Accueil > Grasse. "Ils ont étranglé Hakim"... Un crime ?

Grasse. "Ils ont étranglé Hakim"... Un crime ?

Publie le mercredi 8 octobre 2008 par Open-Publishing
6 commentaires

de Laurent Mouloud

Le jeune homme est mort en mai dernier, suite à une interpellation musclée de la police dans le centre-ville de Grasse. Une autopsie vient confirmer la thèse de la bavure.

"Jusqu’ici, nous n’étions pas sûrs des causes de la mort, maintenant si", assure un proche. Le mystère autour du décès suspect, le 9 mai, à Grasse (Alpes-Maritimes), d’Abdelhakim Ajimi lors d’une interpellation policière musclée s’éclaircit peu à peu. Rendu la semaine dernière, le rapport d’autopsie définitif est venu renforcer la thèse de la bavure, défendue par les proches du défunt.

Selon le comité de soutien, qui doit en révéler aujourd’hui le contenu lors d’une conférence de presse, les conclusions sont accablantes. "La mort est due à une "prolongée’’ d’oxygène, explique Walid Klai, un des membres de ce comité. En clair, les policiers ont bel et bien étranglé Hakim." Ce qui corrobore le récit des nombreux témoins qui ont assisté au drame.

Cet après-midi de printemps, Abdelhakim Ajimi, vingt-deux ans, cuisinier au chômage, vient retirer de l’argent au guichet du Crédit agricole, dans le centre-ville de Grasse. L’employé refuse, constatant que le jeune homme a dépassé son autorisation de découvert. Abdelhakim perd alors son calme, hurle sur le guichetier. Le directeur de la banque s’interpose, reçoit une gifle. « Hakim était en colère de n’avoir pu percevoir ses indemnités de chômage depuis deux mois, il a eu un comportement agressif », reconnaît sans peine le comité de soutien.

Prévenus, cinq policiers de la brigade anticriminalité (BAC) l’interpellent non loin de son domicile. L’affaire s’engage mal. Abdelhakim, malgré son petit gabarit, se débat, refuse les menottes, mord l’un des fonctionnaires. Un autre, pris dans l’empoignade, aura l’épaule démise. Finalement, les policiers parviennent à lui passer les bracelets aux poignets. Abdelhakim est plaqué au sol, sur le ventre. Un fonctionnaire le maintient avec son genou, appuyé sur la colonne vertébrale, un autre pratique une « clé d’étranglement ». Et c’est là que tout dérape.

En ce jour d’exposition de la rose, le centre-ville de Grasse est encombré par les passants. Des dizaines de personnes assistent à l’opération. Toutes affirment que les policiers ont maintenu Abdelhakim dans cette position pendant, au moins, une quinzaine de minutes. « L’enquête de l’inspection générale de la police nationale confirme cette durée », assure aujourd’hui Walid Klai. Or tout semble indiquer que le forcené a rapidement montré des signes inquiétants d’étouffement. « Il était tout bleu, n’arrivait plus à parler et demandait à respirer », explique Hassen, un des témoins. Un autre, Ludovic, affirme qu’un des policiers en a profité pour lui asséner deux coups de poing dans le ventre. L’autopsie constatera effectivement des « chocs contondants au niveau du torse ».

Finalement, Abdelhakim, inerte, sera relevé par deux policiers. « Ils l’ont pris sous les aisselles et balancé sur la banquette arrière de leur Scenic, s’agace Walid Klai. Il avait la tête en bas, derrière le siège passagers, et les pieds en l’air, contre la vitre. Même un animal, on ne le traite pas comme ça ! » À aucun moment, l’un des agents ne s’est inquiété de la situation. Pas un des pompiers, venus soigner l’épaule déboîtée d’un des policiers, n’est sollicité… Abdelhakim sera déclaré mort à 16 h 30, au commissariat. Selon la version policière, il a fait un arrêt cardiaque. L’autopsie, elle, souligne bien que la cause du décès est « mécanique » et non pas « physique ».

Cinq mois après les faits, la famille, soutenue par le MRAP et la Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), pays d’origine d’Abdelhakim, tente de relancer la mobilisation alors que la procédure judiciaire semble étrangement lente. Lancé au mois de juin, un appel pour connaître la vérité a recueilli les signatures de nombreuses personnalités. « Ce drame est révélateur du peu d’empressement de la justice lorsque des affaires mettent en cause des policiers, estime Mouloud Aounit, président du MRAP. Nous, nous ne voulons pas que ce type de bavure soit classé sans suite et renforce, au final, le sentiment d’impunité qui favorise les violences policières. » À l’heure d’aujourd’hui, les fonctionnaires mis en cause n’ont reçu aucune sanction. « Ils continuent de patrouiller dans le même quartier, s’énerve Walid Klai. On ne comprend pas… »


DERNIERE MINUTE

Aujourd’hui, le père de la victime a qualifié les faits de "meurtre" et exigé que les policiers en cause soient suspendus de leur fonction ou éloignés. "Ils sont toujours en service, comme s’ils n’avaient rien fait, même pas suspendus, même pas envoyés dans une autre ville, ça nous fait très mal", a déclaré Boubaker Ajimi, au cours d’une conférence de presse à Paris organisée par le MRAP et par la Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), qui ont lancé une pétition "justice et vérité pour Hakim Ajimi".

Le président du MRAP, Mouloud Aounit, a dénoncé "les conclusions hâtives" du préfet des Alpes Maritimes qui a annoncé, à la vue des premiers éléments, qu’il "n’y avait pas de bavure, et a mis en avant des arguments qui n’avaient rien à voir avec l’affaire". S’il n’y a pas de décision judiciaire dans les 15 jours, "un rassemblement sera organisé devant le palais de justice de Grasse", a-t-il dit, alors que l’information judiciaire est toujours en cours, n’ayant donné lieu à ce jour à aucune mise en examen.

Mercredi, le procureur adjoint de la République de Grasse (Alpes-Maritimes), Jean-Louis Moreau, a indiqué qu’au vu des résultats des analyses anatomo-pathologiques, "on a l’impression qu’il y a peut-être eu de la part des gardiens de la paix une mauvaise prise en compte des règles qu’ils appliquent normalement pour maîtriser les gens quand ils se rebellent".

"La durée de la maîtrise a peut-être aussi été trop longue", a-t-il ajouté. "Ceci correspondrait à une imprudence, je parle au conditionnel. C’est aux juges de décider d’une éventuelle mise en examen des policiers en cause pour homicide involontaire", a-t-il poursuivi.

Cette déclaration a été qualifiée "d’irresponsable" par Mouloud Aounit, qui va demander à être reçu par la ministre de la Justice, Rachida Dati.

http://www.humanite.fr/Grasse-Ils-o...

Messages

  • S’il vous plait, ne plus utiliser le mot "BAVURE" : celui est utilisé par le pouvoir pour minimiser un CRIME HORRIBLE.

    En effet, la "bavure" est une "erreur" (les amerloques ont très bons, eux ausi, en "erreurs de tir" qui font des morts.), une "erreur" commise par quelqu’un de maladroit, certes, mais sans mauvaises intentions.

    Allons ! Les "mauvaises intentions" sont visibles tous les jours. Les meutres, les humiliations, les indimidations, sont beaucoup trop fréquentes pour laisser à penser qu’il y a tant de "maladroits" qui font des "bavures".

    Mot, une fois de plus, infantilisant, qui tend à entraîner le "pardon", à l’égard du "petit" qui apprend, maladroitement, à tracer des lignes BIEN DROITES, elles. BIEN DROIT est contenu dans le mot "bavure", et tend à suggérer que la police, dans notre dictature est, en général, BIEN DROITE.

    Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais... on dirait pas, quoi.

  • La police assassine en toute impunité... et quand il y a enquête, c’est la police qui la fait...

    No comment !

    • C’est vrai, dans ce pays, les policiers qui tuent ne sont jamais inquiétés : je suis d’accord, il ne faut pas employer le mot bavure mais bien plutôt celui de crime .
      La justice doit faire son travail mais Molière a toujours raison : suivant que tu seras puissant ou misérable...On peut ajouter, suivant que tu seras Blanc ou bronzé...La justice ? Oû ça ? Quand ça ?

  • "La durée de la maîtrise a peut-être aussi été trop longue"...

    Le procureur de Grace n’a sûrement pas conscience qu’il parle d’un être humain qui est mort dans des circonstances provoquées par cette "maîtrise".

    Peut-être devrait-il tenter une expérience in vivo. Une maîtrise de sa propre personne, au niveau du cou, programmée sur durée de 15mn, avec coefficient de pression déterminé pour maîtriser, par un des personnels habilité à.

    Cela me semble être un modèle heuristique d’expérimentation à protocole sécurisant. S’il le procureur en sort vivant, sa thèse sera validée.

    Soleil Sombre

  • archiver ces affaires pour les jours ou la france des droit de l’homme la vrais sera de retour.il aura une justice un jour sur et certain

    • Evitons de s’emballer ! Un crime ? Un crime est un acte intentionnel. S’il s’agit d’un meurtre, on tue sans préméditation mais avec l’envie de tuer. En cas d’assassinat, on tue avec préméditation. Dans le cas de Grasse, les policiers ont ils tué avec ou sans préméditation ? Ont ils eu envie de tuer ?
      Croyez vous qu’un fonctionnaire de la bac, qui a souvent une famille (une femme, des enfants...), aille à son boulot en se disant qu’il tuerait bien quelqu’un ? Qu’il tue en pensant réellement que cela est anodin et très facile pour un policier en France ? quand on voit que des policiers sont revoqués ou suspendus chaque année pour des affaires bien moins importantes...

      Non, il n’y a pas eu envie de tuer. Il n’y a pas eu crime. Mais, si l’autopsie et l’enquête le confirme, il y a eu peut être négligence grave ayant entraîné la mort d’un jeune homme. Si c’est la cas, il ne faudra pas pardonner le geste mais il faudra le comprendre. Il faudra se battre pour que justice soit faite.

      Mais il faudrait arrêter d’utiliser certains mots hors de leur contexte comme Crime ou Rafle. Ces mots ont des significations précises et une historicité propre qui n’est pas toujours comparable à l’utilisation que l’on veut en faire aujourd’hui. Or, jusqu’ici, c’est le capitalisme qui a su détourner le sens des mots pour mieux nous contrôler. Notre rôle, c’est redonner du sens à la société, à la politique, à la citoyenneté et donc aux mots.

      Crier sa haine sur la police, comme exutoire, défouloir sur un capitalisme meurtrier (car lui tue en connaissance de cause comme par exemple en empêchant sciemment l’accès aux médicaments et traitements en Afrique ou en Asie), c’est quelque part compréhensible. Mais être de gauche, c’est d’abords raisonner et ne pas se laisser piéger par l’affect. Laissons cela à la droite.

      Raisonnons. Comprenons les mécanismes qui ont pu conduire à une telle situation (pourquoi Hakim était dans une situation sociale qui l’a conduit à cette violence à la banque ? pourquoi la banque n’a t elle pu rien faire ? pourquoi les policiers ont agi ainsi ? pourquoi la justice semble t elle si hésitante sur ce dossier ? etc.). C’est comme cela que nous avancerons.