Accueil > Dans l’énergie, les jeunes mettent les gaz
de Lina Sankari
Ce matin, de jeunes gaziers étaient réunis en Assemblée générale pour discuter des modalités de la grève.
D’emblée, une phrase. Celle de La Boétie, placardée au mur de ce local syndical d’une agence parisienne de gaz de France : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » A eux seuls, c’est quelques mots suffisent à résumer l’état d’esprit de la vingtaine de jeunes salariés réunis aujourd’hui en assemblée générale. En 2009, la plupart d’entre eux ont mené une grève de plusieurs mois afin d’obtenir une augmentation de 10% et de lutter contre l’externalisation. Mathieu, du haut de ses vingt-huit ans et avec ses sept ans d’ancienneté, a arraché vingt euros par mois à la direction. Soit un salaire de 1350 euros. « Des miettes pour les bas salaires », glisse-t-il, lui qui commence tout juste à joindre les deux bouts mais ne regrette rien. « Cela a été dur financièrement mais nous avons montré à la direction qu’on était capable de se mobiliser, et que cela pouvait leur couter de l’argent. » Ces derniers temps, des avancements de fin d’année ont sauté.
En cette matinée, il assurera sa tournée mais se mettra en grève l’après-midi. Lors de l’Assemblée générale, les représentants de la CGT ont réaffirmé la nécessité de « trouver des formes d’action qui fassent le plus mal mais qui coûtent le moins cher aux salariés. Et qui s’inscrivent dans la durée » Conscients que la plupart des jeunes présents, même d’accord sur le fond, ne peuvent se permettre de perdre un nombre important de journée de salaires. Mais le malaise et l’inquiétude sont bien dans les têtes. « On est sous pression permanente. Le mot d’ordre est la productivité, d’avoir de bonnes statistiques. Nous ne sommes plus des êtres humains mais des chiffres. Les résultats qu’on nous pousse à obtenir, ce sont les usagers qui en pâtissent. Ainsi, on nous demande d’élargir nos zones d’intervention, ce qui demande de passer moins de temps avec les usagers et génèrent du stress », regrette Mathieu.
"En 2009, le groupe a réalisé 4,4 milliards d’euros de bénéfice, le fond du problème est bien celui de la répartition des richesses comme pour les retraites"
Lors de l’assemblée générale, Stéphane fait le lien entre la situation vécue en interne et la question plus générale des retraites : « Nous avons de moins en moins d’autonomie, à cela vient s’ajouter la loi sur la nouvelle organisation des marchés de l’électricité. On va toujours plus loin dans la privatisation et le moyen de gagner là-dessus, c’est aussi d’être fort aujourd’hui. En 2009, le groupe a réalisé 4,4 milliards d’euros de bénéfice, le fond du problème est bien celui de la répartition des richesses comme pour les retraites », explique, Stéphane qui mène l’assemblée et pense que les jeunes « loin d’être résignés » suivront plutôt bien.
Avec lui, Christophe, qui compte également sept ans d’ancienneté à son actif, sait que le mouvement de 2009 a laissé des traces. « On ne va pas partir bille en tête. Mais au-delà des questions financières, tout le monde a conscience que c’est toujours au même de payer. » Ceux qui ont travaillé avec les plus anciens portent également un regard inquiet sur la progressive dégradation du travail chez GDF. « Nous sommes en constante réorganisation, les repères sont cassés en permanence. En clair, on nous demande de faire mieux avec moins sous couvert de modernité. Sans compter que, quand les actionnaires prennent des milliards, on nous sucre certaines primes de un euro ! »
Cette fois, ils comptent ainsi utiliser leur outil de travail et organiser des coupures ciblées et des baisses de charges « en ciblant très clairement les responsables politiques et le Medef » en lien « avec les salariés d’entreprises en lutte ou qui licencient », comme l’indique la CGT Energie. Et Stéphane dde conclure : « Si notre productivité augmente, on peut clairement financer les retraites. Nous connaissons aujourd’hui un rapport de forces inédit. »
http://humanite.fr/12_10_2010-dans-l%E2%80%99%C3%A9nergie-les-jeunes-mettent-les-gaz-455585