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Du rouge vif au rose pale

Publie le dimanche 17 juillet 2005 par Open-Publishing

de Benoit HOCHFELDER

On peut etre enragé à 20 ans, et beaucoup moins à 40 .

En 1968,Bob Sléght est contrôleur SNCF à Marseille.A coté de son travail, il suit formation militante et devient un activiste de premier ordre.La montée, dès Mars, du mouvement contestataire lui donne l’occasion de concrétiser ses acquis.Malheureusement,lorsqu’il prend la parole au cours d’assemblées générales, Bob confond parler avec aboyer.De plus, il regarde les gens en acceptant son du, à savoir leur admiration.Il va de soi qu’en dépit d’un contexte favorable, ses allocutions ne poussent personne au soulèvement. Au bout de quelques semaines, certains camarades lassés de devoir supporter à répétition sa dysenterie verbale, ses mots creux et l’indigence de sa pensée décident de le mettre hors jeu.Ainsi un matin, il est arrêté par la police pour "trouble à l’ordre public" et "appel à l’insurrection".Après une rafale de coups de bottins, et la signature d’un procès verbal, Bob est relâché.

Au mois d’avril la SNCF, semble t-il impatiente de voir Bob quitter son poste lui propose un sympathique pécule en échange de son départ. Désormais libre de tout engagement professionnel, Bob part à Paris. Dans la capitale, le climat social est, début Mai déjà très tendu.Les étudiants du mouvement du 22 mars multiplient les provocations. La faculté de lettres de Nanterre et le quartier latin sont quotidiennement le théâtre d’affrontements spectaculaires avec les forces de l’ordre.Les mesures répressives choquent une partie de l’opinion et dans la nuit du 10 mai, la CGT appelle à la riposte ouvrière en signe de solidarité avec les etudiants.Durant le même temps, « la nuit des barricades » au quartier latin est retransmise par la radio avec une certaine dramatisation .Les jours suivants, la grève se généralise.

Conscient du danger de la situation, le premier ministre George Pompidou ouvre le 25 mai les négociations de grenelle.Le 29 mai, le général de gaulle s’exile à Baden-baden, semble t-il pris d’une « défaillance » Le 30 mai une manifestation monstre aux champs elysés marque le soutien d’une partie de la population au général.Cet impressionnant défilé marque la fin du mouvement. Le pouvoir politique a efficacement repris en main la situation en agitant le spectre de la guerre civile . Les Trotskistes pour leur part se consolent en qualifiant ce soulèvement de « test révolutionnaire grandeur nature »Des la fin de l’agitation Bob travaille aux usines Renault ; sur le site de Cléon.

Après presque 10 ans de bons et loyaux services passes à l’usine de Rouen, il revient à Marseille et s installe aux Aygalades dans le quinzième ardt.Il travaille à la Régie des Transports Marseillais et conduit le Tram 68 qui va du centre ville au quartier St pierre. Il retrouve d’anciens camarades. Certains on entre temps profité des opportunités économiques de la fin des années 1970 comme Gérard Maneuosichot.Ce dernier a monté une société spécialisée dans la surveillance et la location de gardes du corps.Au début des années 1980 ,ce secteur est très lucratif car de plus en plus d’entreprises doivent se protéger contre la malveillance.

Ce camarade roule en BMW 635 CSI et exhibe une montre Bretling . Il est le portrait type du patron en apparence très relax (col roule ; baskets ; barbe abondante).Il se vante de ne jamais licencier. Ce fait pour le moins étonnant est vérifié dans la mesure où régulièrement des salariés partent d’eux même, sans doute lassés par des déconvenues répétées. Gérard est doté d’une très grande intelligence relationnelle et d’une grande confiance en lui.Il et capable de mettre en oeuvre une prodigieuse volonté. Son l’outil principal est la parole : il parle beaucoup que ce soit pour convaincre ; donner des ordre ou ; même pour séduire.

Nous sommes au printemps 1981.Les élections présidentielles approchent.Pour la première fois sous la cinquième république , la gauche semble en mesure de s’emparer du pouvoir exécutif.Lors du premier tour des élections, le 26 avril 1981, à Marseille c’est le candidat communiste qui arrive en tête.Le 10 Mai a 20 heures, c’est officiel : François Mitterrand est élu Président de la République. Sitôt la nouvelle connue, à Marseille toutes les forces de gauche défilent sur le vieux port en scandant « on a gagné »et« Giscard au chômage ».

Au même moment, dans le huitième ardt, la permanence de l’UDF bascule dans une psychose totale .La phobie des gardes rouges et du goulag socialo-communiste envahit les esprits. Une prochaine collectivisation des biens est a redouter.Il est donc indispensable d’être en mesure de lutter efficacement contre cet inéluctable déchaînement de forces brutales et d’appétits bestiaux. De cette atmosphère surchauffée, resurgit une tradition nationale :une partie de la France en dénonce une autre.

Pendant ce temps là, loin de cette agitation sans véritable fondement rationnel , François Mitterrand quitte son fief électoral de Château Chinon Il va à Paris.Sous une pluie battante, la Renault 30 TX conduite par Guy Ligier roule à très vive allure. Assis à l’arrière, le Président semble vivre une sorte de moment parfait, sans doute une forme de « bonheur tranquille » .

Après dix jours de très grande confusion ,un nouveau gouvernement est formé.Le Maire de Marseille est Ministre de l’intérieur. La fin de l’année arrive à grand pas.Gérard organise un réveillon de la Saint sylvestre ;mais l’ambiance n’est pas vraiment à la fête Certains commencent à douter de leur enthousiasme post-électoral.Gérard est préoccupé : un groupe syndical doit se constituer dans sa société. Dans ce contexte l’atmosphère est plus morose que festive.

En ce premier janvier 1982 bon nombre de fêtards ont la gueule de bois.Au vu de leurs excès de la veille le groupe d’amis de Bob n‘échappe pas à la règle.Certains ont passé une partie de la nuit penchés sur la cuvette des WC,et ceux qui n’ont pas eu cette chance ont l’impression que le tram leur traverse le crâne.Tant bien que mal, il faut redémarrer, et visiblement le cœur n’y est pas. C’est vrai que commencer l’année avec des difficultés n’est pas ce qu’il y a de plus réjouissant.

Fin Janvier, Gérard subit de mauvaise grâce les élections de déléguées du personnel. Un syndicat de la quarantaine Paul Hémique est élu.Bien disposé à empoisonner l’existence de Gérard, il réclame d’emblée la construction d’équipements qui ne seront jamais utilisés, ou pour une fonction très éloignée de leur vocation initiale. Ainsi cinq douches qui servent surtout d’urinoirs sauvages sont construits à la demande de paul. Par la suite Paul cherchera à régulariser l’application de certains droits des salaries comme les heures supplémentaires, jusque la exceptionnellement rémunères. Gérard, ivre de rage veut neutraliser l’intrus.

Il pense pour cela embaucher la femme de Paul, sans travail depuis quelques temps.Lors de son précédent emploi, Paule était affectée au chargement des remorques dans une entreprise de transport.Son immersion dans un milieu professionnel réputé pour sa rudesse l’a rendue très éruptive. Ainsi lorsque quelqu’un lui adresse la parole, sa réaction est plus ou moins spectaculaire.Géneralement, cela se concrétise par une bordée d’injures accompagnée d’une puissante émission de gaz intestinaux.

Tout ceci a pris fin lorsqu’un après-midi,Paule a heurté une voiture avec un appareil de levage.L’employeur a alors judicieusement, mais tardivement décide que" son maintient dans l’entreprise devenait impossible" Paulle lassée par presque deux ans de recherches infructueuses a accepté avec regret la proposition de gerard.Des lors, par l’effet d’une mystérieuse coïncidence,les velléités de Paul se sont considérablement amenuises...

Alors que l’hiver touche presque à sa fin, ce 4 mars 1982, un mystérieux suicide embarrasse la police et le gouvernement. Le directeur de la CPAM des bouches du Rhône, René Lucet est retrouvé mort à son domicile dans le douxieme arondissement.Selon la version officielle ; il se serait suicidé en se tirant deux balles dans la tête.

Ce dernier, arrivé à Marseille en novembre 1979, met en place l’informatisation des règlements.Il s’intéresse aussi aux mutuelles.Celles-ci en très grand nombre dans les bouches du Rhône sont souvent tenues par la CGT.René Lucet estime que par un habile jeu d’opérations comptables les mutuelles détournent des sommes qui alimentent les caisses du PCF. Des lors une véritable guerre éclate entre René Lucet et la CGT.Les attaques réciproques sont d’un grand classicisme en ces circonstances. René Lucet mute ou licencie des proches de la CGT.Le syndicat pour sa part lance une rafale de procès pour « délit d’entrave ».

Le ton monte d’un cran en 1981 :la CGT transmet au ministre de tutelle un dossier à charge contre Lucet..Une nouvelle guerre s’engage cette fois-ci avec le ministère. En février 1982 ; le syndicat FO soutient Lucet et déclenche une grève.Le 2 mars le ministre signe le retrait d’agrément.Lucet perd alors tout pouvoirs. Le 3 mars il quitte définitivement la CPAM vers 18h30. Une longue et délicate enquête va désormais s’ouvrir.

Un proche de Lucet Nick Venturi est interrogé.Mais d’une investigation à l’autre ,d’un interrogatoire à l’autre, les policiers vont mettre à jour l’existence d’un réseau de fausses factures servant à verser des commissions aux employés de la Mairie.Si la piste Venturi n’a pas beaucoup éclairé les enquêteurs sur le décès de Lucet, elle a en revanche ouvert une belle boite de pandore locale. Désormais il règne à Marseille un climat de tension très perceptible, et en cette fin d’année policiers, magistrats et journalistes frôlent le surmenage.

Début 1984,Bob se marie avec une amie de longue date :Nicole (surnommée Picole) alors enceinte de trois mois. Picole est au parti intellectuel.Elle a longtemps vécu à Paris, et exerce la profession de cineaste.Picole conceptualise, conceptualise tout ce qui existe.Picole sait ce qui est bien, ce qui est mal .Elle est convaincue du bien fondé de ses analyses.D’ou tire t-elle l’autorité qui lui permet de juger ?

Ca reste un mystère Elle déteste la loi sauf lorsque elle peut en tirer profit.Elle éprouve une grande satisfaction a être acclamée par des sots.Le mariage,quand à lui, est célébré à la mairie de secteur.Le choix des témoins est pour le moins folklorique.Bob choisi un Huissier de justice qui dresse à sa demande un original "constat de mariage".Le témoin de Picole est un SDF rencontré le matin même . Bob et Picole partent en voyage de noce à Saint Césaire, dans les alpes maritimes. Ce voyage prévu initialement pour une durée de quinze jours, fut écourté par consentement mutuel au bout de trois jours,les deux jeunes maries étant saturés d’aigreurs réciproques. La fille de Bob et Picole ne fin 1984.

Début 1986 Picole infante à nouveau d’une fille, mais n’ayant manifestement aucune ressemblance avec Bob.Ce fâcheux evenement n’est en soi une surprise pour personne.Picole souhaitait simplement rendre a son mari la monnaie de sa pièce.Elle n’avait en effet pas supporté la récente paternité de bob, acquise accidentellement avec une copine de travail. Entre temps, parallèlement à son mariage qui a eu pour effet de puissamment accroître sa consommation d’alcool, Bob est muté au service technique de la RTM ; sa direction lui ayant fait valoir que « ce service avait un besoin urgent de mécaniciens expérimentés »

Cette circonlocution trahissait en fait une réalité à laquelle l’employeur de Bob devait faire face, à savoir que ce dernier risque à tout moment de faire quitter la chaussée à un engin pourtant monté sur rail. Bob considère à juste titre cette évolution comme une placardisation, mais a au vu de son etat,rapidement obtenu une invalidité.

Disposant désormais de beaucoup de temps libre, Bob décide de se présenter aux élections legistalatives de 1986.Le parti Socialiste accepte sa candidature. Il déménage pour se présenter à l’est de Marseille.

Gérard lui apporte son soutien financier, ainsi que les services d’un spécialiste de la communication politique Jean Ventoux.Cette discipline relativement nouvelle à l’époque, consiste à vendre un candidat ce comme n’importe quel produit de consommation.Sur le modèle des élections présidentielles, Jean organise un meeting.Celui-ci est consacré à un thème particulièrement porteur en ce début 1986 : la misère dans le tiers-monde. Après plus d’une heure de parlottes consacrées aux problèmes humains engendres par la misère,une lumière de rétroprojecteur illumine le rideau de fond de salle.Apparait alors une insupportable photo montrant l’intérieur d’un orphelinat du Sahel ou s’entassent des dizaines d’enfants à mi chemin entre la vie et la mort.

Devant un public médusé, Bob hurle avec une voix rocailleuse (due sans doute à l’écoulement régulier du pastis et de la fumée de tabac sur ses cordes vocales)« Qu’il y a des gosses qui crèvent merde ! »et « que c’est a nous d’arrêter cette tuerie en libérant ces peuplades de l’oppression » Ses propos sont suivis d’une salve d’applaudissements opportunément déclenchés par quelques invites.

Dans cette circonscription, Bob a pour principal adversaire un ancien secrétaire d’état de bientôt soixante dix ans.Ce dernier, parachuté par le RPR a trente cinq ans de politique à son actif, et autant d’années de promesses non tenues.Il se complait dans les tractations avec toutes les droites confondues.La campagne se déroule de manière parralele pour les deux candidats, à savoir exposer des projets peu réalistes et diffuser des bassesses sur leur adversaire direct. Le 16 mars,Bob est battu de très peu.

Ne désperant pas,Gerard conseille à Bob de saisir le Conseil d’etat.Il demande que le scrutin soit invalidé au motif que le candidat du RPR a une adresse électorale totalement fictive.Il est en effet domicilié chez sa belle mere, décédéé depuis plus de 4 ans.La plus haute juridiction administrative accède à la demande.Fustigeant ces « salopards de juges » qui ont eu le culot de sanctionner sa modeste supercherie, le candidat de droite a beaucoup perdu de sa crédibilité, ce qui fait les affaires de Bob. Deux mois plus tard, de nouvelles élections on lieu et en toute logique, Bob est élu. Si il met un certain temps à réaliser que lui le petit, le « sans », va enfin pouvoir prendre sa revanche sur la société ; il met très rapidement tout en œuvre pour se convaincre de son nouveau statut.

Ainsi,il va en moins d’une semaine s’équiper pour sa future vie d’élite de la République.Il va commander une Renault 25 V6 avec intérieur cuir et va acheter un costume Smalto,un manteau Torrente,un stylo mont blanc et des cigares à 400 Frs l’unité. Presse de trouver son siège de parlementaire, Bob part très vite à Paris et oublie aussi vite ses électeurs et son financier. Une quinzaine de jours plus tard, se rappelant à son bon souvenir, Gérard organise une petite soirée pour fêter l’élection de Bob. Ce dernier arrive chez Gérard à Valmante vers 19h00

Gérard :Tu es en avance ; les autres ne sont pas encore là.

Bob :Oui, je vois... Tu vas bien ?

Gérard :Ca va et toi ?Ca fait un moment que je ne t’ai plus vu.

Bob :Je suis débordé.

Gérard :Je me doute.Ca tombe bien que tu sois en avance, comme ça on a le temps de discuter. Entre et installe toi.

Bob :Au fait ; qui est ce qui vient ce soir ?

Gérard :Comme on dit, quelques membres de l’establishment local.

Bob :Qu’est ce que tu veux que je fasses de ton establishment ! Je pensais voir le Préfet, pas des ramasseurs de miettes.

Gérard :(amusé)Ces ramasseurs de miettes, comme tu dis,comptent ici .Ils sont dans de puissants réseaux

Bob :(agité)Et ces énergumènes ils arrivent quand ?

Gérard :Ils ne devraient pas tarder. Je leur ai dit 20h00

Bob :On va pas les attendre une heure quand même ?

Gérard :Ca nous laisse le temps de discuter.D’ailleurs venons en au fait :tu sais très bien que j’ai dépense beaucoup d’argent pour ta campagne.Maintenant que tu est élu j’aimerai un petit « renvoi d’ascenseur » si tu vois ce que je veux dire.

Bob :(offensé)Quel renvoi d’ascenseur ! Tu ne t’imagines pas que je vais te reverser une partie de mon indemnité tant que l’on y est.

Gérard :Mais non...Tu va forcement côtoyer des chefs d’entreprise qui peuvent avoir besoin de mes services.Tu les orientes vers moi et je fais mes affaires, c’est tout.

Bob :(outré) Comment ça .Tu crois que je vais m’abaisser à ça.

Gérard :(énervé) Je te paie la campagne ; tu est élu et maintenant tu me refuses ce petit service !

Bob :(retranché dans une fierté ridicule)J’aurais été élu avec ou sans toi !

Gérard :Ca ça m’étonnerait !

Bob :Ooooh.Gérard .Tu commences à me fatiguer.

Gérard :(écarlate de colère)Quoi ! Répète !

Bob :(d’une voix rocailleuse et théâtrale)Puisque c’est comme ça je pars !Tu expliquera à ton establishment pourquoi je suis parti.

Gérard :Fous le camps ! Tu auras de mes nouvelles.

Bob :Tes propos seront lourds de conséquences Gérard...

Gérard :Oui c’est ça !D’ailleurs je tremble.

Bob :(qui éclate)Gérard... je vais m’occuper de toi.

Gérard :Fais pas le mariolle ! Tu veux te battre !

Bob :(l’épaule tremblante)Je pars sinon je ne sais pas ce qui va t’arriver

Gérard :Tu as peur !

Bob :Tu menaces et veux brutaliser un parlementaire qui plus est titulaire d’une invaliditée.Tu auras des ennuis avec la justice !

Gérard : je les attends tes ennuis avec la justice ! Bob sort d’un pas décidé, monte dans sa voiture, démarre le moteur ;ouvre la vitre et disparaît en vociférant.Bien disposé à exploiter au mieux son immunité parlementaire, il repart à Paris en multipliant les infractions routières.

Nous sommes au printemps 1988 et mai 68 a 20 ans. Cet anniversaire coïncide aussi avec les 40 ans de la plupart des anciens activistes . Passage obligé de la vie lorsque l’on a la chance de les atteindre,c’est une sorte de "mi-chemin" pour les réalistes, de "nouveau départ" pour les plus optimistes, ou de "début de la fin" pour les plus pessimistes.Des forum crées pour l’occasion invitent les connectés à discuter sur minitel. Un soir Bob va échanger ses impressions avec un ancien de mai 68. Emmanuel Militari (surnommé Manu militari) alors étudiant du ‘‘Mouvement du 22 Mars’’ groupuscule trotskiste fédéré par Daniel Cohen Bendit.Le dialogue est intéressant car Bob, alors affilié au PCF, a fatalement un point de vue différent.

Bob :Comment va tu enragé ?

Manu :Et toi... crapule stalinienne ?

Bob :Ma foi... Je fais aller...

Manu :Je suis en pleine forme. J’ai un cabinet d’architecture qui tourne à fond. Je change de secrétaire tous les 3 mois, je viens d’acheter une BMW 750.

Bo :Je suis député PS.

Manu :Oh le con ! tu profite de la vague rose pour aller roupiller à l’assemblée. Tu est un de ceux qui ont utilisé la révolte comme une stratégie de carrière.

Bob :(cynique) C’est vrai que ça se vend bien. J’ai fait toute ma campagne en faisant semblant de m’insurger contre la misère ; et ça a marché.

Manu :Ils nous prennent quand même bien pour des cons ces socialos ; et dire que je donne du fric aux restos du coeur.Au moins ça soulage ma conscience.

Bob :Toi tu ne prend personne pour un con.

Manu :Si un peu, les secrétaires à qui je promets une place d’assistante à 15000 balles au bout d’un an,ca les rends très docile , si tu vois ce que je veux dire...

Bob :Oui très bien, et en 68 tu étais où ? Moi j’étais à Paris.

Manu :Moi au quartier latin. Et toi bureaucrate ?

Bob :A Gay-lussac.

Manu :Ok.Avec le recul on s’est trompé sur toute la ligne.

Bob :Explique-toi

Manu :On avait avant tout une tactique provocatrice.On voulait attaquer pour provoquer la répression ; et utiliser ça pour trouver un écho populaire. Au début ; ça a marche puisque vous nous avez rejoint, mais vous étiez qu’une force d’appoint.

Bob :Une sacré force d’appoint quand même

Manu :Ensuite ; vous nous avez lâché et trahi la révolution.« PC trahison dirigeants incapables ! »

Bob :c’est quand même pas de notre faute si ça a échoue.

Manu :non pas que de votre faute.On n’a pas été assez méfiants et on s’est fait infiltrer. Les caves de la Sorbonne n’abritaient pas que des ronéos... et puis j’ai vu des étudiants qui devaient avoir au moins 35 ans envoyer des paves sur les flics.... Nous on étaient paves de bonnes intentions ah !ah !ah !

Bob :Je pense que le seul a qui ça a servi ,c’est Mitterand.Les revendications universitaires l’intéressaient sans doute moins que son propre avenir.

Manu :C’est vrai..Tu sais la recette de ce type : il à laisse chacun espérer, chacun croire qu’un changement allait se produire. Le changement a bien eu lieu mais a surtout bénéficie a lui méme.Bon allez je te laisse ; on m’attends au "Lions club".

Bob :Salut . Bob appuie sur la touche connexion /fin du minitel et replie le clavier.Ebranlé et défait, il se sert un pastis qu’il estime inutile de diluer dans de l’eau, met un CD de Charles Aznavour, écoute "hier encore , j’avais 20 ans " et va se coucher sans dîner .

De manière indéniable,Mai 1968 a remis en question l’ordre social,la famille et la hiérarchie.Certains qualifient ces évènements de secousses d’autres de révolution.Ce terme parait abusif car ce serait la première révolution qui n’engendre aucun deces.Parler de révolte ? Pourquoi pas. En tout cas,en 1988 il est difficile d’imaginer ne serai-ce qu’une revolte.Désormais,lorsque le mécontentement est trop fort,il y a des manifestations qui,quelque soit leur ampleur sont banalises.Elles sont devenues une sorte de rite qui détermine de moins en moins l’avenir des gouvernements et leurs décisions...

http://marseille.indymedia.org/news/2005/07/3205.php