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Exapaq : méthodes brutales contre le droit de grève

Publie le mercredi 4 mai 2005 par Open-Publishing

Dans le cadre de notre campagne contre la répression et la criminalisation du syndicalisme, nous avons interviewé Valérie Charillon, secrétaire de l’UL-CGT de Melun (Seine-et-Marne), au sujet du comportement scandaleux de la direction de l’entreprise de logistique Exapaq-Exatri (tri de colis).

La Riposte : Peux-tu retracer l’historique du conflit chez Exapaq-Exatri ?

Valérie Charillon : A l’origine de ce conflit, il y a la décision, de la part d’un certain nombre de salariés de l’entreprise, de se syndiquer à la CGT. En août 2004, ces salariés sont venus trouver l’Union Locale de Melun pour créer leur section syndicale. Sur un effectif total de 70 salariés, plus d’une trentaine ont pris leur carte à la CGT. Leur revendication première était la remise en cause d’un accord signé quelques temps plus tôt par un délégué syndical CFDT, contre l’avis majoritaire des salariés. Cet accord concernait de nouvelles règles d’attribution d’une prime et des modifications relatives à la mutuelle complémentaire.

Or, tant que la direction n’avait à faire qu’à un syndicat docile, il n’y avait pas de problème. Mais dès lors que des salariés voulaient s’organiser dans un syndicat revendicatif pour défendre leurs intérêts, l’attitude de la direction a radicalement changé. Officiellement, la direction n’avait d’autre choix que de reconnaître l’existence d’une section CGT dans l’entreprise. Mais dans les faits, elle a toujours refusé toute négociation avec la CGT. Ainsi, le seul recours des syndicalistes était la grève.

La direction a fait monter la pression pour intimider les grévistes. Après les avoir menacé de licenciement, ou encore de délocalisation de l’entreprise, elle a détourné le trafic des camions chargés de colis vers d’autres sites. Le 4 octobre, un groupe de personnes - dont le délégué syndical CFDT ! - s’est présenté, armé de barres de fer, pour « casser du gréviste. »

Puis, pour mettre fin au conflit à sa manière, la direction d’Exapaq n’a rien trouvé de mieux que de licencier purement et simplement des syndicalistes CGT. Au total, 21 travailleurs ont été licenciés. Aucune des règles concernant le licenciement des élus et mandatés n’a été respectée. La « faute lourde » invoquée était l’« entrave au travail », suite au blocage du site par les grévistes.

Le 5 janvier denier, l’inspection du travail a notifié son refus du licenciement des salariés élus et mandatés. Ceux-ci ont réintégré l’entreprise le 10 janvier. Le 14 janvier, l’affaire est passée devant le Tribunal des Prud’hommes de Melun, qui s’est prononcé pour la réintégration de l’ensemble des grévistes injustement licenciés. C’était une première victoire d’importance, acquise grâce à la solidarité et à la détermination des salariés.

Cependant, la réintégration des grévistes licenciés s’est faite dans de très mauvaises conditions. La direction a mis tout en œuvre pour les intimider et les punir. Ils ont été affectés aux tâches les plus lourdes et pénibles. On leur a mis une pression infernale. Ils étaient suivis à la trace. La direction est même allée jusqu’à enregistrer leurs conversations et les prendre en photo pendant qu’ils faisaient leur travail ! Les primes qui leur étaient dues n’ont pas été versées. Enfin, le 18 février dernier, une nouvelle mise à pied leur a été signifiée, suite au déclenchement d’une nouvelle grève, la nuit du 17 février, pour protester contre leurs conditions de travail déplorables depuis leur réintégration. Voilà comment on traite des salariés qui veulent tout simplement se syndiquer dans l’organisation syndicale de leur choix et exercer leurs droits légitimes.

De nouveau l’inspection du travail a refusé le licenciement des élus et mandatés. Pour les autres salariés licenciés, nous retournons en référé dans le but de gagner, là encore, leur réintégration.

La Riposte : Nous avons fait état, sur notre site internet, de nombreux autres cas de répression et de criminalisation du syndicalisme, comme chez Carrefour, chez Nortène ou encore chez Daewoo. Cette attitude particulièrement agressive vis-à-vis du syndicalisme a toujours existé. Mais penses-tu qu’il y a eu un durcissement, ces derniers temps ?

Valérie Charillon : Cela existe depuis longtemps, en effet. Mais il me semble qu’il y a eu un net durcissement depuis les élections présidentielles et législatives de 2002. Après le retour de la droite au pouvoir, les employeurs se sont sentis tout-puissants. On le voit bien au niveau du département. Par exemple, on retrouve la même attitude du côté de la direction de Leclerc, à Provins. Dans d’autres entreprises, à partir du moment où il y un délégué syndical CGT de nommé, il risque de se retrouver licencié. Les employeurs veulent bien tolérer un syndicat qui les « accompagne » et qui se tient tranquille. Mais dès lors qu’il s’agit d’un syndicat revendicatif, cela se passe très mal. Si le syndicat veut représenter les intérêts des travailleurs en termes de salaires et de conditions de travail, il n’est évidemment plus en phase avec la politique des employeurs.

Chez Exapaq, de toute façon, cette attitude répressive va continuer. Chez Exapaq Bordeaux, par exemple, ce sont les mêmes méthodes qui ont été employées. Dès qu’une section CGT a été créée, des sanctions et des licenciements s’en sont suivis, et cela dure depuis 1998 !

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