l’intimité.
    Le NPA organisera une soirée d’hommage militant le samedi 23 janvier prochain à Paris

    Montreuil, le 12 janvier 2010

  • Mes sincères condoléances à Daniel Bensaïd. Nous perdons quelqu’un d’intègre, de profondément sincère, un communiste qui ne s’est jamais renié.

    (k)G.B., endeuillé.

  • Je l’ai connu, c’était un type bien. Il aura moins d’éloges que certains politiciens médiatiques, mais il aura les nôtres... et c’est bien ainsi.

  • Le mouvement révolutionnaire perd un grand camarade et un grand monsieur .

    Mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches .

    • Apprenant ce décès ce matin j’en ai pris plein la gueule,ça fait très mal.Daniel était un combattant de toujours,sincère,honnête et qui était de tous les combats sans ménager sa peine.

      On perd un type rare qui a laissé des traces indélébiles dont on aura besoin pour faire avancer les choses dans le bon sens.

      Merci Daniel.

      Toutes mes pensées à ses proches.

      François

  • Chapeau bas pour le "depart" d’un de dernier idéologue et philosophe marxiste francaise...

    On est bien triste dans cet début d’année

    CIAO COMPAGNO !

    RF

  • de tout coeur avec nos amis du npa de ses proches
    bensa etait simple petillant d’intelligence
    tres emu par le message de jean francois vilar
    la gauche la vraie hein perd un interrogateur
    la gauche la vraie perd une de ses conscience

  • "Montagut - Guillou - Bensaïd
    mardi 12 janvier 2010 (17h15)

    En quelques jours de ce début de 2010 trois camarades du Nanterre de 1968 viennent de disparaître.

    Dans l’ordre Jean-Pierre Montagut, Michel Guillou, Daniel Bensaïd.

    La seule tristesse ne m’aurait pas incité à écrire ces lignes si je n’avais pas vu dans ces disparitions (annoncées !) un symbole que la proximité des dates fait apparaître. Ils étaient tellement représentatif de ce que fut le mouvement du 22 mars dans sa profondeur et sa diversité !

    Ils représentent à eux trois ce que peut être la naissance d’un mouvement révolutionnaire alliant diversité, radicalité et non dogmatisme. Tout cela me paraît terriblement actuel.

    Jean-Pierre Montagut, l’anarchiste, un des piliers du groupe de la faculté de Nanterre. Daniel Bensaïd, le trotskyste, un des piliers de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR).

    L’anarchiste et le trotskyste, symboles du binôme qui constitua le fondement de la naissance du mouvement du 22 mars. Le même accent et la même verve du Sud-Ouest, des provinciaux montés à Paris pour les besoins de la cause et le plaisir de la subversion.

    Michel Guillou, le prof radical et libertaire qui, avec quelques autres de ses collègues (très peu !) rejoignirent ce mouvement en lui donnant des allures qui dépassaient très largement le cadre groupusculaire. C’était l’époque où les combats idéologiques n’éradiquaient pas obligatoirement l’affectif… Ce fut sans doute une des clés de la réussite nanterroise.

    Ils avaient raison de s’apprécier au-delà de leurs divergences.

    Un prof pas entièrement prof, un trotskyste pas entièrement trotskyste, un anarchiste pas entièrement anarchiste, que demander de plus ?

    Ce fait de n’être pas « entièrement », d’être des esprits critiques et caustiques, c’est ce qui leur a certainement permis de pas se renier. Aucun des trois ne s’est laissé prendre par les sirènes du pouvoir qui hurlaient si fort après 1968.

    Jean-Pierre Duteuil"

  • Merci à La Louve, merci à tous les autres. Le combat sans Bensa sera plus dur. Il n’aurait certainement pas aimé ce que je vais écrire. Mais c’était un modèle dans la combinaison de l’ouverture d’esprit et de la rigueur militante. Irréconciliable avec le système, comme il le disait.
    Samy Johsua, président de la Société Louise Michel

    • Merci daniel pour toute ton action militante qu elle soit théorique ,un marxisme vivant et ouvert, la construction de la jcr et du mouvement du 22 mars,de la ligue, puis du npa ,un camarade qui accomplissait toutes les taches militantes de la plus ingrate à la plus complexe, un camarade qui savait enflammer la mutu avec cet accent chaleureux de toulouse.. Une lourde perte pour tout le mouvement ouvrier français et aussi international (il a été dirigeant de la 4eme internationale ) . Merci daniel bensa ,ce n est qu un début ! Solidarité et amitié à tes proches

    • Salut à toi Bensa.

      Un révolutionnaire nous quitte.

      Un intellectuel révolutionnaire dont il était impensable qu’il céde à l’air du temps et au délice du pouvoir bourgeois.

      Un dirigeant de la quatrième qui savait ce que voulait dire "mettre les mains dans le camboui"... du combat révolutionnaire.

      Ceux qui savent ce qu’il a fait pour nos camarades espagnols sous Franco ou en Amérique Latine me comprendront...

      A une époque et dans des pays ou la torture et la mort étaient au coin de la rue...

      Le combat continue... Ce sera notre meilleur hommage.
      Merci à LL, à RF et à tous les autres pour leurs mots justes eux qui n’ont pas fait parti de notre "courant politique" mais qui sont aussi des nôtres.

      Avec les larmes aux yeux : salut fraternel à ses plus proches.

      Hasta la victoria : siempre !

      Paco militant de la LCR de 73 à sa dissolution.
      Aujourd’hui NPA.

  • Ciao,ciao Daniel

    On ne lâchera rien.

    Jusqu’au bout.

    Hasta siempre

    Companero.

  • merci pour l’héritage philosophique que tu nous laisse ....

  • Le meilleur hommage que nous puissons rendre à Daniel est de continuer les combats, ne pas sombrer dans l’individualisme, ne pas baisser les bras.Il est vrai que ce début d’année commence bien tristement, mais en sa mémoire, nous avons le devoir de continuer ce pour quoi Daniel s’est toujours battu. Mes sincéres condoléances à sa famille et à ses proches, et à tous ceux qui ont un jour eu la chance de le cotoyer. Salut Daniel.
    No pasaran !! Hasta la victoria siempre ! Adios amigo.

  • Un souvenir à partager avec les plus anciens : le centenaire de la Commune le 15 mai 71, où Daniel enflammait l’immense parterre de Jussieu...
    Premier contact avec lui, militant et affectif en même temps.
    Il y avait bien avec lui cette sensation d’amitié profonde que l’on ressentait même sans faire partie de son entourage immédiat.
    De ce point de vue, si bien sûr "le combat continue", et comment, le monde sera plus triste maintenant.
    Adieu Daniel, merci pour ta chaleur.

  • " L’histoire nous mord la nuque " !
    Ce cri, c’était dans les années 70 !
    Ce cri , il est sans doute maintenant en plein dans l’actualité !
    Tes paroles chantaient la résistance, l’envie de se battre, l’appel à la jeunesse de
    reprendre le flambeau ! Sois fier de ton bilan, condoléances communistes, René !

  • Au revoir et merci a Daniel qui, ensemble avec Ernest et Francois, m’a recrute -pour la vie- a la revolution et a la IV un soir de mai ’68, au bistrot Le Maillot Jaune a la gare de Nord de Bruxelles. Son absence va se faire sentir bien au dela des frontieres francaises...
    Yorgos d’ Athenes

  • Dans les années 70, un congrès de la LCR, des débats tendus, comme toujours chez nous, et puis une intervention, une voix claire, une intelligence évidente, une volonté d’aller toujours plus loin, un sourire magnifique, une limpidité de la pensée...
    Salut camarade.

  • Je suis inconsolable depuis hier. Même si je savais qu’il était très malade, c’est un vrai choc. Il est certainement celui qui m’a le plus influencé politiquement et sans l’avoir vraiment connut personnellement (j’ai eu l’occasion à quelques reprises d’échanger quelques mots avec lui) c’est comme un frère que je perds.
    Merci pour tout Daniel.

    "Ce texte, probablement un des derniers que Daniel ait écrit, fait partie du dossier du dernier numéro de la revue Contretemps dont il était un des 3 directeurs de publication, consacré à la question du communisme ("De quoi le communisme est il le nom ?") en lien avec le colloque du même nom organisé les 22 et 23 janvier à l’université de Paris 8, colloque auquel Daniel tenait beaucoup....et auquel nous vous convions...

    Dans un article de 1843 sur« les progrès de la réforme sociale sur le continent », le jeune Engels (tout juste vingt ans) voyait le communisme comme « une conclusion nécessaire que l’on est bien obligé de tirer à partir des conditions générales de la civilisation moderne ». Un communisme logique en somme, produit de la révolution de 1830, où les ouvriers « retournèrent aux sources vives et à l’étude de la grande révolution et s’emparèrent vivement du communisme de Babeuf ».

    Pour le jeune Marx, en revanche, ce communisme n’était encore qu’« une abstraction dogmatique », une « manifestation originale du principe de l’humanisme ». Le prolétariat naissant s’était« jeté dans les bras des doctrinaires de son émancipation », des « sectes socialistes », et des esprits confus qui « divaguent en humanistes » sur « le millenium de la fraternité universelle » comme « abolition imaginaire des rapports de classe ». Avant 1848, ce communisme spectral, sans programme précis, hantait donc l’air du temps sous les formes « mal dégrossies » de sectes égalitaires ou de rêveries icariennes.

    Déjà, le dépassement de l’athéisme abstrait impliquait pourtant un nouveau matérialisme social qui n’était autre que le communisme : « De même que l’athéisme, en tant que négation de Dieu, est le développement de l’humanisme théorique, de même le communisme, en tant que négation de la propriété privée, est la revendication de la vie humaine véritable. » Loin de tout anticléricalisme vulgaire, ce communisme était« le développement d’un humanisme pratique », pour lequel il ne s’agissait plus seulement de combattre l’aliénation religieuse, mais l’aliénation et la misère sociales réelles d’où naît le besoin de religion.

    De l’expérience fondatrice de 1848 à celle de la Commune, le « mouvement réel » tendant à abolir l’ordre établi prit forme et force, dissipant les « marottes sectaires » et tournant en ridicule « le ton d’oracle de l’infaillibilité scientifique ». Autrement dit, le communisme, qui fut d’abord un état d’esprit ou « un communisme philosophique », trouvait sa forme politique. En un quart de siècle, il accomplit sa mue : de ses modes d’apparition philosophiques et utopiques, à la forme politique enfin trouvée de l’émancipation.

    1.Les mots de l’émancipation ne sont pas sortis indemnes des tourments du siècle passé. On peut en dire, comme des animaux de la fable, qu’ils n’en sont pas tous morts, mais que tous ont été gravement frappés. Socialisme, révolution, anarchie même, ne se portent guère mieux que communisme. Le socialisme a trempé dans l’assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, dans les guerres coloniales et les collaborations gouvernementales au point de perdre tout contenu à mesure qu’il gagnait en extension. Une campagne idéologique méthodique est parvenue à identifier aux yeux de beaucoup la révolution à la violence et à la terreur. Mais, de tous les mots hier porteurs de grandes promesses et de rêves vers l’avant, celui de communisme a subi le plus de dommages du fait de sa capture par la raison bureaucratique d’Etat et de son asservissement à une entreprise totalitaire. La question reste cependant de savoir si, de tous ces mots blessés, il en est qui valent la peine d’être réparés et remis en mouvement.

    2. Il est nécessaire pour cela de penser ce qu’il est advenu du communisme au xx· siècle. Le mot et la chose ne sauraient rester hors du temps et des épreuves historiques auxquelles ils ont été soumis. L’usage massif du titre communiste pour désigner l’Etat libéral autoritaire chinois pèsera longtemps beaucoup plus lourd, aux yeux du plus grand nombre, que les fragiles repousses théoriques et expérimentales d’une hypothèse communiste. La tentation de se soustraire à un inventaire historique critique conduirait à réduire l’idée communiste à des « invariants » atemporels, à en faire un synonyme des idées indéterminées de justice ou d’émancipation, et non la forme spécifique de l’émancipation à l’époque de la domination capitaliste. Le mot perd alors en précision politique ce qu’il gagne en extension éthique ou philosophique. Une des questions cruciales est de savoir si le despotisme bureaucratique est la continuation légitime de la révolution d’Octobre ou le fruit d’une contre-révolution bureaucratique, attestée non seulement par les procès, les purges, les déportations massives, mais par les bouleversements des années trente dans la société et dans l’appareil d’Etat soviétique.

    3. On n’invente pas un nouveau lexique par décret. Le vocabulaire se forme dans la durée, à travers usages et expériences. Céder à l’identification du communisme avec la dictature totalitaire stalinienne, ce serait capituler devant les vainqueurs provisoires, confondre la révolution et la contrerévolution bureaucratique, et forclore ainsi le chapitre des bifurcations seul ouvert à l’espérance. Et ce serait commettre une irréparable injustice envers les vaincus, tous ceux et celles, anonymes ou non, qui ont vécu passionnément l’idée communiste et qui l’ont fait vivre contre ses caricatures et ses contrefaçons. Honte à ceux qui cessèrent d’être communistes en cessant d’être staliniens et qui ne furent communistes qu’aussi longtemps qu’ils furent staliniens !

    4. De toutes les façons de nommer « l’autre », nécessaire et possible, de l’immonde capitalisme, le mot communisme est celui qui conserve le plus de sens historique et de charge programmatique explosive. C’est celui qui évoque le mieux le commun du partage et de l’égalité, la mise en commun du pouvoir, la solidarité opposable au calcul égoïste et à la concurrence généralisée, la défense des biens communs de l’humanité, naturels et culturels, l’extension d’un domaine de gratuité (démarchandisation) des services aux biens de première nécessité, contre la prédation généralisée et la privatisation du monde.

    5. C’est aussi le nom d’une autre mesure de la richesse sociale que celle de la loi de la valeur et de l’évaluation marchande. la concurrence « libre et non faussée » repose sur « le vol du temps de travail d’autrui ». Elle prétend quantifier l’inquantifiable et réduire à sa misérable commune mesure par le temps de travail abstrait l’incommensurable rapport de l’espèce humaine aux conditions naturelles de sa reproduction. Le communisme est le nom d’un autre critère de richesse, d’un développement écologique qualitativement différent de la course quantitative à la croissance. La logique de l’accumulation du capital exige non seulement la production pour le profit, et non pour les besoins sociaux, mais aussi « la production de nouvelle consommation », l’élargissement constant du cercle de la consommation « par la création de nouveaux besoins et par la création de nouvelles valeurs d’usage » : d’où « l’exploitation de la nature entière » et « l’exploitation de la terre en tous sens ». Cette demesure dévastatrice du capital fonde l’actualite d’un éco-communisme radical.

    6. La question du communisme, c’est d’abord, dans le Manifeste communiste, celle de la propriété : « Les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique : suppression de la propriété privée » des moyens de production et d’échange, à ne pas confondre avec la propriété individuelle des biens d’usage. Dans « tous les mouvements », ils « mettent en avant la question de la propriété, à quelque degré d’ évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement ». Sur les dix points qui concluent le premier chapitre, sept concernent en effet les formes de propriété : l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation de la rente foncière aux dépenses de l’Etat ; l’instauration d’une fiscalité fortement progressive ; la suppression de l’héritage des moyens de production et d’échange ; la confiscation des biens des émigrés rebelles ; la centralisation du crédit dans une banque publique ; la socialisation des moyens de transport et la mise en place d’une éducation pu,blique et gratuite pour tous ; la création de manufactures nationales et le défrichage des terres incultes.

    Ces mesures tendent toutes à établir le contrôle de la démocratie politique sur l’économie, le primat du bien commun sur l’intérêt égoïste, de l’espace public sur l’espace privé. Il ne s’agit pas d’abolir toute forme de propriété, mais « la propriété privée d’aujourd’hui, la propriété bourgeoise », « le mode d’appropriation » fondé sur l’exploitation des uns par les autres.

    7. Entre deux droits, celui des propriétaires à s’approprier les biens communs, et celui des dépossédés à l’existence, « c’est la force qui tranche », dit Marx. Toute l’histoire moderne de la lutte des classes, de la guerre des paysans en Allemagne aux révolutions sociales du siècle dernier, en passant par les révolutions anglaise et française, est l’histoire de ce conflit. Il se résout par l’émergence d’une légitimité opposable à la légalité des dominants.

    Comme « forme politique enfin trouvée de l’émancipation », comme « abolition » du pouvoir d’Etat, comme accomplissement de la République sociale, la Commune illustre l’émergence de cette légitimité nouvelle. Son expérience a inspiré les formes d’auto-organisation et d’autogestion populaires apparues dans les crises révolutionnaires : conseils ouvriers, soviets, comités de milices, cordons industriels, associations de voisins, communes agraires, qui tendent à déprofessionaliser la politique, à modifier la division sociale du travail, à créer les conditions du dépérissement de l’Etat en tant que corps bureaucratique séparé.

    8. Sous le règne du capital, tout progrès apparent a sa contrepartie de régression et de destruction. Il ne consiste in fine « qu’à changer la forme de l’asservissement ». Le communisme exige une autre idée et d’autres critères que ceux du rendement et de la rentabilité monétaire. A commencer par la réduction drastique du temps de travail contraint et le changement de la notion même de travail : il ne saurait y avoir d’épanouissement individuel dans le loisir ou le « temps libre » aussi longtemps que le travailleur reste aliéné et mutilé au travail. La perspective communiste exige aussi un changement radical du rapport entre l’homme et la femme : l’expérience du rapport entre les genres est la première expérience de l’altérité, et aussi longtemps que subsistera ce rapport d’oppression ; tout être différent, par sa culture, sa couleur, ou son orientation sexuelle, sera victime de formes de discrimination et de domination. Le progrès authentique réside enfin dans le développement et la différenciation de besoins dont la combinaison originale fasse de chacun et chacune un être unique, dont la singularité contribue à l’enrichissement de l’espèce.

    9. Le Manifeste conçoit le communisme comme « une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ». Il apparaît ainsi comme la maxime d’un libre épanouissement individuel qu’on ne saurait confondre, ni avec les mirages d’un individualisme sans individualité soumis au conformisme publicitaire, ni avec l’égalitarisme grossier d’un socialisme de caserne. Le développement des besoins et des capacités singuliers de chacun et de chacune contribue au développement universel de l’espèce humaine. Réciproquement, le libre développement de chacun et de chacune implique le libre développement de tous, car l’émancipation n’est pas un plaisir solitaire.

    10. Le communisme n’est pas une idée pure, ni un modèle doctrinaire de société. Il n’est pas le nom d’un régime étatique, ni celui d’un nouveau mode de production. Il est celui du mouvement qui, en permanence, dépasse/supprime l’ordre établi. Mais il est aussi le but qui, surgi de ce mouvement, l’oriente et permet, à l’encontre des politiques sans principe, des actions sans suites, des improvisations au jour le jour, de déterminer ce qui rapproche du but et ce qui en éloigne. A ce titre, il est, non pas une connaissance scientifique du but et du chemin, mais une hypothèse stratégique régulatrice. Il nomme, indissociablement, le rêve irréductible d’un autre monde de justice, d’égalité et de solidarité ; le mouvement permanent qui vise à renverser l’ordre existant à l’époque du capitalisme ; et l’hypothèse qui oriente ce mouvement vers un changement radical des rapports de propriété et de pouvoir, à distance des accommodements avec un moindre mal qui serait le plus court chemin vers le pire.

    11. La crise, sociale, économique, écologique, et morale d’un capitalisme qui ne repousse plus ses propres limites qu’au prix d’une démesure et d’une déraison croissantes, menaçant à la fois l’espèce et la planète, remet à l’ordre du jour « l’actualité d’un communisme radical » qu’invoqua Benjamin face la montée des périls de l’entre-deux guerres."

    Daniel Bensaid"

    • Honte à ceux qui cessèrent d’être communistes en cessant d’être staliniens et qui ne furent communistes qu’aussi longtemps qu’ils furent staliniens !

      Bien vu, et bien dit.

      Mais heureusement aussi que tous ceux qui furent staliniens (et qu’il ne m’appartient pas de juger - ce serait trop simple) ne cessèrent pas d’être communistes en cessant d’être staliniens. D’ailleurs aujourd’hui 13 janvier, c’est l’anniversaire de la mort de Charles Tillon (13 janvier 1993) - exemple même illustrant ce propos de Daniel Bensaïd, de celui qui cessa d’être stalinien tout en restant communiste et qui disait dans une interview de 1970 "Le problème n’est pas tant d’avoir été stalinien que de l’être resté. Oui, j’ai été stalinien - mais on guérit de toutes les maladies"...

      Ce qui me fait dire "Ne désespérons jamais !" et ça c’est un message qui me semble convenir à ce que portait Daniel Bensaïd.

      Salut militant à tous les communistes, et à nouveau, à la mémoire de Daniel Bensaïd.

      LL

  • Moi qui n’ai jamais été trotskyste pourtant j’ai toujours éprouvé le plus grand respect pour Daniel Bensaïd, depuis le temps où la librairie Maspero faisait la rencontre de tous les mouvements sur ses tables, dans une petite rue en bas du Ve arrondissemen.. j’avoue ne pas avoir pensé la même chose de Henri Weber avec lequel il fut impliqué à la tête de leur parti et dans leurs publications, et que la suite de la carrière de Henri Weber m’a donné à éprouver que je ne m’étais pas trompé ;-)

    La disparition de Bensaïd m’attriste d’autant plus qu’il portait une histoire, et ça commence à faire beaucoup de passeurs qui nous quittent...

  • Je suis marocain et j’ai eu l’honneur et le plaisir de connaitre D BENSAID à Paris à la fin des années 70 à travers une pensée militante, internationaliste dévouée aux causes justes et nobles.
    Je ne pourrai jamais oublier ses discours et écrits entre autres pour défendre la cause palestinienne et ses déclarations de juif non sioniste et mes convictions moi l’arabe et maghrébin de la pensée militante loin de tous les stériotypes et les comportements mysogines.
    Une pensée pleine de respect et d’admiration pour ce grand homme qui a été un professeur qui prodigue des reflexions et des ponts de vue loin de tout paradygme et des idées reçues.
    Une bougie qui s’éteint aprés avoir éclairé le chemin à un tas de jeunes qui ne le sont plus maintenant et pour lesquels il demeurera un grand Monsieur par sa largeur d’esprit et la profondeur de ses reflexions.
    Ali FAKIR
    CASABLANCA, MAROC

  • bien qu’ayant des désaccords avec la Ligue et le NPA ,en tant que communiste Daniel Bensaid a toujours été pou moi un des repères théoriques de par ses écrits , et c’est une perte pour tous les communistes . je compatis et m’associe a la peine ressentie par ses proches , camarades et amis . sam 82 .

  • Daniel Bensaïd est décédé ce matin - DELLAI SAMAH
    Pendant notre dernier entretien en juin dernier ; il me disait que ma thèse tient la route, il faut simplement faire vite, on s’est croisé pour la dernière fois à l’université d’été de NPA, il me disait c’est bon ce que tu fais, mais fait vite ! J’ai essayé de faire vite, mais la mort a été plus rapide que moi ! Je devrais continuer le chemin sans lui et avec lui à la fois et mon hommage sera ma thèse que je vais soutenir sans lui mais grâce et avec lui dans les prochains mois !
    Adieu professeur et camarde !
    Tu me manques déjà
    Samah

    • Daniel Bensaïd est décédé ce matin - DELLAI SAMAH
      Pendant notre dernier entretien en juin dernier ; il me disait que ma thèse tient la route, il faut simplement faire vite, on s’est croisé pour la dernière fois à l’université d’été de NPA, il me disait c’est bon ce que tu fais, mais fait vite ! J’ai essayé de faire vite, mais la mort était plus rapide que moi ! Je devrais continuer le chemin sans lui et avec lui à la fois et mon hommage sera ma thèse que je vais soutenir sans lui mais grâce et avec lui dans les prochains mois !
      Adieu professeur et camarde !
      Tu me manques déjà
      Samah

  • Daniel Bensaïd, un intransigeant rassembleur. Cet énoncé qui confine à l’oxymore, décrit à la fois celui qui ne lâchait rien sur le fond, et qui dans la forme était un être sociable et facile d’accès. Un frère de classe, pas un politicien à l’ego démesuré ! "Bensa" restera dans nos cœurs bien sûr, mais surtout dans nos têtes, tant il a contribué à notre formation.