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Des avancées mais la vigilance reste de mise

Publie le vendredi 25 juin 2004 par Open-Publishing

Jack Ralite : " Un certain nombre d’avancées "

" Voilà un an qu’un véritable coup de force a été mené contre les annexes VIII et X qui, à l’UNEDIC, garantissent aux artistes et techniciens qui les accompagnent dans le travail, des droits au chômage conquis sur des dizaines d’années.

L’année - en comptant juillet, mois des festivals - a été une année d’actions multiples, convergentes, animée par une pluralité de pensées, de disciplines, d’esthétiques, qui ont occupé le devant de la scène publique.

Ces actions, depuis six mois, ont trouvé dans le Comité de suivi (il regroupe les associations et syndicats concernés ainsi que des parlementaires appartenant à des groupes politiques du Parlement) un partenaire original, pluraliste, qui n’a pas peu contribué à rétablir le contact entre les intermittents, leurs représentants et les pouvoirs publics. Cet ensemble dynamique a abouti à un certain nombre d’avancées.

C’est ainsi que les femmes enceintes se sont vu rétablir tous les droits que l’accord leur avait ôtés, et surtout, à l’occasion du Festival du film de Cannes, il a été obtenu que les rejetés des annexes soient repris en compte dès lors qu’ils font 507 heures en douze mois et non en onze comme il était prévu. Un fond spécial a été créé par le ministre des Affaires culturelles pour financer ce que l’UNEDIC avait cessé de financer.

Ces avancées sont significatives et, si on me permet cette expression, dans la bouteille rendue vide par l’accord du 26 juin dernier, le niveau a recommencé à monter. Il reste que, sur le plan de la maladie, sur les possibilités pour les artistes et techniciens de donner des formations à l’extérieur, le compte n’y est pas. Par exemple, il faut que la maladie soit couverte comme avant et pas seulement à partir de trois mois.

Mais, surtout, il faut que le ministre de la Culture déclare nettement que des négociations doivent se tenir pour de nouvelles annexes VIII et X, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2005. Ce n’est pas une petite revendication. Comme l’accord du 26 juin existe toujours, l’UNEDIC peut décider d’appliquer dès le 1er janvier 507 heures en dix mois. On imagine le basculement que cela serait, d’autant plus qu’il n’y a pas de retour à la date anniversaire, et l’eau, au lieu de monter dans la bouteille, redescendrait.

C’est ce que je confirmerai, avec le Comité de suivi, lors de la conférence de presse qui se tiendra le 8 juillet en Avignon. Enfin, nous devons - et ce travail est déjà fait - avancer une solution alternative. En résumé, des avancées non négligeables ont été enregistrées, mais il faut rester vigilant pour en enregistrer d’autres.

Le travail social, culturel, politique d’un an est vraiment en route et l’on voit que la mêlée des syndicats, coordination et élus politiques a été productive, le mouvement social et la pratique politique travaillant ensemble, chacun restant soi. Bonne continuation ! "

Claude Michel, de la CGT spectacle

Il se trouve que je viens de reprendre l’éphéméride du mouvement des professionnels du spectacle. Il remonte à 2001, mais c’est en août 2002 que la bagarre commence vraiment, au moment où l’UNEDIC publie un rapport sur le déficit des annexes VIII et X. Cette étude qui stigmatise les professionnels intermittents est caricaturale. Dans les jours qui ont suivi, nous avons révélé un texte du MEDEF qui montrait la volonté du patronat de s’emparer de ce dossier. Au cours des mois suivants, une partie de la presse a fouillé dans le caniveau, traquant les " abus " pour jeter l’opprobre sur tout le système d’assurance chomâge. Un peu comme avec la Sécu aujourd’hui. Le 21 octobre 2002, nous étions 20 000 manifestants dans les rues de Paris. Je ne vais pas retracer toutes les étapes, mais elles éclairent la situation actuelle. Malgré l’ampleur des mobilisations successives, le protocole est signé dans la nuit du 26 au 27 juin, sans même que le ministre l’ait lu. Nous lançons un mot d’ordre de grève reconductible, que nous maintenons. Ce protocole, selon nous, repose sur une philosophie d’exclusion. Il faut voir à cette lumière les perturbations de la saison d’été. La résolution était considérable. À la rentrée 2004, nous étions encore très nombreux. Malgré cela, le protocole entre en application. En janvier 2004, nous sommes K.-O. En février, nous parvenons à faire renaître le débat d’idées, avec le Comité de suivi, à partir de la situation des femmes enceintes et des malades. Aujourd’hui, nous n’avons que des réponses partielles, avec quelques acquis non négligeables. Le dossier est loin d’être réglé. De toute façon, il va falloir négocier un nouveau système. Le mouvement s’est mis d’accord sur une plate-forme commune. Ni le MEDEF ni les pouvoirs publics ne peuvent s’en tirer comme ça. La CGT est en situation de vigilance active. La force de ce mouvement, c’est à la fois sa longue durée, son ampleur et son unité. Nous ne fermons la porte à aucune action. Nous sommes également lucides sur le rapport de forces et la nécessité absolue qu’ont beaucoup de professionnels du spectacle de travailler cet été, simplement pour ne pas crever de faim. Cela ne nous empêchera pas de faire entendre nos propositions en toutes occasions.

Dominique Paillé (UMP), président de la commission parlementaire.

" Dès le 10 mars 2004, au terme de quelques semaines d’auditions, la mission d’information parlementaire sur les métiers d’artistes, que je préside, rendait à l’unanimité son avis sur l’accord UNEDIC de juin 2003. Il lui apparaissait évident qu’il était socialement injuste et qu’il ne permettrait nullement de réduire le déficit du régime, ni de supprimer les abus et les fraudes au dispositif. Quelques mois plus tard, le gouvernement Raffarin III a établi le même constat et en a tiré les conclusions qui s’imposaient. Aujourd’hui, l’accord de juin 2003, s’il n’est pas suspendu officiellement, est très largement vidé de ses effets. L’État s’est engagé à revenir, grâce au fonds provisoire qu’il met en place, aux règles antérieures. Par ailleurs, le ministre a clairement annoncé le calendrier des négociations et les axes de réforme nécessaires. Ce sont ceux que les partenaires sociaux et les parlementaires réclamaient. Rien ne s’oppose plus à la recherche d’un système d’assurance chômage qui conjugue justice sociale, maintien d’un haut niveau de créativité culturelle et maîtrise des dépenses. La balle est dans le camp des partenaires sociaux et du gouvernement. Les parlementaires de la mission continueront à leur apporter leur concours et à veiller que cette nouvelle chance ne soit pas gâchée.

Mathilde Monnier, chorégraphe

" L’attente est réelle. Quelques promesses ont été faites, certaines questions ont été réglées comme la prise en compte des femmes enceintes. Ce n’est pas suffisant. Il y a eu un énorme mouvement, entendu par le public, mais pas du tout par le gouvernement. Nous, artistes, sommes allés très loin dans nos revendications. Nous n’aurions pas cru possible de mettre en péril notre outil comme nous l’avons fait. Le message n’a pas été entendu. Renaud Donnedieu de Vabres a dit mardi dernier que le recalcul de ceux qui sont sortis du régime allait être analysé. Cela va prendre du temps. Cette question du temps est une espèce de gage pour repousser sans cesse les décisions. Nous nous sentons piégés. Avant Cannes, les choses semblaient imminentes. Aujourd’hui, les gens ont plus que jamais besoin d’actes concrets. Personne ne pourra attendre éternellement. Mais l’été se passera bien. Les artistes sont raisonnables. C’est là leur force. Tout le monde va jouer. Nous ne sommes pas des casseurs. Il est vrai que nous n’avons pas eu le choix l’an passé. Quand un gouvernement ne répond pas au bout de quatre jours de grève, celle-ci continue. Si les artistes jouent, cela n’empêchera pas d’autres formes d’action. Nous restons intensément déterminés. "

Propos recueillis par M. S.

François Rancillac, directeur de la Comédie de Saint-Étienne

" Un an après, le sujet a changé de teneur. Les intermittents étaient considérés comme des emmerdeurs publics, des profiteurs, des jean-foutre. Ce n’est plus le cas. L’intermittence est devenue un problème national, ayant une vraie reconnaissance médiatique, ce qui n’était pas gagné d’avance. Tout le monde sait, grosso modo, que ce protocole est une catastrophe. Il faut aussi souligner le travail remarquable qui a été effectué par certains intermittents, lesquels ont pris le temps de lire le protocole et réalisé une réflexion incroyable qu’aucun professionnel n’a jamais faite. Ce qui est éprouvant, c’est la surdité du gouvernement et des partenaires sociaux, du MEDEF et de la CFDT. Le nouveau ministre de la Culture a été nommé pour négocier, mais personne ne sait si celle-ci aura lieu. Certains ont le sentiment qu’il s’agit de gagner du temps, de pourrir la situation. Il y a un épuisement, un vrai sentiment d’impuissance. On a l’impression d’être un détail dans un tableau. Il faudrait une pression sociale. Je ne parle pas en termes de grève ; je n’en suis pas partisan, même si c’était indispensable l’an passé. Il y a d’autres moyens de pression, notamment sur le terrain avec les élus locaux, les maires, les députés. L’intermittence reste, à tort ou à raison, la seule façon de vraiment créer en France. "

Propos recueillis par M. S.

Grégoire Simon, chanteur des Têtes raides.

" L’intermittence est considérée comme ridicule par rapport à l’éducation, la santé, la recherche, la justice. C’est symptomatique de la manière de traiter les dossiers. On monte les gens les uns contre les autres, on "corporatise". Il y a ceux qui ouvrent des droits grâce aux annexes VIII et X et tous ceux qui participent à la création culturelle et ne peuvent prétendre ouvrir de droits faute d’heures suffisantes. Ne parlons pas des artistes peintres, des graphistes, des sculpteurs ou des écrivains qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Aujourd’hui, le protocole n’est toujours pas abrogé. Au sein des Têtes raides, la situation est limite pour chacun de nous, alors que nous tournons beaucoup. Beaucoup passent à l’ouest parce qu’ils ne peuvent pas renouveler leurs droits. Si nous sommes victimes de ce système-là, alors que le groupe a du succès, imaginons pour les autres, tels les artistes de rue. Il faut être solidaires et se battre. Au-delà de l’intermittence, il faut parler largement de la culture et de la nécessité de sauver ce qui est un bien commun et qui a des conséquences économiques énormes sur le pays. Le siècle des Lumières a fait la richesse de la France. Que fait-on aujourd’hui pour sauver le patrimoine culturel de demain ? Le 5 juillet, nous allons faire un KO social à Lille. La Coordination des intermittents du Nord nous a demandé si on envisageait un "KO" à Avignon. Nous sommes en train d’y réfléchir. "

Propos recueillis par Victor Hache

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-06-25/2004-06-25-396085