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Et si la Suède avait beaucoup plus de chômeurs ?

Publie le samedi 28 mai 2005 par Open-Publishing

Le rapport d’un syndicaliste qui en comptabilise 19,7% n’a pas été du goût de sa centrale qui a voulu le censurer.

Par Olivier TRUC Stockholm

Un taux de 19,7 % de chômage ? En quelques jours, Jan Edling est devenu la célébrité dont la Suède se serait bien passée. Cet obscur mais respecté fonctionnaire de LO, la principale confédération syndicale proche des sociaux-démocrates, a rédigé un rapport explosif sur l’échec des politiques de l’emploi. Un rapport censuré par son employeur LO, proche du gouvernement, qui a refusé de le publier jugeant discutable sa présentation pessimiste des chiffres du chômage. L’effet a été dévastateur. Après dix-huit ans passés à LO, Edling, exaspéré, a démissionné la semaine dernière, donnant une publicité inespérée à ce rapport tabou. Depuis, tout le monde ne parle plus que de cela. Et, mercredi, LO a dû se résigner à distribuer le rapport tout en cherchant à se justifier. « Le chômage est déjà suffisamment haut pour ne pas avoir besoin d’exagérer, a déclaré Wanja Lundby-Wedin, secrétaire générale de LO. Le chômage officiel est de 5,5 %, et il y a 3 % de personnes en réinsertion, soit un chômage de plus de 8 %. Ce sont des chiffres inacceptables. »

Tournis. Mais Jan Edling va bien plus loin. Selon lui, beaucoup de Suédois sont mis en arrêt maladie ou en préretraite pour camoufler l’absence d’emplois. Outre le chômage officiel et les gens en réinsertion, il ajoute des bataillons lourds de préretraités (10,1 %) et les gens en arrêt maladie pour arriver à un taux de 19,7 % de Suédois âgés de 20 à 64 ans qui ne travaillent pas. Un chiffre qui donne le tournis alors que la Suède se targue d’être l’un des pays européens qui réussit le mieux sa politique de l’emploi. Edling a notamment tenté de répondre à cette énigme : pourquoi certaines régions suédoises où le chômage est plus élevé comptent-elles des taux bien supérieurs de personnes en préretraite ou en arrêt maladie ? A Söderhamn par exemple, une ville du centre du pays, 34,5 % de la population en âge de travailler touche le chômage ou une forme d’allocation, maladie ou préretraite. A Danderyd, dans la banlieue de Stockholm, ce chiffre atteint 8,7 %. Ce qui différencie les deux communes : l’accès à l’emploi. Quasi inexistant à Söderhamn, riche à Danderyd. « Dans une commune où il y a du travail, écrit-il, la caisse de chômage peut être plus exigeante vis-à-vis du demandeur d’emploi avant de lui octroyer une allocation. » Conséquence : on mettra plus facilement quelqu’un en préretraite ou en arrêt maladie dans certaines régions parce qu’il n’y a pas d’emploi.

Ciblées. Jan Edling, social-démocrate conscient que l’opposition de droite se gargarise de ses conclusions à un an des élections législatives, exhorte donc son gouvernement à laisser tomber des grandes politiques de l’emploi fumeuses tout comme le discours sur la baisse des taux d’intérêt pour relancer la croissance. Il prône des actions ciblées sur certaines régions, notamment l’amélioration des infrastructures routières afin d’accroître la mobilité des gens.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=299422