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Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Lucien Léger sont maintenus en détention...

Publie le vendredi 24 juin 2005 par Open-Publishing

Une justice morale ou une justice légale ?

de Sophie Bouniot

Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Lucien Léger sont maintenus en détention sous des prétextes qui restent bien éloignés du droit.

C’est à se demander si la justice vise uniquement l’application des règles de droit. En moins d’une semaine, trois détenus emblématiques, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Lucien Léger ont vu leurs demandes de libération conditionnelle soumises au regard de la justice. Tous ont vu le ministère public requérir leur maintien en détention. Problème : les motifs invoqués intéressent plus la morale ou la vengeance que la loi.

Avant-hier, le procureur de la République d’Arras a réclamé que Lucien Léger, soixante-huit ans dont quarante et un derrière les barreaux, reste incarcéré. « Conditionnable » depuis 1979, celui que l’on présente comme l’un des plus anciens détenus d’Europe, voit ainsi son seizième ou dix-septième recours démoli par le parquet. « On nous a expliqué que dans le contexte actuel, dans une société qui vit des faits divers terribles, l’opinion ne comprendrait pas que Lucien Léger recouvre la liberté, explique Me Jean-Jacques de Felice, son avocat. On inverse complètement le sens de la justice qui n’est plus faite pour l’opinion mais par l’opinion. »

Selon la loi, un détenu, afin d’accéder à une conditionnelle, doit bénéficier d’un emploi, d’un logement à sa sortie, ainsi que d’expertises médicales favorables. Depuis vingt ans, le même couple propose d’héberger Lucien Léger et la Croix-Rouge promet de l’embaucher. « On nous a donc opposé la potentielle dangerosité de Léger, en arguant de ses tendances paranoïaques et narcissiques. Alors que même le directeur de la prison de Bapaume où est emprisonné Léger est favorable à sa sortie », s’énerve Me de Felice. Le vrai problème est ailleurs, selon l’avocat : « Dans la mesure où Lucien Léger ne reconnaît pas sa culpabilité, il n’est pas amendable. On est dans la même logique que le plaider-coupable, le repentir à l’italienne. Pour sortir, il faut se prosterner devant les juges, reconnaître absolument les faits en faisant fi de son droit à clamer son innocence. » Dans cette affaire, le tribunal de l’application des peines rendra sa décision le 1er juillet prochain. S’il décidait de garder Lucien Léger derrière les verrous, il entérinerait, selon Me de Felice, « un rétablissement implicite de la peine de mort ».

Du côté des anciens militants d’Action directe (AD), le parquet a fait valoir au moins un argument similaire : l’absence de repentir. Le 16 juin dernier, Georges Cipriani l’a dit devant le tribunal d’instance de Colmar qui statuera le 7 juillet prochain : « Je ne me repentirai jamais. » Puisqu’il n’a pas abandonné ses idées, il reste dangereux, a statué le représentant du parquet. Autre grief invoqué : Cipriani a projeté de s’installer en Allemagne chez sa fille. Impossible à cause du suivi de son contrôle judiciaire. L’hypothèse ayant été envisagée, Emmaüs lui offre le gîte et un poste de bénévole. Là encore, le parquet a botté en touche au motif que ça n’était pas un « emploi ». « Ils essayent de trouver des arguments qui s’apparentent à une vengeance d’État », analyse Me Jean-Louis Chalanset. « Avant-hier, ce fut le même cas avec Nathalie Ménigon dont le délibéré a été fixé au 1er juillet prochain. L’enquête concernant son projet de sortie a été jugée positive dans le cadre de la suspension de peine qu’elle réclame, mais défavorable pour une libération conditionnelle. Pire : alors qu’on lui refuse l’application de la loi Kouchner sous prétexte qu’elle n’est pas assez malade, là, on prétend qu’elle ne pourra pas travailler à cause de son état de santé. C’est n’importe quoi ! »

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