Accueil > ETA : et maintenant ?
G.C. et G.T.

L’arrêt des activités armées de la part d’ETA a fait la une des journaux basques et espagnols hier. Des pleines pages y ont été consacrées. La nouvelle a fait le tour du monde, de l’Argentine à la Chine, en passant par la Norvège. L’information est cependant passée au second plan à la suite de la mort de Mouammar al-Kadhafi. Les médias français ont été particulièrement discrets sur la question, reflet d’une réalité qui s’est clairement exprimée hier : pour les autorités françaises, il s’agit d’une affaire interne espagnole.
Ainsi, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a déclaré s’être “constamment engagé aux côtés des autorités espagnoles dans la lutte contre le terrorisme” et prendre acte “de la décision annoncée hier par l’ETA de renoncer définitivement à toute action armée”. Le chef de l’Etat “adresse ses félicitations au président du gouvernement, M. José Luis Zapatero, et, au-delà, aux autorités, aux forces politiques et au peuple espagnols pour cette victoire de la démocratie sur la violence”. Il a aussi rendu “hommage aux nombreuses victimes de décennies de terrorisme”. “La France continuera à apporter un soutien sans faille à l’Espagne dans ses efforts pour assurer une paix définitive au Pays Basque”, a-t-il ajouté.
Prisonniers basques
Côté espagnol, après le Premier ministre José Luis Zapatero qui s’était exprimé dès jeudi soir, le ministre de la Présidence, Ramon Jauregui, a qualifié hier de “complexe” le processus de dissolution d’ETA et affirmé que même si celle-ci rend les armes, les lois pénales continueront d’être appliquées aux prisonniers basques. Le ministre s’est réjoui du pas franchi par l’organisation armée car il s’agit d’une “décision unilatérale” qui rend plus “crédible” sa déclaration de fin définitive de la violence. A son avis, c’est “en grande partie une victoire de la démocratie vu que, effectivement, il n’y a eu aucune condition aucun prix n’a été payé”. R. Jauregui a ajouté qu’il était convaincu de “la nécessité de l’unité” entre le PSOE et le PP.
Unité souhaitée également par le porte-parole du gouvernement espagnol, José Blanco qui a estimé que le sujet des prisonniers devait être géré par le prochain gouvernement issu des urnes le 20 novembre, et que d’éventuelles décisions en faveur des prisonniers basques devraient être prises “en accord avec tous les partis”. En attendant, il estime qu’il “n’y a pas lieu” d’aborder un quelconque geste en faveur des prisonniers basques.
Le chef de l’opposition de droite, Mariano Rajoy, donné favori pour les élections du 20 novembre, a considéré jeudi dans des déclarations à la presse, que l’annonce d’ETA était “un pas très important”, mais a ajouté que “la tranquillité de tous les Espagnols ne sera totale que lorsque se produira la dissolution irréversible de l’ETA et son démantèlement complet”.
En Europe et aux Etats-Unis
De nombreuses réactions se sont aussi fait entendre en dehors des Etats français et espagnol, que ce soit en Europe ou dans les Amériques.
Au nom de la Commission européenne, son président, José Manuel Durao Barroso, a transmis sa “profonde satisfaction”. Qualifiant la décision d’ETA de “fait historique”, il a félicité “les citoyens et toutes les institutions démocratiques espagnoles pour cette victoire”.
Toujours au niveau européen, c’est le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, qui a salué hier l’annonce de la fin de l’action armée d’ETA, y voyant “comme le Premier ministre espagnol, une victoire de la démocratie”. Pour lui, cela “montre que le terrorisme ne peut jamais gagner”. “Je tiens à honorer la mémoire des nombreuses victimes et de leurs proches, en Espagne et en France, qui ont tant souffert ces dernières décennies”, a ajouté le secrétaire général de l’organisation paneuropéenne, qui rassemble 47 pays.
Aux Etats-Unis, un porte-parole de la Maison-Blanche, Tommy Vietor, a déclaré hier dans un communiqué qu’il s’agissait d’une “étape historique” vers la paix, mais que “le chemin [était] encore long” vers cet objectif. “Nous reconnaissons le courage du gouvernement et du peuple espagnols dans leurs efforts pour faire avancer la démocratie et la liberté en Espagne et à travers le monde”, écrit encore Tommy Vietor.
Au Royaume-Uni, l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair a accueilli avec satisfaction l’annonce d’ETA et jugé que “maintenant” il était “nécessaire de se pencher sur les conséquences du conflit” par le biais du dialogue. Tony Blair avait soutenu la conférence internationale de Donostia de lundi dernier à laquelle il était représenté par son ancien porte-parole, et fait sienne la déclaration lue à l’issue de la conférence.
Des réactions sont aussi venues d’Amérique du Sud, notamment celle de Hugo Chávez qui s’est félicité de cette avancée vers la paix.
Réactions des parlementaires et des associations quant au rôle du gouvernement français dans la résolution des conséquences du conflit
Jean-Jacques Lasserre, sénateur (MoDem-Forces 64), pense que les discussions, auxquelles il est favorable, porteront dans un premier temps sur le sort des prisonniers politiques et des réfugiés. “J’imagine aussi, mais je ne le sais pas, des décisions sur le cadre institutionnel. Je pousserai à l’ouverture des discussions et je crois que la négociation donnera forcément des points d’accord et des points de désaccord, mais je suis persuadé que l’Etat français peut s’engager dans des négociations”. Le sénateur Georges Labazée (Parti socialiste) estime que “les décisions juridiques se prendront dans l’Etat espagnol.
C’est d’abord une position du gouvernement espagnol, mais nous sommes dans un même ensemble. Nous sommes en Europe et directement concernés. Je ne suis pas contre le fait que la France s’implique dans ce processus, mais il faut bien savoir que nous ne sommes pas dans un schéma de codécision, c’est cela que j’ai voulu dire. La conférence internationale a bien eu lieu à Saint-Sébastien, pas ici. Par rapport aux prisonniers, s’il y a un aboutissement définitif et irréversible, il y aura des procédures sur ces questionnements”. Le député MoDem Jean Lassalle (4e circonscription) estime que “s’il y a des discussions, les interlocuteurs seront ceux qui se sont battus et ont déposé les armes.
Concernant les 139 prisonniers dans l’Etat français, à partir d’un certain moment, même si il y a des décisions judiciaires, on accepte que les lignes bougent, sinon il n’y a pas de processus de paix. Il ne faut pas rester figé”. Le député de la 5e circonscription, Jean Grenet (Parti radical), explique qu’il n’est pas le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé : “Je ne suis que le député de la 5e circonscription. Mais je crois que la France devra être disponible pour ouvrir le dialogue avec les éléments qui, en France, ont soutenu politiquement l’ETA. Cette décision permet de le renouer. Il était soit absent, soit tendu.
Aujourd’hui, à partir du moment où l’on est dans un processus démocratique, tout devient possible”. Pour le mouvement antirépressif Askatasuna, “il faut que l’Etat français reconnaisse qu’il est partie intégrante du conflit basque, et résoudre le problème existant sur son territoire. La résolution du conflit armé est la première étape, avant celle de la résolution du conflit politique. Dans un premier temps, les droits fondamentaux doivent être respectés, puis on doit aller vers une amnistie des prisonniers, ainsi que l’abrogation des législations d’exception créées pour maintenir l’état d’exception en Pays Basque. Il faut aussi parler des réfugiés politiques et de l’arrêt définitif du harcèlement des militants.
Dans tout ce cadre-là, il faudra que la vérité éclate au sujet des disparus dans l’Etat français, Popo Larre et Jon Anza”. Anai Artea indique que les Etats espagnol et français n’ont plus d’excuses pour se dérober à une résolution dialoguée du conflit : “Les mesures immédiates doivent être la fin des graves atteintes aux droits humains dont sont auteurs ou complices les Etats, comme les arrestations arbitraires, la mise au secret et la torture. Les prisonniers politiques qui ont accompli leur peine doivent être libérés dans des conditions normales et également ceux qui sont malades. Les mesures généralisées de dispersion et d’éloignement qui leur sont illégalement appliquées doivent cesser et, en conséquence, ils doivent être rapprochés de leurs familles dont le calvaire n’a que trop duré.
Les mandats d’arrêt européens dont on sait qu’ils sont indûment utilisés doivent être annulés. Les réfugiés et les exilés doivent pouvoir rentrer”. L’association des familles de prisonniers Etxerat “demande la fin de la dispersion des prisonniers, la dérogation de la doctrine 197/2006, la fin de la condamnation à perpétuité dans l’Etat français, la mise en liberté des prisonniers malades. C’est la société basque qui permettra que s’ouvre un scénario où les prisonniers et les exilés pourront rentrer à la maison”.
Le rôle des députés et sénateurs des P.-A. à Paris
Les députés et sénateurs du département des Pyrénées-Atlantiques réagissent par rapport à leur implication personnelle et à leur responsabilité politique d’élus vis-à-vis du gouvernement français. Jean-Jacques Lasserre, sénateur (MoDem-Forces 64) estime qu’il a “un rôle d’interpellation de questionnement du gouvernement. Je vais activer la procédure la plus efficace. Je vais saisir le Premier ministre et dirai l’intérêt que je vois à ce que la France entre dans des négociations.
Ce qui est bon pour le Pays Basque est bon pour l’Espagne et pour la France, et ce qui est bon pour l’Espagne est bon pour la France et pour l’Europe”. Le député de la 4e circonscription, Jean Lassalle (MoDem-Forces 64), lance que “la France ne peut pas rater une fois de plus ce rendez-vous. Je demande que les autorités de mon pays s’engagent sincèrement et je le ferai par écrit”. Georges Labazée (PS) estime qu’il a “un rôle à jouer de prise de position en tant que parlementaire dans la mesure où le gouvernement nous saisit. Je compte demander à mon ami le sénateur Jean-Louis Carrère, qui est président de la commission des affaires étrangères au Sénat, quelles étaient les initiatives que la commission envisageait de prendre par rapport à l’avancement du dossier”.
Jean Grenet (Parti radical), député de la 5e circonscription, répond qu’il est à la commission des affaires étrangères : “Alain Juppé est un proche. Il connaît bien la problématique du Pays Basque. Il aime le Pays Basque, il y vient souvent. Il est averti des questions qui s’y posent. Pour ma part, à travers le député que je suis, je peux porter la voix du Pays Basque à Paris, avec l’envie de dire qu’il faut un dialogue constructif et confiant avec les interlocuteurs, à partir du moment où la violence a cessé.
Je suis un député ouvert. Je ne suis fermé à rien, même si je garde la liberté de dire ce que je pense. J’ai montré cette ouverture il y a 20 ans quand, avec Alain Lamassoure et Jean-Jacques Lasserre, nous avons créé le Conseil des élus. On aime notre pays, on a envie de le faire vivre. Dans ce contexte, je suis prêt à participer à des discussions le moment venu”.
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