Accueil > EN FRANCE AUSSI : Retour sur un mensonge d’État
EN FRANCE AUSSI : Retour sur un mensonge d’État
Publie le mardi 24 octobre 2006 par Open-Publishing2 commentaires
Spécial banlieues : Retour sur un mensonge d’État
Après la mort de Bouna Traoré et Zyed Benna, le gouvernement et son ministre de l’Intérieur ont manoeuvré pour exonérer la police de toute responsabilité. Une attitude qui a attisé la colère.
À Clichy-sous-Bois, Karim résume le sentiment général : « Non seulement ils ont mis le feu aux poudres, mais ils l’ont entretenu. » Ils ? C’est le gouvernement et son ministre de l’Intérieur. Près d’un an après la mort de Bouna Traoré et Zyed Benna dans un transformateur EDF de la ville, personne, ici, n’a oublié les « mensonges » de l’État. « Tentative de cambriolage », « absence de course-poursuite »... Dans les jours qui ont suivi le drame, les plus hauts responsables ont multiplié les dénégations et privilégié, haut et fort, une seule version des faits : celle qui exonérait la police de toute responsabilité. Il fallait justifier l’attitude des forces de l’ordre, l’excuser. Quitte à s’asseoir sur la plus élémentaire prudence. Quitte à travestir deux jeunes victimes en parfaits suspects. Quitte, enfin, à attiser la colère des familles, des amis, des habitants, qui ont rapidement compris qu’à la douleur de perdre des enfants risquait de s’ajouter celle d’une terrible injustice. Une de plus - de trop - dans ces quartiers défavorisés. « En leur refusant la vérité, c’était comme si on voulait tuer leurs enfants une seconde fois », résume un proche des familles.
Que s’est-il passé ce 27 octobre 2005 ? L’information judiciaire, ouverte pour « non-assistance à personne en danger » et menée par le juge d’instruction Olivier Géron, doit encore déterminer les différentes responsabilités. Mais, déjà, quelques certitudes se dégagent.
Dix jeunes rentrent d’une partie de foot
Au fond, les faits sont très simples. Il est environ 17 h 30, dix jeunes de Clichy-sous-Bois reviennent à pied du stade Marcel-Vincent, à Livry-Gargan, où ils ont passé l’après-midi à jouer au football. Sur le chemin, ils passent à proximité d’un grand chantier de construction. Un riverain, croyant les avoir vus rôder autour d’une baraque de chantier, appelle le commissariat de Livry-Gargan.
Un véhicule de la brigade anticriminalité se rend sur les lieux. Bientôt rejoint par trois, voire quatre autres équipages. Les jeunes, eux, s’enfuient à la vue de la police. Au final, six adolescents seront interpellés. Quatre, très rapidement, dans le parc Vincent-Auriol. Deux autres dans le cimetière qui jouxte le site EDF où sont allés se réfugier trois autres fuyards : Bouna, quinze ans, Zyed, dix-sept ans, et Muhittin Altun, dix-sept ans. À 18 h 12, alors que les policiers sont rentrés au commissariat depuis vingt minutes, Bouna et Zyed, cachés dans un recoin d’un transformateur, décèdent, touchés par un arc électrique. Le troisième, grièvement brûlé, parvient à regagner le quartier où les pompiers seront appelés.
Pour l’État : juste « des cambrioleurs »
Immédiatement, la responsabilité des policiers est pointée, suspectés d’avoir poursuivi les adolescents, les acculant à se réfugier dans un site extrêmement dangereux. C’est, en tout cas, ce qu’affirment les jeunes interpellés, sitôt ressortis du commissariat. Pourtant, le ministre de l’Intérieur va nier, en bloc, cette éventualité.
Le 28 octobre, au matin, Nicolas Sarkozy déclare, sans l’ombre d’un doute : « Lors d’une tentative de cambriolage, lorsque la police est arrivée, un certain nombre de jeunes sont partis en courant. Trois d’entre eux, qui n’étaient pas poursuivis physiquement par la police, sont allés se cacher en escaladant un mur d’enceinte de trois mètres de haut qui abritait un transformateur. » Une version aussitôt relayée par l’Agence France Presse. Puis, par le premier ministre, Dominique de Villepin : « Il s’agit, selon les indications qui m’ont été données, de cambrioleurs qui étaient à l’oeuvre. » Thèse reprise par la préfecture de Seine-Saint-Denis dans la soirée et, le samedi 29, par le procureur de la République.
Or l’enquête a permis d’établir qu’aucun vol n’avait été commis. Ni même une effraction ou une simple dégradation. Aucun indice d’une quelconque « tentative » n’a été retrouvé sur les lieux. Les copains des victimes n’ont d’ailleurs été l’objet d’aucune poursuite. En revanche, de course-poursuite, il en a bien été question. L’enquête préliminaire de l’Inspection générale de la police l’admet rapidement. Onze fonctionnaires, au total, ont été mobilisés. Loin de se cantonner au parc Vincent-Auriol, ils vont finir par cerner le site EDF. Et barrer la sortie du cimetière de Clichy-sous-Bois que cinq des fuyards tentent de traverser. « C’est la raison pour laquelle Bouna, Zyed et Muhittin rebroussent chemin, escaladent un grillage puis le haut mur d’enceinte du site EDF afin de s’y réfugier », affirme Jean-Pierre Mignard, l’avocat de Muhittin Altun et des familles des victimes.
« Je ne donne pas cher de leur peau »
Le jeune Turc confirme cette course-poursuite. À deux reprises, il s’est retourné, apercevant un fonctionnaire de police de la brigade anticriminalité, « plutôt habillé de noir » et muni d’un Flash-Ball. Les conversations radio, révélées par la presse quelques semaines plus tard, accréditent aussi cette thèse. À 17 h 36, un policier déclare : « Les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF. Faudrait ramener du monde, qu’on puisse cerner un peu le quartier, ils vont bien ressortir. » Puis, une minute plus tard, un autre agent, bien conscient du danger : « En même temps, s’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau. »
Autant d’éléments accablants qui ne semblent pas être parvenus aux oreilles de Nicolas Sarkozy... Le 28 octobre, en fin d’après-midi, après avoir reçu le maire de Clichy, Claude Dilain, le ministre assure, certes, que « toute la vérité sera faite ». Mais ne peut s’empêcher d’ajouter, péremptoire, face à la presse : « Aucun policier ne poursuivait ces jeunes au moment des faits. Il n’y aucune polémique à entretenir... »
Autre preuve de cette volonté de dissimulation : alors que deux enfants sont morts dans des circonstances troubles, à aucun moment le gouvernement ne juge utile d’ouvrir une information judiciaire ! Il faudra attendre le 3 novembre et la plainte des familles avec constitution de partie civile pour qu’un juge d’instruction soit enfin nommé. Une forme de record. En revanche, Muhittin n’a pas bénéficié de ce genre de lenteur. Dès le lendemain de son accident, le jeune homme, gravement brûlé et à demi inconscient, reçoit dans sa chambre d’hôpital la visite de deux policiers, en dehors de toute procédure légale. Une heure et demi d’entrevue, dénoncée, en juillet dernier, par la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Le procès-verbal, tiré de cette entrevue, fera nier à Muhittin toute course-poursuite ! Ces déclarations fantaisistes et illégales, objet d’une plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui », ont été reprises aussitôt par la communication officielle...
Clichy attend des excuses
Prêt à tout pour discréditer les jeunes victimes, Nicolas Sarkozy ose une dernière perfidie. Le 3 novembre, il informe la presse que Zyed est « connu en 2005 pour vol avec violences ». « La vérité, c’est que Zyed faisait l’objet, à la demande de son propre père, d’une mesure de liberté surveillée préjudicielle, à la suite d’un incident avec un autre mineur, explique Jean-Pierre Mignard. Il avait voulu utiliser son vélo. Il n’y a jamais eu de plainte pour vol ou pour violence. Tout ça devait se terminer par une simple admonestation... » Ce détail n’a pas freiné le ministre de l’Intérieur qui adoptera la même stratégie, mêlant dénégation et manipulation, dans l’affaire de la mosquée Bilal, gazée le 30 octobre par les CRS.
Aujourd’hui, Karim, de Clichy, dit toujours attendre des « excuses » de la part de l’État. « C’est ce que l’on fait quand on a menti, non ? »
Laurent Mouloud
http://www.humanite.fr/journal/2006...
© Journal l’Humanité
Messages
1. > EN FRANCE AUSSI : Retour sur un mensonge d’État , 24 octobre 2006, 22:51
Sarkozy démenti par les faits un an après. une étude scientifique sur les mensonges de sarko. à chacun son Bush
http://www.liberation.fr/actualite/societe/212614.FR.php.
1. > EN FRANCE AUSSI : Retour sur un mensonge d’État , 24 octobre 2006, 23:19
Sarkozy démenti par les faits un an après
Une étude dévoilée par « Libération » dresse le portrait-robot des émeutiers mineurs de Seine-Saint-Denis. Verdict : très peu de récidivistes.
Par Jacky DURAND, Fabrice TASSEL
QUOTIDIEN : Mardi 24 octobre 2006 - 06:00
Des bandes de délinquants organisées, souvent composées de récidivistes, et dont les membres sont de plus en plus jeunes. Telle est, dans ses grandes lignes, le portrait-robot dressé par Nicolas Sarkozy lors des émeutes de l’automne 2005. Une étude sur « Les mineurs émeutiers jugés à Bobigny » réalisée par deux sociologues (1), et que Libération dévoile, rectifie sur plusieurs points cette lecture.
Les chercheurs ont passé au crible les 55 dossiers impliquant 86 mineurs déférés après leur interpellation par le parquet devant le tribunal de Bobigny entre le 31 octobre et le 11 novembre 2005 (lire aussi ci-dessous). Ils ont aussi décortiqué seize des dix-neuf affaires jugées avant la fermeture estivale du tribunal. Concernant le profil des mineurs émeutiers (tous des garçons, et dont 92 % ont la nationalité française), 84 % ont des noms et prénoms à consonances étrangères, et 55 % à consonances spécifiquement maghrébines, un constat « novateur » selon les auteurs, et qui bat en brèche « le lien que d’aucuns voulurent établir entre les émeutes et la polygamie des familles originaires d’Afrique noire ». Autre rectificatif, l’âge des émeutiers, très majoritairement âgés de plus de 16 ans, quand circulait l’idée qu’ils étaient très jeunes. Le parcours scolaire est moins étonnant, puisque sur les 86 mineurs, un seul est en lycée général.
L’étude tord aussi le cou à certaines idées reçues comme le laxisme des magistrats, et notamment ceux de Bobigny récemment soupçonnés de « démission » par Nicolas Sarkozy. Pour les sociologues, « lorsque les auteurs reconnaissent les faits et/ou qu’il existe des preuves matérielles de leurs actes délinquants, les magistrats n’ont aucun scrupule à prononcer les sanctions prévues par la loi. Mais, lorsque l’accusation repose uniquement sur le fait qu’un ou plusieurs policiers déclarent avoir vu, de loin et de nuit, des jeunes commettre des délits, sa décision est beaucoup plus délicate. A fortiori lorsque les procédures policières sont entachées de contradictions, d’invraisemblances factuelles, voire d’erreurs de procédures et de manquement à la déontologie ».
En données chiffrées, sur les seize jugements examinés, dix non-lieux ont été prononcés faute de preuves. Les chercheurs ont relevé l’imprécision de certaines déclarations policières. Ainsi, des policiers affirmant avoir arrêté en flagrant délit un mineur mettant le feu à véhicule, alors que les services municipaux avaient enregistré l’enlèvement de ce véhicule de la voie publique depuis plusieurs heures. Les conditions d’interpellations sources de nombreux incidents sont aussi sujettes à caution : « L’impression d’ensemble est que les policiers ont souvent attrapé ceux qui courraient moins vite que les autres », écrivent les auteurs. Face au nombre important d’émeutiers, les policiers n’interpellent pas forcément les auteurs de l’infraction. Là encore, faute d’aveux ou de preuves, les juges peuvent difficilement condamner. Enfin, le parcours judiciaire des 86 mineurs émeutiers montre que seuls 34 % sont des récidivistes, alors que Nicolas Sarkozy avait lancé à l’Assemblée nationale que « 75 à 80 %» des émeutiers étaient des délinquants bien connus.
(1) Laurent Mucchielli, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, et Aurore Delon.
http://www.liberation.fr/actualite/...