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Etre communiste, c’est quoi ?

Publie le samedi 29 décembre 2007 par Open-Publishing
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Au moment ou nous réfléchissons sur l’avenir du PCF, je vous propose ci-dessous, un extrait du chapitre XVII du roman de Paul Nizan : La Conspiration, ( prix interalliés 1938), qui reprend" l’aventure" de jeunes intellectuels issus d’un milieu aisé et qui décident d’aider à la préparation d’une révolution mondiale, que beaucoup d’ailleurs croyaient prochaine dans les années 30, en se lançant dans une illusoire et ridicule action d’espionnage au profit du parti qui ne demandait rien.

Le chapitre se situe au moment, dans le roman, ou plusieurs dirigeants communistes sont arrêtés par la police pour "conspiration contre l’Etat" ; l’un d’eux, Carré, parvient à se cacher chez un "sympathisant" du nom de Régnier. Au travers d’une discussion, Il trace, dans ces lignes, même s’il s’agit, ne l’oublions pas, d’un roman, une certaine idée qu’il se fait du communisme et du communiste.

Notons qu’à l’époque le parti n’avait pas 20 ans d’existence et pourtant au travers de ces lignes ; il apparaît bizarrement comme moderne, impliqué dans la société : bref révolutionnaire !

Mais sommes-nous audacieux et originaux dans les questions que nous posons aujourd’hui ? ou plutôt, ne tournons nous pas parfois en rond en ne faisant que reformuler des idées, des craintes et sentiments maintes fois exprimés.... et ce depuis longtemps !

Avant d’en venir à ce fameux extrait, voici quelques lignes sur la biographie de Paul Nizan telle qu’elle apparaît dans le livre de poche :

"Né à Tours en 1905, fils d’un ingénieur des chemins de fer, Paul Nizan fait ses études au Lycée Henri IV et à l’école normale supérieure. Agrégé de philosophie, membre du parti communiste, il enseigne et milite à Bourg-en-Bresse. Il entre à l’Humanité, puis à Ce Soir où il dirige la page de politique étrangère. En 1939, il quitte le parti à propos du pacte germano-soviétique. Cette rupture fait souvent oublier que Nizan a écrit toute son oeuvre en communiste mais qui ne confondait pas "la fidélité avec la muette adhésion à la hiérarchie".

Mobilisé, agent de liaison auprès de la XIVth Army Field Workshop, Nizan est tué près de Dunkerque le 23 mai 1940.

Quelques années auparavant dans son premier livre, Aden Arabie, Nizan écrivait : " J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie"

Extraits du livre La Conspiration :

"Il n’y avait pas tout à fait un mois que Carré habitait la maison de François Régnier où il était arrivé un matin ave sa valise pour demander à Régnier s’il voulait de lui ; Régnier lui avait simplement répondu de s’installer. Une si prompte réponse ne peut surprendre que ceux qui ignorent tout des relations viriles. Parmi les liens qui lient les hommes, ceux de la guerre sont forts : Régnier pouvait demander à Carré :

 Te souviens-tu du 20 octobre 17 devant Perthes-les Hurlus ?

Carré répondait qu’il se souvenait. Il était avec Régnier dans un rapport moins étroit qu’avec ses camarades du parti- les fidélités de parti sont plus puissantes que les fidélités de la mort et du sang- mais il savait enfin qu’il pouvait demander à Régnier ce qu’on a le droit d’exiger d’un homme de qui on a été dans une guerre le témoin.

Carré avait beaucoup vagabondé en France depuis les arrestations du mois de juillet et son entrée dans l’univers difficile mais exaltant de l’illégalité,....................... ,

Le communisme n’était pas seulement pour Carré la forme qu’il avait donné à son action, mais la conscience même qu’il avait de lui-même et de sa vie ; sa rencontre avec Régnier lui donna l’occasion d’exprimer des valeurs personnelles si profondes qu’il ne pensait pas plus à les remettre en question que les battements de son cœur. .............................................................................................

Régnier demandait à Carré (le dirigeant communiste) :

 Je ne comprends pas, le monde dont tu arrives me parait à peu près impénétrable. Explique-toi.

 Ce n’est pas simple, répondait Carré. Des gens comme toi, qui pensent avoir tout lu, ne voient dans le communisme qu’un système d’idées parmi tous les autres. Comme s’il y avait des boites à étiquettes, la boite socialisme, la boite fascisme, la boite communisme, entre lesquelles vous choisissez pour des considérations d’affinités, d’esthétique, d’élégance, de rigueur logique. Le communisme est une politique, c’est aussi un style de vie. C’est pourquoi l’Eglise nous redoute et nous mesure sans cesse, bien que nous ne soyons pas anticléricaux et que nous n’ayons que faire de M Combes ; elle sait que le communisme joue comme elle sur la certitude d’une victoire absolument totale. Aucune doctrine n’est moins pluraliste que le marxisme.

 Mais toi ? demandait Régnier. Les idées générales ne m’apprennent rien.

Je suis communiste depuis le Congrès de Tours, pour des quantités de raisons, mais il n’y en a pas de plus importante que d’avoir pu répondre à cette question : avec qui puis-je vivre ?

Je peux vivre avec les communistes. Avec les socialistes non. Les socialistes se réunissent et parlent politique, élections, et après, c’est fini, ça ne commande pas leur respiration, leur vie privée, leurs fidélités personnelles, leur idée de la mort, de l’avenir. Ce sont des citoyens. Ce ne sont pas des hommes. Même maladroitement, même à tâtons, même s’il retombe, le communiste a l’ambition d’être absolument un homme... Le plus beau de ma vie a peut-être été l’époque où je militais en province, où j’étais secrétaire d’un rayon. Il fallait tout faire, c’était un pays qui naissait ou qui renaissait, le comité de rayon faisait un boulot comme dans Balzac le Médecin de campagne. En plus sérieux. Un communiste n’a rien. Mais il veut être et faire...

 Je ne vois pas comment toi, un intellectuel, quelqu’un de descendance critique, disait Régnier, tu peux accepter une discipline qui s’étend jusqu’à la pensée. J’achoppe toujours sur cette pierre.

 Invincible libéral, répondait Carré, infidèle à l’homme. Vous mettez toutes choses sur le même plan. Vous êtes perdus d’orgueil, vous voulez avoir le droit d’être libres contre vous, contre vos amours mêmes. Chaque adhésion vous parait une limitation. Vous avez immédiatement envie de vous déjuger pour vous démontrer que vous êtes libres de rejeter ce que vous veniez d’embrasser. Et fiers avec ça et goethéens : " je suis l’esprit qui toujours nie..." Quand cessera-t-on de vivre avec l’idée qu’il n’y a de grandeurs que dans le refus, que la négation seule ne déshonore pas ? La grandeur n’est pour moi que dans l’affirmation...Il est vrai que tel jour, telle nuit, j’ai pu me dire : le parti a tort, son appréciation n’est pas juste. Je l’ai dit tout haut. On m’a répondu que j’avais tort, et j’avais peut-être raison.

Allais-je me dresser au nom de la liberté de la critique contre moi-même ? La fidélité m’a toujours paru d’une importance plus pressante que le triomphe, au prix même d’une rupture, d’une de mes inflexions politiques d’un jour. Ce n’est pas de petites vérités au jour le jour que nous vivons, mais d’un rapport total avec d’autres hommes...."./..

Messages

  • Etre communiste ou non, c’est d’abord savoir si on s’accomode, ou non, de la société divisée en classes, de l’exploitation des uns par quelques autres, des inégalités héréditaires etc.. Et si on est, ou non, décidé à se battre pour faire cesser cette situation !

    CN46400

    • Etre communiste, c’est décider de n’être pas un salaud, c’est ne pas fuir devant sa responsabilité individuelle qui exige de prendre parti, ici et maintenant, pour ce qui ouvre une perspective au "devenir humain", focément "collectif", donc contre tout ce qui la ferme, comme, en effet, le rapport de classe dominant-dominé , même quand il est proposé "royalement" comme du "donnant-donnant"...

      Quand on a perçu "par conscience de classe" ou par tout autre cheminement "personnel", à quel "choix" on est confronté, on choisit d’être "libre", et ce n’est possible qu’en "devenant, tant bien que mal, chaque jour un peu plus communiste" !

      ...C’est pourquoi il reste symboliquement trés "douloureux" de devoir rendre sa carte pour le rester !

      ...Il y en a donc des "vrais" dedans comme dehors, mais si tous font les efforts qui s’imposent, il n’y aura plus cette distinction à établir :

      soit que le "dedans" aura fait sa révolution copernicienne (attendue pour 2008 !)

      Soit que le "dehors" aura produit un processus "constituant" (attendu pour 2008 !)

      Meilleurs voeux Urbi et Orbi !

      Al’1 d’Nant’