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Georges Séguy : "La grève n’est pas une invention perverse du syndicalisme"
Publie le lundi 30 juillet 2007 par Open-Publishing2 commentaires

Membre du syndicat des cheminots de Toulouse (Haute-Garonne) à la Libération, Georges Séguy a été secrétaire général de la fédération CGT des cheminots de 1961 à 1965, avant d’occuper le poste de secrétaire général de la confédération jusqu’en 1982. Pour« l’Humanité Dimanche », il livre son analyse du projet de loi contre le droit de grève.
HD. A-t-on déjà connu de pareilles atteintes au droit de grève ?
Georges Séguy. Oui, sous Pétain, avec la charte du travail, qui prétendait soumettre les syndicats à l’autorité de Vichy. Mais aussi sous la Ve République, quand, au début de son premier mandat, le général de Gaulle a décrété une restriction qui instituait un préavis de 5 jours avant toute grève. Un autre décret autorisait les ministres chargés des personnels de la SNCF, de la RATP, d’Air France, d’EDF et GDF d’user de réquisitions en cas de grève. Un an après, en avril 1963, les mineurs en grève déchiraient et brûlaient sur le carreau des mines les ordres de réquisition signés Charles de Gaulle et Georges Pompidou. En mai 1968,10 millions de travailleurs cessaient le travail et occupaient les entreprises, sans se préoccuper des fameux 5 jours de préavis. Ce simple rappel de l’histoire devrait donner à réfléchir aux actuels adversaires du droit de grève qui envisagent un passage en force, au mépris de l’intersyndicale.
HD. D’après vous, de telles mobilisations sont-elles envisageables aujourd’hui ?
G. S. Aussi peu de temps après le résultat de l’élection présidentielle, cela paraît difficile. Mais les choses peuvent évoluer très vite. Je pense que l’opposition des trois principales centrales syndicales devrait inciter le gouvernement à revoir sa copie. Quand on sait que 90 % des perturbations de la circulation ferroviaire sont d’origine technique ou consécutives à l’insuffisance du personnel, on comprend mieux que le prétendu service minimum n’est en vérité qu’une hypocrisie destinée à dresser les usagers des services publics contre les personnels de ces services. Si je puis me permettre, il est d’ailleurs surprenant que l’aversion de Nicolas Sarkozy envers le droit de grève ne lui ait pas encore donné l’idée d’une règle inédite, qui irait jusqu’au bout de sa singulière logique : que les avantages abusivement obtenus, sous la pression d’une grève, ne bénéficient plus aux salariés qui auront le courage et l’honneur de ne pas la faire ! Car le but du président de la République est évident : restreindre le droit de grève aujourd’hui dans les transports, demain dans l’enseignement, puis dans toute la fonction publique, pour finir par le secteur privé. Nous en reviendrions ainsi plus d’un siècle en arrière, à l’époque où la grève était illégale. Voilà pourquoi la solidarité interprofessionnelle, que l’on retrouvera lors des manifestations du 31 juillet, a tant d’importance.
HD. Quelles grandes conquêtes ont été gagnées grâce à la grève, y compris quand celle-ci était minoritaire ?
G. S. Le succès d’une grève ne se mesure pas au nombre de grévistes qui y participent mais plutôt aux résultats qu’elle obtient. Il est des grèves dites minoritaires qui aboutissent à des résultats positifs, dont l’ensemble des salariés bénéficient. Cela dit, la plus forte participation possible est l’une des conditions d’un compromis avantageux. Je me souviens très bien qu’en 1968, nous réclamions une augmentation du SMIG que le gouvernement et le patronat considéraient ruineuse pour l’économie nationale et catastrophique pour l’équilibre monétaire européen. Or, en moins de 24 heures et sous la
pression des 10 millions de grévistes, nous avons obtenu une augmentation de 35 % pour l’industrie et de 50 % pour l’agriculture.
HD. « La négociation est moderne, la grève archaïque. » Que répondez-vous à cela ?
G. S. Que la grève n’est pas une invention perverse du syndicalisme. Elle éclate quand l’injustice dont souffrent les travailleurs devient trop insupportable, qu’ils n’ont pas d’autre façon de réagir. Évidemment, on ne peut pas penser la stratégie de défense des travailleurs aujourd’hui comme à la naissance de la CGT, en 1895. Beaucoup de choses ont évolué. De ce point de vue, les vieilles idées selon lesquelles une bonne grève générale (dont on ne fixe même pas les objectifs) serait le meilleur moyen de se débarrasser du capitalisme sont dépassées ; Mai 68 l’a largement prouvé. Mais quand la question de la grève est posée, elle ne se pose pas uniquement aux organisations de travailleurs mais aussi au patronat. Le MEDEF envisage-t-il vraiment des relations sociales plus modernes que par le passé ?
entretien réalisé par V. Bordas vbordas@humadimanche.fr et E. Dimicoli edimicoli@humadimanche.fr
Messages
1. Georges Séguy : « La grève n’est pas une invention perverse du syndicalisme », 30 juillet 2007, 14:45
Un éclairage historique utile dans une période où se mettre en grève, pour un grand nombre de salariés représente effectivement qu’un pis aller et un sacrifice important,l’issue d’un conflit n’étant jamais connue à l’avance.
Aujourd’hui, on voit dans le privé les grèves essentiellement se déclencher lorsqu’un plan de licenciement ou une liquidation d’entreprise est mis en avant, de plus en plus rarement maintenant pour contester les décisions et orientations de gestions financières et industrielles des patrons,ou pour intervenir dans les politiques de l’emploi, notamment industriels.
Le contexte actuel, s’il semble propice à la droite qui va aujourd’hui de l’extrême droite à la droite du parti socialiste est très contradictoire et reste d’une grande fragilité sociale et politique.
La mise en avant des réalités de l’entreprise montre le glissement idéologique qu’a réussi à faire passer le patronat français, comme ailleurs en EUROPE, c’est à dire faire croire que l’entreprise et ses intérêts doivent être placé au coeur des perspectives sociales et politiques dans notre pays, que ce terrain ne peut pas être le lieu de l’affrontement entre le capital et le travail, bref un lieu neutre.
C’est l’inverse qui devrait être vrai car la satisfaction des intérêts privés n’ont jamais conduits à la satisfaction de l’intérêt général.
Vaste entreprise idéologique dont le résultat actuel à demandé plus de vingt ans de lutte de classe....à la droite pour quelle arrive à dominer idéologiquement voire culturellement et pour arrêter et déqualifier toutes les avancées sociales et démocratiques.
On verra si les attentes de transformations annoncées en termes d’emplois des salariés qui ont votés SARKO, qui se sont trouvés avoir les mêmes intérêts à défendre que les tenants du CAC 40, les actionnaires qui leur consentent des salaires de plus en plus réduits et toutes les précarités qui vont avec,arrivent à être satisfaites.
Le chemin tracé est celui d’une aggravation des inégalités,elles se votent depuis debut juillet au parlement et elles ne tarderont pas à rattraper négativement toutes celles et tous ceux qui ont crus aux boniementeurs de l’UMP et de son chef,le prince-président SARKO.
2. Georges Séguy : "La grève n’est pas une invention perverse du syndicalisme", 30 juillet 2007, 18:38
tres bon rappel historique de georges séguy .ayant vécu comme bien d’autres en tant que militant synbdical cgt et délégué la période 68 ; et d’autres plus récentes ; ce rappel et cette mobilisation contre l’atteinte au droit de grève permet de montrer aux jeunes générations que le droit de grève ; l’action de faire grève est l’acte démocratique par exellence qui a permis aux salariés par leur action de sortir de l’esclavage ; et que les acquis sociaux actuels ; remis en cause ne tombent pas du ciel .tout cela souvent au prix du sang . le fascisme stade suppème du capitalisme ; le processus est a mon avis enclenché .la bataille sera rude ; c’est d’abord une bataille culturelle a gagné . sam 82