Gamède, trois jours et quatre nuits...

LE cyclone Gamède est passé au plus près de l’île - à 210 km de nos côtes environ - dans la nuit de samedi à dimanche, causant pour principal dommage matériel l’effondrement de la partie avale du pont qui enjambe la Ravine Saint-Etienne, dans le sens Saint-Louis / Saint-Pierre. Les analystes de la DDE cherchent à établir si le pont amont, toujours debout, pourrait supporter un flux routier dans les 2 sens. Ils s’interrogent encore sur le faisceau de causes qui peuvent expliquer ce phénomène d’embâcle rocheux. L’effondrement d’une pile, survenu le matin, suite à la rupture d’un barrage naturel, a entraîné l’affaissement de 520 mètres de bitume et de ferraille tombés dans le lit de la ravine. Le problème majeur, depuis le passage de Gamède, est de faire face aux conséquences - économiques et sanitaires surtout - de la rupture de communication entre ces 2 villes du Sud. Le Préfet a évoqué, dimanche en fin d’après-midi, les dispositions spéciales prises pour l’évacuation de certains malades vers l’hôpital de Saint-Paul. Quatre maires du Sud se sont réunis hier matin et ont annoncé dans la journée certaines dispositions concernant la collecte des ordures et les évacuations sanitaires principalement.

François Baroin, le Ministre de l’Outre-mer, dans l’île

Alors qu’on annonçait hier l’arrivée dans notre île, mardi matin, du Ministre de l’Outre-mer, François Baroin, la situation qu’il va découvrir est celle d’une île malmenée depuis 3 jours et 4 nuits par le cyclone Gamède. Bien que la Météo nous dise depuis hier que Gamède s’éloigne, les relevés successifs ont montré une trajectoire aussi capricieuse qu’hésitante, et beaucoup se demandaient hier, sous les rafales de vent et de pluie qui ont continué à sévir, combien de temps Gamède allait mettre à s’éloigner. Après s’être approché à près des 200 km, le cyclone s’est incurvé dimanche (13h) à 18.4 Sud et 54.0 Est, repartant à 310 km au N/N-O. Il ne progressait déjà plus qu’à 12 km/h, contre 17 km/h au moment de l’approche. Il allait ralentir encore et rester quasiment stationnaire dans la nuit de dimanche à lundi, après une boucle qui l’a réorienté plein Ouest, à la latitude du port de Toamasina (Madagascar). Hier soir, il était indiqué comme encore presque stationnaire, à 395 km au N-O de nos côtes. C’est cette lenteur de déplacement, ainsi que la très grande étendue de la zone d’influence de Gamède, évaluée à 1.500 km d’Est en Ouest, qui maintiennent notre île dans les perturbations que chacun pouvait constater hier soir encore dans le N-O, et dans le Sud de l’île principalement.
L’alerte rouge a été déclarée samedi à 21h et levée lundi matin, à 6h, essentiellement pour permettre aux équipes techniques d’intervenir là où les conditions climatiques le permettaient.
D’une façon générale, les consignes de prudence ont été plutôt bien observées. Jusqu’à la levée de l’alerte rouge, on ne déplorait “que” 9 blessés, dont un assez grièvement, dans un accident de la route.

Routes et glissements de terrain

Le réseau routier a été le premier et le plus touché, en ses points sensibles. Dès vendredi soir, 18h30, la route du Littoral était fermée à la circulation, déviant vers la route de la Montagne (CD 41) le flot des véhicules qui rentraient sur le Nord ou l’Est. Dans le Sud, la RN5 est devenue inaccessible, et Cilaos, comme Mafate, est isolé du reste de l’île. Le coup le plus irrémédiable a été porté à la Route Nationale entre Saint-Louis et Saint-Pierre, avec l’affaissement du pont aval sur la Rivière Saint-Etienne.
Dimanche matin, 16 radiers étaient submergés dans l’île, et on signalait des glissements de terrain dans le Sud, à Petite-Ile et à Bérive. Dans le Cirque de Salazie, Grand-Ilet s’est trouvé isolé par un glissement de terrain qui s’est produit à Fleur Jaune sur plusieurs dizaines de mètres. En milieu de journée, dimanche, le nombre total des radiers submergés s’élevait à une trentaine.

Dès vendredi soir, certains secteurs de l’île ont été privés d’eau et d’électricité, les pannes d’électricité causant en divers endroits l’arrêt de stations de pompage. La situation la plus grave était détectée à Saint-André, où dimanche matin, des équipes d’EDF ont dû intervenir sur 2 stations de pompage en panne. Sur le week-end, 100.000 abonnés ont été privés d’électricité et autant se sont trouvés sans eau. Lundi soir, près de 75.000 foyers encore étaient privés d’eau. Le Préfet a annoncé hier soir que 40.000 d’entre eux devraient voir leur alimentation en eau potable rétablie dans la journée de mardi.

Sans téléphone

Dans le bâti, l’accident le plus grave s’est produit à Petite-Ile, avec l’effondrement d’une cage d’escalier sur 3 étages, dans un bâtiment SHLMR. Sur l’ensemble de l’île, environ 180 personnes ont été accueillies dans les centres d’hébergement municipaux. Les causes de ces hébergements étaient assez variables : certaines familles venant se mettre à l’abri par mesure de prévention ; d’autres se sont laissées surprendre par l’alerte rouge. Un touriste s’est retrouvé en centre d’hébergement en guise de transit, à cause de l’annulation et du report des vols.
Au Port, les seules personnes mises en danger par le cyclone sont des originaires de l’archipel des Comores, récemment installées, qui ont trouvé refuge dans le centre d’hébergement de la ville .
Les travaux à effectuer dans de nombreuses écoles, ainsi que le mauvais temps persistant et l’état des routes dans certains secteurs ont convaincu le Préfet de maintenir les écoles, collèges et lycées fermés la journée de mardi.

Jusqu’à hier, les communications téléphoniques ont été rendues très aléatoires. De 15.000 personnes sans téléphone fixe, dimanche matin, le nombre d’abonnés privés de téléphone a dépassé les 40.000, sur lesquels 5.000 ont vu leur liaison téléphonique rétablie dans la journée de lundi. Une part importante du réseau de téléphonie mobile a été atteinte, après la mise hors service de 50 relais SFR sur 300 et une détérioration au 2/3 du réseau Orange.

Durant ces 3 jours, les équipes des pompiers ont été omniprésentes, en dépit de conditions d’intervention rendues parfois difficiles. Ils étaient tributaires, comme tous, des problèmes techniques de liaison téléphoniques, des voies de communications coupées. Ils ont fait preuve d’une organisation remarquable dans la remontée des informations transmises depuis les centres de secours. Dès la levée de l’alerte rouge, les équipes de la DDE et du Conseil général se sont activées à la remise en état des routes. Même chose dans les communes, où les équipes des services techniques étaient à pied d’œuvre toute la journée d’hier.
Mais tout indiquait hier que le retour à la normale serait certainement lent, puisque Gamède, quasi stationnaire, n’avait pas fini de l’inquiéter. Météo France tentait de se remonter le moral en se réjouissant dans une belle antiphrase de ce qu’il était « évidemment heureux qu’un tel scénario se produise à 300-400 km de nos côtes et non beaucoup plus près... ». Certes...

P. David

Gamède, trois jours et quatre nuits...
Article paru dans Témoignages le mardi 27 février 2007