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En Martinique 73 …74 … Et après ?

Publie le dimanche 3 janvier 2010 par Open-Publishing

La politique de Sarkozy.

La stratégie du Président Sarkozy de proposer un référendum concernant les institutions, après le relatif échec de la réunion d »Etats Généraux », si elle a remis en selle – et en scène ! – les « politiques » absents du mouvement social de février-mars, aura semé parfois un certain trouble. On pourrait déjà dire que le seul fait que cette échéance électorale soit souvent l’unique sujet de discussion est déjà une réussite… pour Sarkozy.
Mais qu’en est-il vraiment ? Beaucoup s’accordent à dire que même l’article 74, s’il était voté, ne représenterait qu’une avancée en trompe-l’œil puisqu’au final il faudrait toujours l’aval de l’Assemblée Nationale française.
Mais certains nous disent aussi qu’une non-participation à cette mascarade reviendrait à se couper des masses, des éléments combattifs qui aujourd’hui veulent voter pour le 74. Cela reviendrait à se séparer d’une gauche nationaliste avec laquelle peu ou prou, au gré de certains évènements, on a pu se retrouver .
La consultation référendaire, opportunité plus que contrainte pour Sarkozy, lui a permis une parade sans frais pour faire oublier la contestation sociale. Pendant tout le mouvement social dans les Antilles, pouvoir et médias n’auront de cesse d’invoquer les institutions afin de susciter la crainte (« si vous n’êtes pas contents… »).
Cette consultation aurait posé moins de « cas de conscience », si elle avait été présentée « à plat », c’est-à-dire si elle avait été organisée sans qu’auparavant le peuple martiniquais se soit soulevé à travers le plus grand mouvement social de son histoire. Mais bien sûr, ledit référendum, organisé par le pouvoir, a été présenté quand cela semblait le plus avantageux pour lui. Ne convient-il pas de se détacher d’une certaine hypnose relatif à cette échéance électorale pour faire des propositions au de là du 10 janvier ?

Qui « se coupe des masses » ?

Sans mouvement social le choix référendaire aurait été plus serein. Et on aurait pu tranquillement, se dire, sans être totalement dupe, qu’un petit avantage dans un desdits articles aurait été bon à prendre de toutes façons.
Mais aujourd’hui un spectre rôde : la récente révolte de février-mars. Et dans cette perspective, le choix sarkozyste apparait dans toute sa mesquinerie. Il se montre bien comme une insulte un os à ronger lancé à ceux que finalement on méprise et qu’on pense facilement duper.
Car que veut dire se couper des masses à l’heure actuelle ? Où sont-elles et où vont-elles aller, les masses ?
Les « plus combattifs » voteraient pour le 74. Et les abstentionnistes ? Parmi eux il n’y aurait pas d’ « éléments combattifs » ? Sans aller jusqu’à dire que la majorité des abstentionnistes en soient, ils sembleraient néanmoins que les plus lucides, les plus combattifs justement se retrouvent dans leurs rangs.
Ceux qui vont encore une fois se couper des masses ce sont qui font de la politique comme autrefois, comme si février-mars n’avait jamais existé. De là même façon qu’ils ont été alors « largués » par le mouvement social, à sa remorque, ou opposé, le référendum, par l’abstentionnisme et le peu de résultats prévisibles, va les laisser, une fois encore, un peu plus décrédibilisés. Car aujourd’hui l’abstentionnisme ou le « vote inconvenant », comme cela a été le cas en Europe ces dernières années, est le moyen « économique » qu’ont les masses pour marquer leur ras le bol d’un jeu politicien de plus en plus méprisé.

Le cadre s’enlise dans la mangrove

Face à cette carence dans le changement institutionnel, qui ne correspond en rien aux besoins, aux attentes, que peut-on faire quand on est minoritaire, quand ce que nous proposons nécessite en réalité une mobilisation populaire ?
Puisque certains résument la résolution des problèmes sociaux posés à un changement institutionnel – un vrai, celui-là ! nous disent-ils – la ligne à suivre ne serait-elle pas de proposer un nouveau cadre, comme l’élection d’une Assemblée Constituante ?
Ne serait-on pas dans le droit fil des combats passés. Et on se promènerait par morne et ravine avec notre cadre sur le dos en le dépliant pour le proposer au gré des rencontres. Et on resterait entre soi, comme cela s’est fait depuis des décennies, entre militants, sûrs de la justesse de notre proposition… mais coupés des masses. Pourquoi ? Parce qu’une telle assemblée, proposée en dehors de toute montée des luttes, recueillerait au mieux une indifférence polie. Il faudrait en effet expliquer en quoi l’Assemblée unique qui siégera bourgeoisement alors serait moins démocratique et crédible que celle que nous proposons…
Ne vaut-il pas mieux s’adresser directement à Dieu – pardon ; disons plutôt : viser directement un objectif et en parler au peuple – qu’à ses Saints ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela signifierait faire des propositions concrètes qui s’intègrent dans un projet plus global de démocratie directe et d’autogestion.


Du passé faisons table rase… sans rater la marche.

Mais à cela on nous fera remarquer, à juste raison, les pièges et chausse-trappes du passé et du présent dans lesquels sont tombées de si belles idées.
La première objection serait une confusion entre projet social et projet politique. Il faudrait en effet distinguer deux sphères, l’une sans l’autre étant inconcevable. Et le projet politique - en résumant - sous entendrait la présence indispensable d’une organisation politique « d’avant-garde » capable en fin de compte de s’emparer du pouvoir dans l’intérêt du peuple. Or les mouvements sociaux modernes, notamment en Amérique du sud, n’obéissent pas à de tels schémas du passé. Comment se fait-il qu’en Guadeloupe notamment le peuple en révolte ne se soit pas organisé de cette manière, n’ait pas pris en compte de la même façon, cette distinction sphère politique- sphère sociale ? Manque de maturité ?
En réalité cette distinction a bien été comprise de par l’expérience populaire…mais rejetée ! C’est la sphère politique qui s’est dégonflée ou plutôt qui a éclaté au nez de tous les politiciens en Guadeloupe comme en Martinique. Le peuple s’est rendu compte que c’est son action directe qui pouvait changer les choses et non pas la confiance en des politiciens, en une consultation populaire dont les résultats seraient tout à fait hypothétiques et illisibles, objet de toutes les manœuvres, aboutissant à une mystification.
On nous rétorquera bien sûr que la question ne se pose pas de la même façon en Martinique. Mais on verra – comme on l’a déjà vu – que la réaction des masses, au-delà des différences sur le champ politique, ira, sur cette question comme sur d’autres, dans le même sens qu’en Guadeloupe.
La deuxième objection réside dans l’état des forces en présence. En dehors des périodes de montée des luttes on ne peut nier que l’isolement et l’oppression coloniale dans une petite île, empêche une minorité jugée trop radicale de s’exprimer. Néanmoins se ranger derrière des positions minimalistes, celles des « politiciens raisonnables », n’empêche en rien, en plus de perdre son âme, de se couper des masses et d’être complètement ignoré. Défendre de telles positions reviendrait ainsi à penser que rien n’a changé dans la tête des Martiniquais depuis février-mars. Or ce qui a bel et bien changé c’est l’existence d’un discrédit grandissant des « politiques »de droite comme de gauche. Cela, faut-il le préciser, n’augure pas en soi d’un progrès intrinsèque vers des alternatives crédibles qui devront de toutes façons être proposées : on peut très bien a contrario, faute de réelles perspectives, se retrouver face à des réflexes conservateurs.
Ne vaut-il pas mieux alors être minoritaires mais cohérents et intègres ? C’est le gage d’une confiance et d’une crédibilité pour l’avenir. Dire la vérité, en dehors des jeux politiciens, de toute affectivité, est la seule voie possible


A la crise internationale, répondre par une solidarité internationale

L’année 2010, contrairement à ce que trompettent les médias, sera celle d’une plus grande crise que ce qui a été vécu en 2009. Pour deux raisons principales, qui sont en fait des avatars insolubles du système capitaliste.
1) Faillite du système monétaire international
Livrons en vrac quelques informations, sans bien sûr chercher à être exhaustif ici.
Aux Etats-Unis la dette américaine équivaut à 375% du PIB. Au plus fort de la crise, lors de la Dépression de 1929 elle était de 186%. Si l’on ajoute les banques en faillite et les 500 à 1000 établissements bancaires et commerciaux menacées, ainsi que les 19 banques systémiques en grave difficulté – but « to big to fail » - la dette américaine équivaut à plus de 600% du PIB. A côté de cela la situation de l’Allemagne de Weimar dans les années 1930 semble une broutille. Les pays du Golfe tentent de mettre actuellement sur pied une nouvelle monnaie.
2) Crise des denrées alimentaires
Là encore nous ne nous étendrons pas à ce qui nécessiterait un historique. Résumons en disant que dans la spéculation tout est bon, y compris la spoliation des terres agricoles ( comme en Afrique) et l’organisation de la pénurie. L’effondrement des récoltes de denrées alimentaires a atteint un record historique mondial en 2009... surtout aux... USA.
Face à de telles menaces que peut bien faire la petite Martinique, nous dira t-on ? Et ce serait là, n’est-ce pas, une nouvelle opportunité pour distiller la peur, pour faire que la soumission et la résignation perdure. Mais de même qu’une minorité peut se faire entendre quand elle est dans la ligne juste, l’action des masses dans les Antilles – aussi incroyable cela peut paraitre – peut avoir des répercussions internationales inattendues. Sachons-le bien, sans arrogance, la révolte dans les Antilles, si elle a été caricaturée, déformée ou ignorée, notamment par les médias français, a suscité l’admiration de nombre de salariés non seulement européens mais de ceux du monde entier.
En France même, aujourd’hui encore, on veut faire « comme en Guadeloupe ».
Mais quant à nous, nous restons lucides, sachant que nos combats pour réussir doivent s’inscrire encore mieux dans une perspective internationaliste, dans la nécessité de développer des relations avec l’extérieur. Nous restons cependant trop tournés vers la France et sur ce qui s’y passe du point de vue politique, même si bien sûr, nous devons établir des liens avec nos camarades français. La situation politique, culturelle est radicalement différente. Aussi différente qu’entre un pays d’Amérique du sud et un pays européens. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il convient de développer les contacts avec les peuples et les mouvements sociaux de ce sous-continent avec lequel nous sommes plus proches ( au vrai sens du terme si nous tenons compte de la seule géographie ! ) Des états du sous continent américain qui se dégagent de l’emprise impérialiste peuvent être un appui. Dans le domaine énergétique pourquoi ne pas se procurer notre pétrole au Venezuela ?

Quelles propositions d’action ?

Etre minoritaires ne veut pas dire sans influence si on sait évaluer les aspirations des masses. Ces aspirations dépassent il est vrai les seules revendications matérielles émises en février-mars. Sous-jacent s’est posé la question du contrôle, de la reprise en main par le peuple des leviers socio économiques, du pays tout entier.
Personne n’est alors parti dans la rue en réclamant bille en tête la tenue d’une Assemblée Constituante ! Et ce n’est pas là une simple question de conscience politique. La lutte a pris la forme d’un Kolektif 5 févryé, « merveilleux outil » au dire de beaucoup. Et la seule organisation nouvelle qui aurait pu le dépasser par la suite serait apparu sous la la forme de Conseils sur les lieux de travail pour reprendre la production ou distribuer des biens. L’exemple de la Guadeloupe, à nouveau , nous montre que le LKP se situe dans cette optique de contrôle et qu’il s’agit bien d’une perspective naturelle.
Plutôt que se centrer sur une nouvelle réforme institutionnelle qui en elle-même n’intéressera personne sinon le microcosme des militants, il convient de mettre en avant une perspective d’autogestion généralisée, secteur par secteur, une promotion de la prise des responsabilités individuelles, et donc des pratiques de démocratie directe. Dans une telle perspective, avec plus de camarades décidés, plus jeunes et responsables, la nécessité d’une Assemblée Constituante pourra alors être évoquée beaucoup plus aisément.
En espérant aller dans ce sens, préparons, comme en Guadeloupe, la grève générale.