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Des rapports des RGs en disent long sur la liquidation de l’Université

Publie le mercredi 14 mai 2008 par Open-Publishing
1 commentaire

Je permets de vous livrer ce texte d’Annie qui est vraiment très bon.

...

Je maintiens donc ce que j’ai écrit (hier), bien que je n’aie pas été comprise (ou été comprise à l’envers) par des collègues qui se sont crus accusés de nazisme, sur la tendance à se placer sur le terrain de l’adversaire, inclination qu’étudie Victor Klemperer dans son chef-d’œuvre de 1947, LTI, la langue du IIIè Reich, Paris, Albin Michel, 1996. Ces arguments de « gauche » sont fort prisés des « boîtes à idées » que le grand patronat finance sans répit depuis l’entre-deux-guerres, et dans lesquels il place souvent d’anciens « radicaux » ralliés : on ne fait pas des scissions syndicales, de l’action anti-rouge parmi les salariés, etc., avec des groupements dirigés officiellement par des banquiers : les banquiers financent des « spécialistes », ça fait partie du b a-ba de la lutte des classes (j’y ai consacré une partie importante de mes travaux). Ce n’est faire injure à personne que de dire que les bailleurs de fonds choisissent les thèmes et assurent le suivi, ou de constater que ça fonctionne et que le résultat s’appelle idéologie dominante. Elle devient même hégémonique quand il n’y a plus rien en face, comme de nos jours, ce qui n’était pas le cas des années 1920 aux années 1970. Nous en sommes victimes, même de bonne foi, universitaires inclus. Si le marxisme (y compris le concept d’idéologie dominante) ne faisait plus sursauter les collègues, même de « gauche », une telle remarque relèverait du constat d’évidence.

Pour me faire mieux comprendre, puisque les généralités font aujourd’hui bondir, je soumets à votre réflexion des rapports de RG, annotés aux archives de la Préfecture de police, concernant le « Groupement des industriels de la région de Saint-Denis », un des poids lourds du CNPF après l’avoir été de la Confédération générale du patronat français, dominé par le Comité des Forges et son Union des industries métallurgiques et minières si notoire (voir les travaux de Danièle Rousselier-Fraboulet, notamment, Les entreprises sous l’Occupation. Le monde de la métallurgie à Saint-Denis, CNRS Éditions, Paris, 1998). Car les archives policières ‑ dont les historiens ont grand besoin pour comprendre comment s’opère le contrôle de « ceux d’en bas » par « ceux d’en haut », bref, qui constituent l’instrument indispensable d’une histoire des classes sociales (ou « de classe ») ‑ sont catégoriques. Notre idéologie n’est pas spontanée. Le génie de ses artisans consiste en ce qu’ils nous communiquent la conviction que nous sommes les auteurs « indépendants » de ladite idéologie, qui nous est diffusée depuis le berceau. Ce génie n’opère pas moins efficacement auprès des intellectuels que dans le reste de la population, bien au contraire, car notre milieu adore l’idée de son autonomie, voire de son indépendance absolue – donc déteste l’hypothèse que son idéologie pourrait lui être imposée de l’extérieur, a fortiori quand cette idéologie est « à droite, toute », logiquement, pour la raison susmentionnée.

Les documents en question (GA (archives des RG), G 11) montrent que le chemin de la liquidation de notre université a été long et délibéré, et que les initiateurs de cette ligne sont bien ceux d’en haut et exclusivement eux, conseillés en l’occurrence par des intellectuels qui se placent pour le coup délibérément à leur service. Dire que tel intellectuel concerné s’aligne sur l’idéologie dominante ne signifie naturellement pas qu’on lui prête le même rôle actif d’accompagnement ou de complicité qu’au recteur Gérald Antoine, directeur de cabinet d’Edgar Faure au ministère de l’éducation nationale (12 juillet 1968-20 juin 1969) – ou qu’on le place d’emblée dans la catégorie des « sous-synarques » intellectuels que s’achetèrent en les flattant, en les corrompant, etc. les grands synarques de l’économie dans l’entre-deux-guerres (voir mon ouvrage Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, Paris, Armand Colin, 2006, rééd. 2007). Naguère, on évaluait, à gauche, les discours tenus par rapport à ceux de « l’adversaire de classe », à l’exemple du vieil August Bebel ‑ qui aurait bien fait de pratiquer la méthode jusqu’au bout (« quand la bourgeoisie me félicite », etc.). C’était tout à fait légitime, et on ferait bien de reprendre cet usage.

Sur la carrière académique et administrative d’Antoine, né en 1915, voir diverses sources officielles sur Internet.

GA (archives des RG), G 11, « Groupement des industriels de la région de Saint-Denis », archives de la Préfecture de police (entre guillemets, citation stricto sensu des rapports)

Rapport des RG, Préfecture de police, 8 janvier 69, confidentiel, ronéoté, 6 p.

Sur la conférence, le 7 janvier, du recteur Antoine de l’Académie Orléans (invité par ledit « Groupement ») sur « État actuel et devenir de l’Université » devant « une soixantaine d’industriels ».

Antoine traite de tous les thèmes chéris des patrons, notamment de celui d’une université « détachée de la réalité », thème qu’il développe largement ensuite. Arrivé au chapitre des solutions, il prétend régler le problème de cette inadaptation insupportable de l’université par les trois moyens suivants :

« 1) Programmes et méthodes pédagogiques […] le moyen vital de la réforme » serait de suivre les conseils dispensés par Péguy en 1910 [lequel était passé « à droite, toute », précisément, ALR].

« 2) Mission de l’université et devenir professionnel » : suit un long développement (plus de 2 pages) sur la nécessité d’adapter l’université à l’économie qui « a son mot à dire », etc. Antoine souligne notamment l’importance des « sciences économiques » et la nécessité de « faire obtenir à l’université française les libertés que connaissent déjà les Universités anglo-saxonnes. [c’est neuf, ça vient de sortir, c’est dû à la crise actuelle, etc., ALR]

3) La liberté d’expression à l’intérieur de l’université » [dans laquelle on reconnaîtra le nécessaire apport des personnalités extérieures qu’on nous a enfin imposées : ouf ! ALR]. Antoine déplore l’affreux retard pris par l’université française sur les « USA (sic) […] L’éducation civique telle qu’elle était conçue jusqu’ici est un leurre. » Il faut prendre « exemple sur l’Allemagne fédérale ou bien le Japon, devenir des citoyens et non pas rester des individualistes, cloîtrés dans leurs tours d’ivoire. » [bref, on n’a pas attendu le « classement de Shanghai », ALR]

A des questions de patrons sur la nécessité de faire entrer la police « dans les locaux universitaires », Antoine répond « que la police universitaire sera de nature à changer les choses. » [comme on le sait nous avons aujourd’hui franchi ce stade rudimentaire de l’offensive, ALR]

Le dossier contient d’autres documents de la même farine dont le

Rapport RG, 28 février 1969, ronéoté, 8 p.

PV de la conférence du rapporteur de la commission enseignement-formation du CNPF, Yves Corpet, sur les perspectives du Vème Plan, en présence du recteur Gérald Antoine, directeur de cabinet d’Edgar Faure,

Corpet, entre autres, glose sur l’indispensable sélection et estime que « certains professeurs pourraient devenir des conseils (sic) de l’économie comme cela se pratique aux USA. » [hurrah, c’est fait, mais Corpet se trompait, « certains professeurs » de droit, sciences économiques, etc. étaient déjà « conseils » depuis un moment, ALR]


On fête bientôt les 40 ans de ces contacts « entreprise-université » et nous y sommes ! « L’université française » est en passe de connaître « les libertés que connaiss[ai]ent déjà les Universités anglo-saxonnes » en 1968, et certains de nos collègues s’interrogent gravement, en nous certifiant leur label de gauche, sur le caractère démocratique de la liquidation de la gratuité, et en considérant les partisans de la gratuité comme des ringards réactionnaires et des dindons. Or, cette liquidation ou ce refus de la gratuité est une constante du grand patronat pour l’université après la Deuxième Guerre mondiale comme pour le secondaire avant (et encore un certain temps après) : il a passé tout l’entre-deux-guerres à guerroyer contre « l’école unique » (secondaire) gratuite, projet du parti radical que celui-ci n’a jamais mené à bien (comme tous ses projets progressistes depuis la fin du 19e siècle, d’ailleurs), avec les champions de « l’école [dite] libre », du genre Philippe Henriot ou Robert Schuman (le glorieux « père de l’Europe », serviteur de toujours du Comité des Forges en général et de la dynastie de Wendel en particulier). Avant de se livrer, de 1940 à 1944, à des activités plus notoires, Philippe Henriot a maudit au service du grand patronat intégriste « l’école unique et gratuite », non sans consentir quelques aveux sociologiques sur la bonne école des riches, « l’enseignement libre » de la « sélection », et la mauvaise des pauvres, qui « entraîne de nombreux inconvénients, en raison de l’encombrement des classes par une foule d’élèves mauvais ou médiocres, dont la présence nuit aux progrès des bons sujets ». A la tête de l’Action catholique de Moselle (bébé des Wendel), notre grand Robert Schuman faisait aussi bien (voir l’index de mon ouvrage cité ci-dessus).

Notons pour mémoire qu’à l’époque, ce grand patronat et ses auxiliaires adoraient surtout le Reich ; depuis, à des dates variant entre 1941 et 1944, ils se sont convertis à l’idée que le meilleur gardien du coffre-fort était les Etats-Unis. Comme vous pourrez le constater, l’antienne de l’alignement sur les universités anglo-saxonnes ne date pas de l’équipe gouvernementale actuelle. Sur cette transition « européenne », je me permets de recommander l’excellent ouvrage de Benjamin Landais, Aymeric Monville et Pierre Yaghlekdjian, L’idéologie européenne, Bruxelles, Aden, 2008, qui ne bénéficie pas de la publicité qu’il mérite, et l’excellent n° 13 de Plan B (avril-mai 2008, www.leplanb.org), « Un odieux amalgame. A bas l’Union européenne ! A bas le IVe Reich ! » (titre de 1e p. et p. 3-7).

Le patronat prétend depuis les origines que le produit des impôts (indirects, naturellement, seulement indirects, ce sont les meilleurs) ne bénéficie qu’à lui, pas aux pauvres ni ou aux non-capitalistes moins pauvres. Les collègues inquiets des privilèges des élèves des grandes écoles imaginent sans doute que, quand certains des étudiants desdites écoles ne seront plus fonctionnaires, rémunérés par l’Etat, ça empêchera les enfants des élites de l’argent et de la culture de bénéficier de tas d’avantages que l’impôt (indirect, seulement indirect, on y vient) des pauvres leur maintiendra ou accroîtra. D’ailleurs, c’est bien connu, les grandes écoles commerciales, pivot culturel de la financiarisation-américanisation de nos économies, établissements dont les étudiants ne sont pas « élèves-fonctionnaires », ont donné l’exemple de la « démocratisation » qu’envisagent nos « modernistes » de gauche (sur le rôle grandissant desdites écoles, voir l’excellente analyse de Christian de Montlibert, Les agents de l’économie. Patrons, banquiers, journalistes, consultants, élus. Rivaux et complices, Paris, Éditions Raisons d’agir, 2007). Si les collègues ont des idées fiscales de « gauche », qu’ils nous présentent directement leurs projets d’impôts directs, très augmentés, qui pèseront sur ces catégories qu’ils prétendent actuellement ponctionner sérieusement en supprimant le statut des « élèves-fonctionnaires ». On nous a fait aussi le coup de la suppression des IPES il y a une trentaine d’années (rechercher sur Internet) au nom de l’égalité entre étudiants, en promettant aux catégories lésées que les bourses seraient augmentées : on attend encore ladite augmentation. Allons-nous nous battre pour enlever nos enfants de l’école, où on n’apprend pas à marcher ? Interdire aux enfants de nos collègues la possibilité de devenir fonctionnaires à 19-21 ans (pour ne pas être obligés de subir une retraite de misère) ? Ah, mais, ils auront des bourses « démocratiques » : celles des IPES ? Un de nos collègues, aimant à se battre la coulpe, est séduit par la proposition d’« Eric Maurin, économiste et sociologue », d’abandonner le statut affreusement privilégié des « polytechniciens comme [lui] », mesure qui lèsera les « élèves fonctionnaires » suivants. Au risque de passer encore pour mauvais esprit, je juge la démarche proche de celle d’un de mes collègues directs, qui dégoise à tour de bras contre les concours devant les étudiants, mais qui, étant lui-même ancien élève de l’école normale supérieure et agrégé d’histoire, prévoit pour sa progéniture le même statut, notamment en fournissant au « bon » lycée la fausse adresse qui permettra à ladite descendance de suivre le (très honorable) cours de son géniteur. Admettons que l’ancien élève de l’X veuille sincèrement lutter, soit pour empêcher ses enfants de préparer la même école que lui, soit pour obtenir que les droits d’inscription en soient alignés sur ceux des grandes écoles commerciales et que le statut d’élève fonctionnaire y soit aboli. Quelle que soit l’hypothèse pertinente, en voilà, une grande victoire démocratique. On va bientôt tricoter des chaussettes grises ? Ce type de propositions, séduisant les collègues qui se sentent « coupables » de bénéficier du système, est volontiers accueilli par la presse du grand capital qui, comme chacun le sait, n’offre pas volontiers sa tribune à la prose qui contredit ses intérêts. Là encore, je n’insulte pas, je constate.


Tout acquis perdu aujourd’hui est un acquis perdu pour l’ensemble du salariat et gagné par le capital.

Denis Kessler, ex-ultra-révolutionnaire de 1968 passé avec armes et bagages chez les grands patrons, l’a fort bien expliqué le 4 octobre 2007, en réclamant dans Challenges la liquidation radicale du « compromis social » de l’après-Libération : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance [...] Il est grand temps de réformer, et le gouvernement s’y emploie [...] La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception [...] Il s’agit aujourd’hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » Le principe de gratuité du service public en est. Il est indécent de se battre la coulpe en versant des larmes chrétiennes sur « les pauvres » qui n’en demandent pas tant et de jouer les dames de bonnes œuvres devant un assaut du capital comme on n’en a pas vu depuis la période 1938-1944 (je me pique d’en parler en connaissance de cause comme historienne).

On doit pouvoir dans une tribune d’universitaires hostiles à la LRU se situer sur le terrain de l’histoire sans que ceux qui tiennent sous habillage de « gauche » le même discours que le camp d’en face sortent la panoplie de la dénonciation des « procès de Moscou » (dans le cadre d’un débat soustrait à Internet).

On doit pouvoir lutter contre l’idéologie dominante sans susciter la commisération d’un collègue « moderne » selon lequel lutter contre l’idéologie dominante signifie « ne se sent[ir] plus en phase avec le monde » (même débat). Quand j’affirme que ces projets sont des projets patronaux, je ne me place pas sur le terrain de l’idéologie, mais des faits. Il n’est donc pas scandaleux d’écrire, a fortiori dans une telle tribune, que l’abrogation du principe de gratuité obéit à une exigence stricte du grand patronat qui tient enfin sa loi mitonnée depuis 1968, et dans tous ses articles. On n’a pas quitté « le monde » quand on soutient que le maintien du secteur public de l’éducation, gratuité incluse, est, objectivement, la seule position de gauche.

Et si on se remettait à « Engels et Marx », un peu ‑ ou peut-être, si on s’y mettait, tout simplement, à l’heure où la crise du capitalisme va leur redonner « les joues roses » ?

Au point où nous en sommes, je ne suis pas sûre que tous les collègues aient tant pratiqué cette pensée présumée vieillotte : on pourrait commencer par Le manifeste (je ne connais rien de plus intelligent sur le stade actuel du capitalisme que cette vieillerie de 1847) et Salaire, prix et profit. Illich, caricature de « réactionnaire » à tous les sens du terme, plus « radical » qu’« Engels et Marx », vraiment, c’est renversant.

Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine, Paris 7

Messages

  • Tu aurais pu signer ton post :) même d’un pseudo, ça ne mange pas de pain et c’est disons, bien vu...

    Moi aussi j’ai reçu ce texte.

    Il faut préciser qu’il se situe dans un débat sur une liste de discussion et qu’il concernait la gratuité de l’éducation, et notamment des droits d’inscription avec "deux camps" :

     l’un qui soutenait que, les enfants de bourgeois faisant plus d’études supérieures que les enfants de prolo, l’équité "de gauche" commandât qu’on leur prenne leur fric en rendant les droits d’inscription payants, ( car les classes populaires paieraient "avec leurs impôts" les études des classes moyennes et sup’...),
     l’autre s’opposant tout à fait à cette "fausse bonne" conception en maintenant le principe intangible de la gratuité des droits d’inscription (je vous laisse deviner où se situait le propos d’Annie LR :))

    Plusieurs enseignements à tirer de cette intervention.

    C’est à la fois extrêmement intéressant de voir que le temps de l’Histoire n’est pas le temps d’une génération mais qu’une idée met 3 ou 4 génération à aboutir. En effet la loi LRU c’est l’aboutissement d’un idée vieille des années 60 - donc 40 ans ! Elle même enfantée par des dinosaures du capitalisme, le Comité des Forges, Wendel etc. Pourtant c’est la "mignonette" et très "moderne" Valérie Pécresse, appuyée par Royal et cie qui a fini par nous la pondre, LA loi, aboutie , théorisée, markétée, en 2008 !

    Cela donne aussi un éclairage tout à fait factuel et donc important , différents de ce qui sont des théories du complot et autres paranoïas fondées sur des "on dit", voilà , c’est CA LA REALITE, ce sont les FAITS. Il y a des PREUVES. Et Annie LR en matière de preuves, on ne peut rien lui reprocher ( à ma connaissance - et c’est pour cela que même ses plus farouches adversaires n’ont jamais osé jusqu’à lui faire un vrai procès en révisionnisme ou en apologie de je ne sais quelle horreur, sachant bien qu’ils perdraient...).

    On peut ensuite éventuellement discuter de l ’interprétation à donner aux faits, dans certains cas.

    C’est aussi formateur, ce genre de confrontation, parce que cela remet quand même quelques idées en place et donne des clefs pour lutter contre l’envahissement de l’idéologie dominante, y compris parmi ceux et celles qui d’entre nous sont de bonne foi, à notre "corps défendant. On ne sort pas indemne. Si on veut bien écouter sans préjugé et sans crainte ( on se laisse bien envahir les oreilles par Sarkozy, BHL et cie sans bouger un cil, pourquoi on refuserait "par principe" d’écouter Annie Lacroix, surtout "à gauche" ???) on apprend souvent beaucoup de choses et pas seulement sur l’Histoire.

    Ensuite on peut discuter sur des bases plus saines, être d’accord ou pas.

    Mais là où un débat avec Annie LR (une des dernières scientifiques marxistes qui reste en France sans doute) sera toujours intéressant, c’est qu’il ne tolère pas l’approximation,et qu’il est en effet, exigeant - si vous dites une chose vous avez intérêt à savoir où vous l’avez pêchée.

    Sinon, attention, l’ironie décapante vous passe tout ça au polissoir et là aïe, il Ilvaut mieux avoir le sens de l’humour et du recul pour admettre qu’on a "merdoyé" et ne pas se crisper dans une attitude défensive. Il faut lui reconnaitre aussi cette qualité rare chez un intellectuel : reconnaître qu’elle s’est trompée ou s’est mal exprimée, et toujours, remettre l’ouvrage sur le métier.

    C’est la vérité irréfutable des faits, cette seule vérité là,en chiffres ,e nrapports officiels, en notes de service... qui permet aussi de lutter contre le découragement ,la dépolitisation, la manipulation , pour dire aux gens : non vous ne rêvez pas, non vous n’êtes pas dans l’erreur quand vous pensez que les patrons sont des ENNEMIS de classe, oui c’est vraiment la guerre, vous avez le droit, le devoir vital, de vous défendre.

    Et puis enfin, sa conclusion, juste et qui fait du bien à lire en ces temps si durs :

    Tout acquis perdu aujourd’hui est un acquis perdu pour l’ensemble du salariat et gagné par le capital.

    Denis Kessler, ex-ultra-révolutionnaire de 1968 passé avec armes et bagages chez les grands patrons, l’a fort bien expliqué le 4 octobre 2007, en réclamant dans Challenges la liquidation radicale du « compromis social » de l’après-Libération : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance [...] Il est grand temps de réformer, et le gouvernement s’y emploie [...] La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception [...] Il s’agit aujourd’hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » Le principe de gratuité du service public en est. Il est indécent de se battre la coulpe en versant des larmes chrétiennes sur « les pauvres » qui n’en demandent pas tant et de jouer les dames de bonnes œuvres devant un assaut du capital comme on n’en a pas vu depuis la période 1938-1944 (je me pique d’en parler en connaissance de cause comme historienne).

    Tout cela Annie Lacroix Riz le sait parfaitement et je la remercie ici encore une fois tout à fait sincèrement pour ses nombreux travaux et ses analyses souvent prenantes.

    Voilà.
    LL