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France : Les cheminots résistent à la trahison programmée par les syndicats

Publie le samedi 17 novembre 2007 par Open-Publishing
8 commentaires

France : Les cheminots résistent à la trahison programmée par les syndicats

Par Antoine Lerougetel

17 novembre 2007

Jeudi, au troisième jour de la grève, massivement suivie, contre les attaques sur les retraites préparées par le gouvernement gaulliste du président Nicolas Sarkozy, des assemblées générales de cheminots se sont tenues dans toute la France et ont voté, à une écrasante majorité, la reconduction et l’amplification de la lutte.

Ces votes sont l’expression du rejet des trois piliers principaux de la réforme : l’allongement de la durée de cotisation, de 37,5 annuités à 40, pour pouvoir jouir d’une retraite à taux plein, la décote en cas de retraite anticipée et l’indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires, ce qui était plus avantageux.

Les travailleurs qui participaient à ces assemblées générales ont exprimé une grande méfiance vis-à-vis des actions entreprises par les directions syndicales et un ressentiment tout particulier envers la proposition de Bernard Thibaut, secrétaire général de la CGT (Confédération générale du travail) qu’il y ait des négociations branche par branche dans le cadre de la réforme. Cette proposition revient, de fait, à reconnaître la destruction des régimes spéciaux (retraites spéciales accordées de longue date aux travailleurs dans des métiers particulièrement pénibles) et à collaborer à la mise en place de la réforme de Sarkozy.

Le WSWS a participé à une assemblée générale de grévistes à la Gare du Nord, à Paris. Il s’y trouvait des conducteurs de train, du personnel d’accueil, des contrôleurs et aussi une délégation des ateliers Le Landy de la Seine-Saint-Denis, au nord de Paris.

Etaient présents des membres de la CGT (syndicat majoritaire chez les cheminots), Sud Rail et Force ouvrière, respectivement les second et troisième syndicats, ainsi que des membres de l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes, proche du Parti socialiste) et des travailleurs non syndiqués.

Lecture a été faite des comptes-rendus des différents sites de la région parisienne, où entre 60 et 100 pour cent de travailleurs étaient en grève.

Nazima de la CGT, qui joue un rôle important dans l’organisation des assemblées générales, a dit qu’elle avait reçu un coup de fil de l’Université de Tolbiac, où les étudiants sont en grève contre l’ouverture des universités aux entreprises privées, appelant les cheminots à ne pas abandonner la lutte. Elle a exprimé sa révolte quant à l’envoi de CRS la veille pour disperser les étudiants de l’Université de Nanterre à coups de matraque, qualifiant cet acte de « grosse erreur du gouvernement. »

L’assemblée générale a voté la poursuite de la grève jusqu’au lendemain. Il y a eu trois abstentions.

L’assemblée a aussi voté la mise en place d’un comité de grève dont la tâche serait d’organiser les piquets de grève et d’amplifier le mouvement, notamment auprès des travailleurs de la RATP (Régie autonome des transports parisiens, bus et métro) et des travailleurs de EDF et GDF (Electricité et Gaz de France) dont les régimes spéciaux de retraite sont également attaqués par le gouvernement.

Le comité travaillerait aussi à gagner le soutien du public et à contrer la machine de propagande de Sarkozy, qui jouit du soutien entier des médias.

La veille, les grévistes de la Gare du Nord avaient voté à l’unanimité une motion qui a ensuite largement circulé dans toute la France et qui a été adoptée dans de nombreuses assemblées générales. Cette motion a été soumise une nouvelle fois pour servir de base de réponse à une lettre envoyée par Xavier Bertrand, le ministre du travail, le 14 novembre, invitant les syndicats à des négociations. La lettre de Bertrand a été rejetée par tous les intervenants à l’assemblée générale car elle ne propose aucunement le retrait des trois piliers de la réforme.

Au sujet de la proposition faite au gouvernement par le leader de la CGT, Bernard Thibaut, un travailleur a fait remarquer : « Qu’est-ce cela nous apporte ces négociations tripartites [entre la direction des entreprises publiques, les syndicats et des représentants du gouvernement] ? Il n’y a aucune garantie. »

Ce qui est très significatif, c’est la décision prise de faire parvenir cette motion à tous les cheminots de France, mais aussi de l’envoyer aux dirigeants des syndicats de cheminots qui se réunissaient à 16h30 jeudi après-midi pour discuter des suites à donner à l’invitation de Bertrand.

La motion déclare : « Nous refusons le passage de 37.5 ans à 40 ans de cotisations, les décotes et l’indexation des pensions sur les prix plutôt que sur les salaires. »

La motion insiste pour que les directions syndicales ne signent pas d’accords avec le gouvernement sans le consentement de la base. « Nous exigeons d’être consultés pour toute décision qui engagerait notre avenir et d’être informés du contenu des discussions à chaque étape », dit la motion. « Nous nous déclarons opposés à toute négociation entreprise par entreprise. » 

Plusieurs participants au débat ont fait remarquer que la lettre de Bertrand proposait des négociations dans les différentes entreprises sur une durée d’un mois laissant entendre que la grève se prolongerait d’autant, et ce, afin d’épuiser le mouvement.

Monique a critiqué la direction de la CGT pour vouloir négocier entreprise par entreprise quand « le gouvernement n’a rien cédé sur les trois points essentiels. Un mois de négociations, c’est un mois de grève pour rien. » Elle a fait remarquer qu’« il y a un divorce entre les syndicats et la base qui veut se bagarrer et qui veut le retrait de la réforme. »

Un travailleur qui ne portait pas de badge syndical a dit : « Je m’attendais à ce que les directions syndicales organisent quelque chose de plus costaud. La manifestation d’hier a été organisée au dernier moment. Nous sommes aujourd’hui dans une situation charnière. Sarkozy joue aux chaises musicales avec les syndicats. La seule solution : il faut communiquer. Les AG sont souveraines. Il faut gagner la population et leur dire : "Nous sommes dans la bataille avec vous sur le pouvoir d’achat. Nous ne sommes pas des privilégiés." »

Il s’est opposé au blocage des TGV (Train à grande vitesse) disant que cela faisait le jeu de ceux qui voulaient représenter les cheminots comme des Khmers rouges.

D’autres travailleurs ont fait remarquer qu’il était essentiel de faire des piquets de grève pour empêcher la reprise du travail et de stopper les trains afin d’amplifier le mouvement. Un guichetier a dit qu’ils avaient déjà mis en place un piquet de grève à 6 heures du matin pour que les bureaux restent fermés.

Le WSWS a parlé avec Monique, représentante de la CGT conducteurs, avant l’assemblée générale. Elle a dit, « Nous on veut vraiment contrôler le mouvement. Hier c’était entre 70 pour cent à 80 pour cent de taux de grévistes et aujourd’hui c’est le même taux. Ce que nous essayons maintenant, c’est de faire la jonction avec le maximum de monde et faire que le mouvement ne soit pas dispersé. On n’accepte pas d’être appauvris. Ce qu’on veut, c’est qu’il n’y ait pas de négociations en douce dans notre dos. »

 « Moi, je veux bien respecter la direction de la CGT, mais il faut aussi qu’ils nous respectent et on n’est pas une masse de main-d’œuvre. Nous ne voulons pas aider Sarkozy à mettre sa réforme en place. Aujourd’hui, il y a des étudiants, la RATP, EDF-GDF. Nous ne voulons pas d’entourloupe et qu’on casse le mouvement. »

 « Nous n’arrêterons pas jusqu’à ce qu’on ait le retrait de la réforme. Bernard Thibault a dit qu’il ne négocierait pas dans le cadrage du gouvernement. J’espère qu’il ne change pas. S’il discute, cela ne peut pas être sur la base d’accepter les 40 ans et la décote. C’est inacceptable. Il ne faut absolument pas qu’il cède sur cela. »

René-Claude, travailleur non syndiqué sur les trains de banlieue de la SNCF a dit : « L’élément auquel je suis le plus opposé, c’est la décote. Les syndicats ne comprennent pas ce qui se passe à la base. On a l’impression que les fédérations, elles font ce qu’elles veulent et que la base brasse de l’air. C’est inacceptable de voir qu’on nous entend à peine. » 

(Article original anglais paru le 16 novembre 2007)

http://www.wsws.org/francais/News/2007/nov07/cheminots-n17.shtml

Messages

  • Ce n’est pas une trahison des syndicats, mais une indécision de leurs représentants les plus élevés. Ce n’est pas la même chose, même si les conséquences de cette indécision peuvent amener à la défaite des cheminots. Ils ne semblent pas croire en la victoire contre Sarko. C’est leur handicap.

    Renforcer les syndicats, les assemblées générales, adhérer et développer la CGT, SUD, pousser à l’unification des organisations de défense des travailleurs c’est le seul vaccin que je connaisse vis à vis de "directions" qui ne satisferaient pas.

    Adhérez, faites adhérer ! Poussez à la démocratie dans les luttes, au soutien à celles-ci, à l’unification syndicale dans le combat et on verra alors les "dirigeants" se réveiller et être d’un coup plus vigoureux....

    Tenir, aider les grévistes...

    Copas

    • Que tu le veuilles ou non Thibault a dit :"nous ne VOULONS pas d’un troisième tour social contre Sarkozy".
      Entendu hier 16/11 sur i-télé ...L’indécision a le dos large.

      Aujourd’hui le grève tient car la base a dépassé les instances dirigeantes,c’est tout.

      Fraternellement à toi

      François Pellarin -Cégétiste.

    • Mais il a bien raison Thibault. Un 3ème tour social avec près de 55 % de la population qui soutient Sarko c’est suicidaire ! Il faut garder nos forces pour les luttes présentes et à venir en mettant Sarko dans ses contradictions.

      Moi, je n’ai pas beaucoup entendu d’arguments pour gagner la bataille du soutien de la population à la lutte pour le maintien à 37 ans 1/2. Il faut absolument battre en brèche l’argument fallacieux de l’augmentation du ratio des retraités par rapport aux actifs. L’augmentation de la productivité par l’automatisation et l’informatisation est telle que cet l’argument démographique ne tient pas la route !! Vite vite faisons passer se message.

    • Sarko soutenu par 55% des Français ?

      On a commencé avec 70% contre nous pour le référendum ! Et on inversé largement les choses !

      C’est en menant avec résolution la bataille qu’on peut inverser les choses. Se taire, démissionner, être molasse, mendier une négociation sans rapport de forces, sans mettre ses forces réellement dans la bataille, introduire un doute dans la tête de tous les travailleurs par son irrésolution, là c’est effectivement risquer la défaite.

      Les seules négociations sont sur le terrain. Sur la ligne de front, entre les travailleurs en lutte et le bourgeois de Neuilly, et les directions syndicales devraient mieux aller sur les marchés, devant les hyper-marchés, à la porte des entreprises, dans la rue, populariser le soutien, pas aller aux séances sado-maso avec Bertrand....

      Le 3e tour social ? J’en sais rien.... Mais si en 68 il avait fallu attendre l’élection de 81 pour se battre, il n’y aurait eu ni 68 avec ses 10 millions de grévistes et finalement ni 81 avec la gauche filandreuse en fin de cycle aujourd’hui. Et le SMIC n’aurait pas été augmenté de 40% d’un coup, sans parler de multiples conquêtes...

      Donc la résolution c’est important dans une bataille. Pour l’instant Thibault a marqué contrer son camp et contre les grévistes par son inadaptation au cours nouveau d’une droite résolue. Sarko a bien jugé le manque de qualité et de solidité d’une partie des représentants nationaux des syndicats.

      La preuve des dégâts faits se sont ce type de raisonnement, c’est également le trouble démobilisateur et les hurlements de victoire d’en face (le Figaro par exemple), ceux qui crient avec les loups contre les grévistes et le 3e tour social....

      Unir, renforcer, se doter de structures qui dépassent la division syndicale, développer la démocratie des travailleurs, remonter et unifier , faire appel à l’unification des batailles, faire converger ces structures , les faire s’adresser à toutes la nation, développer des médias de lutte sauvage contre Télé-Sarko, voila ce qui permettrait de bousculer les lignes et d’engranger une première victoire.

      Nous en avons les forces mais pas encore les structures ni les représentants adéquats.

      Cop.

    • « Il faut absolument battre en brèche l’argument fallacieux de l’augmentation du ratio des retraités par rapport aux actifs. L’augmentation de la productivité par l’automatisation et l’informatisation est telle que cet l’argument démographique ne tient pas la route !! Vite vite faisons passer se message. »

      Chiche !

      Celui ou celle dont la claire démonstration, comprise par tous, prouvera que ces deux arguments sont erronés aidera fondamentalement le mouvement.

      Qui s’y colle ?

      IS

  • Depuis quelques temps déjà, il y a un troisième larron dans les grèves de ce type, c’est le public (99% de prolos) qui finalement fait toujours pencher la balance du coté du gagnant, le gouvernement ou bien les syndicats grévistes !

    La proposition de Thibault qui, vue sous cet angle, tend à faire pencher les usagers vers les grévistes, ou au moins à neutraliser les pros Sarko, me parait donc trés intelligente dans la conduite de la grève. Elle doit être soutenue !

    CN46400

  • Au lieu de tisonner la division chez les grévistes, plus intelligent serait d’expliquer toujours et encore que la fusée Sarko a deux étages. Un pour les régimes spéciaux et un autre pour le régime général. Ils veulent faire baisser le niveaux de vie de tous les retraités, un point c’est tout !

    Comme toujours la vérité c’est : Prolétaires unissez-vous !