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Déchets nucléaires, analyse et appel à soutien pour Bure

Publie le mercredi 21 septembre 2005 par Open-Publishing

Bure : analyse et appel à soutien

Nous ne devons pas laisser tomber ceux de BURE !
La pression du lobby nucléaire s’est accentuée singulièrement en 2004, multiforme :
 décision de construire l’EPR,
 volonté de voir à n’importe quel prix l’ITER à Cadarache,
 promotion de l’énergie atomique à l’étranger,
 pression de l’Agence Internationale de l’Énergie Nucléaire (AIEA) sur la FAO et l’OMS pour une révision du Codex Alimentarius,
 repositionnement de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) concernant le recyclage des matériaux faiblement radioactifs sont les exemples les plus frappants.

Et puis, 2006 n’est plus si loin : si le monstre nucléaire veut être garant du développement durable si cher à tout bon politique d’aujourd’hui, il doit solutionner le problème apparemment insoluble de ses déchets. D’où une agitation et accélération soudaines du côté de BURE.

L’entourloupe de BURE se révèle enfin au grand jour. Certains élus et citoyens de par là-bas l’avaient flairée depuis longtemps. Il faut dire que certains « investissements » de l’ANDRA posaient et posent encore question. Avant l’enquête publique de 1997 et l’autorisation des travaux du « labo » en août 1999, l’ANDRA a versé 5 MF pendant trois ans et 10 MF en 1997 aux quatre départements susceptibles d’accueillir un centre d’enfouissement (Gard, Vienne, Haute-Marne et Meuse).

Depuis le décret d’août 1999 qui a retenu le site de BURE (pour raisons géologiques ou démographiques ??), 9 Meuros par an sont versés à la Haute-Marne et autant à la Meuse par le biais d’un groupement d’intérêt public (GIP). Ces sommes faramineuses sont versées « pour mener des actions d’accompagnement et de gérer des équipements de nature à favoriser et faciliter l’installation et l’exploitation de chaque laboratoire (art. 12 de la loi de 91). Article dont les termes sont suffisamment vagues pour financer ce que l’on veut.

D’autre part, la façon de procéder ne révèle pas un souci démocratique primordial. La concertation prévue par l’article 6 de cette loi n’a jamais eu lieu (M. Bataille, initiateur de ce beau projet, l’a encore évitée récemment à Bar le Duc). L’ANDRA, à coups de millions d’euros, déverse une information unique tout azimut (sur site, scolaire, entreprises, médias locaux et nationaux).

Fin 2004, la fameuse couche d’argilites est atteinte. Pour compenser le retard pris sur le calendrier (accident mortel, nombreux incidents divers), la galerie d’expérimentation ne sera pas creusée au coeur de cette couche mais dans son niveau supérieur : nos parlementaires doivent être en possession d’un dossier pour se prononcer en 2006 ! Beau souci scientifique !

L’ANDRA aurait pu s’éviter ce délai supplémentaire d’ailleurs puisque la Commission Nationale d’Évaluation (CNE), chargée du suivi des recherches imposées par la loi Bataille (axes transmutation, stockage sub-surface et enfouissement), dans son rapport annuel de juin 2004, annonce clairement la couleur : « En conclusion, le site de Bure est marqué par la présence de caractères favorables et l’absence, en l’état actuel des connaissances, de caractères défavorables rédhibitoires. [...]

On peut estimer qu’au terme de la loi, en 2006, il n’existera pas d’obstacle dirimant qui empêcherait le Législateur de prendre une décision de principe quant au stockage des déchets à vie longue dans le secteur étudié. »

Tout est dit !

Peut-on encore appeler cela du suivi ?

A la lecture de ce rapport, je suis frappé par le nombre de questions qui restent encore sans réponses, par la quantité de conditionnels sous-entendant bien des points d’interrogation, par des expressions plutôt vagues surprenantes dans un rapport scientifique, par nombre d’extrapolations et de suppositions à partir d’autres sites prenant des caractères de certitudes. Et puis, une chose m’intéresse qui n’apparaît pas dans ce rapport : le montant des sommes englouties dans ce trou. Mais là, je conçois bien que la Science n’est en rien concernée.

J’ai du mal à cerner la psychologie du scientifique : employé et donc payé par les sociétés directement impliquées dans ce vaste chantier, ou libre et souvent combattu officiellement alors (voir le nucléaire du côté de Tchernobyl ou pas si loin). Comment peut-il vivre cet état de fait ? Quoiqu’il en soit, le scientifique ne m’impressionne pas toujours. Car il lui manque une dimension essentielle, enfermé dans sa tour d’ivoire ou bâillonné par ses baill(onn)eurs de fonds : le bon sens.

Je ne suis pas scientifique. Mais je mesure la vanité et l’hypocrisie de tous ces acteurs prétendant pouvoir piéger des éléments chimiquement et radioactivement dangereux durant des millions d’années pour certains dans une couche d’argilites à 500 mètres sous terre.

Le rapport Bataille (93) est plus cynique : « Il est impossible de prouver qu’un confinement restera efficace jusqu’à la décroissance totale de la radioactivité des déchets Le but du stockage est de retarder au maximum son retour à la surface. » Ca a le mérite d’être clair et d’être immoral au regard de ceux qui nous suivront. Ce cynisme avait été camouflé par la fameuse réversibilité qui a endormi tant d’élus. Mais là aussi, certains ont le mérite d’être clairs : « Le stockage sera réversible pendant la durée du remplissage du site. » (Régent et Courtois du CEA à Barle Duc). Beaucoup n’avaient pas attendu cette déclaration pour en être persuadés !

La pression des nucléocrates oeuvre sans relâche auprès des décideurs français et européens. Contre eux, nous devons aider celles et ceux qui se battent depuis plus de dix ans devant cette monstruosité scientifique qu’est l’idée de vouloir enterrer des déchets nucléaires à BURE ou ailleurs. C’était déjà preuve d’un beau je-m’en-foutisme que d’en produire tout en étant incapable de les gérer. Car tout beau stockage passé ou actuel (je ne parle pas de ceux qui ont pu envisager de les balancer dans la mer) n’est toujours qu’un lourd legs empoisonné à nos successeurs. Mais c’est encore pire de faire croire que l’on a trouvé la solution et de laisser faire, de jouer les autruches.

Des associations d’élus et de citoyens opposés à l’enfouissement existent, il faut les rejoindre, les soutenir moralement, financièrement dans leur lutte.

Jean-Marc DALVAL, du collectif CEDRA 70-90, 20 Dec 2004.

Manifestation nationale contre les déchets nucléaires à Bar-Le-Duc le 24 septembre 2005.

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