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Enquête contestée sur la presse dans l’affaire Woerth
Publie le lundi 13 septembre 2010 par Open-Publishingpar Thierry Lévêque
PARIS (Reuters) - Le Monde a annoncé lundi qu’il allait porter plainte contre X pour violation du secret des sources, estimant que l’Elysée avait eu recours en juillet à une enquête illégale pour identifier les informateurs de la presse dans l’affaire Woerth-Bettencourt.
La présidence de la République a démenti, affirmant n’avoir "jamais donné la moindre instruction" en ce sens.
Une source policière a cependant confirmé à Reuters lundi soir que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait bien mené une enquête, mais assuré qu’elle était légale.
Il n’y a eu ni écoutes téléphoniques ni investigations sur des journalistes, a dit à Reuters cette source. "Il s’agissait de vérifier la loyauté de hauts fonctionnaires", a-t-elle expliqué. Un suspect a été identifié.
C’est sur ces personnes que les investigations auraient porté. La DCRI explique avoir agi sur instruction de la Direction générale de la police nationale (DGPN), et non de l’Elysée, dit cette même source.
Le Parti socialiste parle "d’un nouveau scandale digne du Watergate, que l’on pourrait surnommer le ’woerthgate’", allusion à l’affaire qui fit chuter le président américain Richard Nixon en 1974.
Le Monde juge frauduleux que la DCRI, dédiée en théorie au contre-espionnage et au contre-terrorisme, ait enquêté pour rechercher l’informateur d’un de ses reporters.
Ce dernier, Gérard Davet, rend compte de l’enquête judiciaire sur les soupçons de trafic d’influence à l’encontre du ministre du Travail, Eric Woerth, en raison de ses liens avec l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt.
La loi sur le secret des sources prévoit qu’il ne peut être violé par une enquête qu’en cas "d’impératif prépondérant d’intérêt public".
"S’affranchir ainsi des règles de la simple justice est la solution qu’a imaginée l’Elysée pour circonscrire l’incendie", écrit-il dans un éditorial qui parle de "cabinet noir".
UN MAGISTRAT LIMOGE ?
Le Monde, citant des sources policières, dit qu’ordre a été donné de mettre fin aux fuites après la publication mi-juillet par le journal de déclarations à la police de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt.
Il a assuré qu’il avait été amené par Eric Woerth à procéder au recrutement par sa société Clymène de son épouse Florence.
Selon le site nouvelobs.com et Le Monde, la DCRI a conclu que l’informateur de la presse était le conseiller pénal de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, David Sénat.
Le cabinet de Michèle Alliot-Marie a confirmé que David Sénat, qui travaillait auprès d’elle depuis 2003, à la Défense, à l’Intérieur, puis à la Justice, était parti au 1er septembre mais a démenti tout lien avec l’affaire Woerth.
David Sénat sera désormais chargé d’une mission de préparation de l’installation d’une cour d’appel à Cayenne en Guyane, explique-t-on.
Les développements de l’enquête sur la fortune de Liliane Bettencourt ont alimenté tout l’été une pression politique croissante sur Eric Woerth, chargé du dossier des retraites.
La DCRI, crée en 2008 par fusion de la DST et des Renseignements généraux, avait reconnu avoir mené une autre enquête confidentielle sur l’origine de rumeurs d’infidélité de Carla Bruni, l’épouse de Nicolas Sarkozy.
Le parquet de Paris a ouvert en août une enquête préliminaire de police séparée sur les fuites pour violation du secret de l’enquête, confiée à l’Inspection générale des services (IGS, la "police des polices").
Elle fait suite à la plainte de Fabrice Goguel, avocat fiscaliste de Liliane Bettencourt. Le nom du suspect trouvé par la DCRI a été remis au parquet, a dit la source policière.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ, majoritaire) estime que "la loi a été bafouée" et propose de s’associer au Monde dans sa plainte. Reporters sans frontières estime qu’une commission d’enquête parlementaire devrait être créée.
Thierry Lévêque avec Nicolas Bertin, édité par Gérard Bon