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EGYPTE "EN DIRECT" - Français du Caire : l’inquiétude

Publie le jeudi 10 février 2011 par Open-Publishing
4 commentaires

Lu sur le Blog de Sylvie Nony, Camarade Prof au Lycée Français du Caire :

"Français du Caire : l’inquiétude

10 février 2011

par snony

Éloignée depuis quelques jours du centre du Caire, je n’ai pu suivre qu’indirectement les événements. Voilà pourquoi ce blog est resté silencieux, ce qui a suscité pas mal de commentaires inquiets.

Si je veux rassurer mes lecteurs quant à mon cas personnel, il reste des motifs d’inquiétude pour les Français du Caire suffisamment forts pour avoir suscité un reportage très instructif de la chaîne FR3. Je vous recommande de le visionner en ligne au plus vite en cliquant sur ce lien et en choisissant la date du mardi 8 février, vers le milieu du journal (19h41 exactement).

Comme ce lien est périssable (les archives ne semblent être conservées que huit jours), j’ajoute le script de ce reportage qui semble être passé inaperçu en France, noyé qu’il fut dans le fracas des vacances de F. Fillon en Egypte ou de celles de MAM en Tunisie :

Une première interview montre un étudiant français (de dos) qui, en allant faire ses courses, se retrouve coincé dans une bagarre entre pro et anti Mubarak. Il témoigne : « j’ai vu une petite fille dans la foule, je l’ai attrapée pour la mettre en sécurité, et c’est là que j’ai pris un coup de machette ». Il n’a pas d’argent pour se faire soigner, l’ambassade de France ne répond pas à ses appels au secours. Il ajoute : « Je me sens abandonné. Le fait qu’on me laisse comme ça, qu’on ne se préoccupe pas de mon cas…ils ne m’ont même pas envoyé de médecin. Ils n’ont rien fait ».

Une jeune française est ensuite interviewée. Elle raconte les visites qu’ont reçu un certain nombre de compatriotes de la part de militaires égyptiens « Ils fouillent les ordinateurs, demandent si l’on a participé aux manifestations ». Mais quand elle prévient l’ambassade, elle est rappelée par quelqu’un qui la soumet à « un véritable interrogatoire » : « qu’est-ce que vous faites en Égypte ? est-ce que vous avez participé aux manifestations ? est-ce que vous avez des activités politiques ici ? ».

Les reporters de FR3 sont ensuite allés à l’ambassade de France du Caire. A cet endroit « on se félicite d’avoir bien géré la crise. Les attaques subies par les étudiants français ne semblent pas scandaliser l’ambassadeur » (voix off). Interviewé, celui-ci se justifie ainsi : « Nous avons eu effectivement à déplorer un certain nombre de cas de nos compatriotes qui se sont trouvés menacés, mais à chaque fois, nous avons pu vérifier qu’ils avaient pris une part active dans ces événements ».

Ayant été rappelée récemment à mon devoir de réserve, je ne ferai aucun commentaire sur les propos de notre ambassadeur.

Je rajouterai seulement des éléments d’information dont la simple citoyenne que je suis (et que je ne dois jamais cesser d’être) dispose.

Les cas évoqués par le deuxième témoignage et dont j’ai une connaissance directe, concernent des actions de la police militaire, parfois secondée par la Sûreté de l’état, parfois de policiers en civil : visites à domicile, fouille des ordinateurs, des cartes mémoire d’appareils photo, mais aussi, dans trois cas au moins, conduite des personnes arrêtées menottées, yeux bandés, vers un poste ou une destination inconnue, long interrogatoire, et retour quelques heures plus tard à domicile. Il n’y a eu certes aucune violence physique, mais pour les personnes qui l’ont vécu un grand traumatisme. Il s’agit d’opérations d’intimidation.

Tous les cas dont nous avons connaissance concernent des civils français. Après enquête auprès de la communauté américaine, allemande et anglaise ce genre d’incident ne semble pas s’être produit pour d’autres nationalités (à l’exclusion bien entendu, de ce qui est arrivé aux journalistes). D’ailleurs dans un cas nous avons un témoignage selon lequel les militaires égyptiens ont en main une liste nominative avec adresses de français. Dans un autre cas, un français (qui n’est pas étudiant) a reçu cette visite en même temps que son colocataire d’une autre nationalité qui, lui , n’a même pas été interrogé.

Dans la plupart des cas, les victimes n’ont pas prévenu l’ambassade et on ne voit pas comment celle-ci a pu « vérifier », sauf si elle a eu connaissance de l’opération par une autre source.

On pourrait imaginer que les victimes de ces opérations ont « pris une part active aux événements » en participant eux-mêmes aux rassemblements, en brandissant des pancartes et en scandant des slogans… Or ce n’est le cas pour aucune de ces personnes : elles se sont contentées pour l’une de descendre faire ses courses et de croiser une machette, pour les autres d’aller voir ces rassemblements (comme certains responsables de l’ambassade d’ailleurs) ou tout simplement de les traverser parce qu’ils étaient sur le chemin, d’observer des défilés, de discuter avec des égyptiens pour comprendre ce qui se passe, de prendre des photos, de les partager sur des blogs ou des réseaux sociaux. Bref, d’être de simples témoins d’un événement d’une portée historique considérable.

Je laisse donc à mes lecteurs le soin d’apprécier la situation."

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