Accueil > Grève : gare à la suite
Après la journée de manifestations d’hier, les syndicats exigent l’ouverture de négociations sur la réforme des régimes spéciaux.De nouvelles grèves étaient annoncées à la RATP et à la SNCF.
de Delporte Christian, Libération du 19 octobre 2007
Conflit dur et prolongé (comme en 1995), forte mobilisation en annonçant d’autres ou baroud d’honneur des syndicats ? Tout semblait possible au soir d’une journée de grève annoncée réussie avant même qu’elle commence. On avait même assisté à un scénario assez exceptionnel dans l’histoire du mouvement social. Le ministre du Travail lui-même, Xavier Bertrand, avait prédit dès le 14 octobre une grève si puissante qu’elle immobiliserait quasiment tous les trains de France, les bus et les rames de métros parisiens. Manière, peut-être, d’amortir par anticipation l’effet de la protestation collective et de délivrer un message : de toutes façons, le gouvernement ne reculera pas (Libération d’hier).
Le ministre a vu juste. Avec 73,5 % de grévistes à la SNCF, le taux de mobilisation des cheminots, hier, était supérieur à celui du mouvement de 2003 sur le régime de la fonction publique (62,4 %) et même à celui de novembre-décembre 1995 sur les régimes spéciaux (67 %). De même, avec plus de 50 % de grévistes, la grève était considérée comme un succès à la RATP ou à EDF. Quant aux 130 manifestations, partout en France, elles confirmaient le refus massif de la réforme initiée par le pouvoir en place depuis cinq mois.
Etape. Bref, pour les syndicats, cette journée du 18 octobre est une formidable démonstration de force. C’est même le problème. Car la question se pose : que faire d’un tel succès ? Faut-il, comme le préconise la CGT, brandir la menace de nouvelles mobilisations, plus fortes encore, élargies à d’autres catégories de salariés, pour contraindre le gouvernement à négocier ? Ou mieux vaut-il profiter de l’« effet 18 octobre » en se lançant dans une grève reconductible jusqu’à satisfaction, comme le prônent l’Unsa (Union nationale des syndicats autonomes) et Sud ?
Dans cette affaire, le syndicat de Bernard Thibault est en première ligne. Organisation leader à la SNCF (35,3 % des agents de conduite) et à la RATP (36,9 %), la CGT est sous la pression des syndicats minoritaires et sait que certains de ses membres sont prêts à les suivre dans une grève dure. Elle n’ignore pas non plus que l’opinion ne semble pas prête à appuyer un mouvement jugé par trop catégoriel. C’est bien là-dessus que joue le gouvernement. D’où l’obstination de Bernard Thibault à généraliser les revendications et à prévenir que l’atteinte aux régimes spéciaux n’est qu’une étape sur le chemin d’une réforme globale des retraites en 2008 qui, elle, touchera tous les Français. Gagner l’opinion est un enjeu majeur pour le mouvement, car elle priverait Sarkozy de son principal argument.
Bras de fer. Et dans l’immédiat ? La durée de cotisation est « quelque chose sur lequel on ne peut pas céder », a déclaré Laurent Wauquiez, le porte-parole du gouvernement. Néanmoins, hier, le ministre du Travail affirmait : « La grève n’interdit pas le dialogue », expliquant même qu’il était prêt à rencontrer les organisations syndicales la semaine prochaine. « Rencontrer » mais pas « négocier ». La nuance n’a pas échappé aux leaders syndicaux. « J’espère que Xavier Bertrand aura quelque chose à annoncer, notamment sur le passage à 40 années de cotisation qui passe mal auprès des salariés », a déclaré hier Jean-Claude Mailly, patron de FO. Une rencontre, oui, mais pas pour « nous réexpliquer une réforme avec laquelle nous sommes en désaccord », confirmait Bernard Thibault. On attend la réponse de Xavier Bertrand.
En fait, la nature et la qualité du dialogue – si dialogue il y a – dépendront beaucoup du comportement des grévistes eux- mêmes et de la base de la CGT. Que vont-ils faire de leur succès sur le terrain ? Comme prévu, Sud et l’Unsa poursuivent seul la grève à la RATP, où ils rassemblent 28% des agents. La régie espère atteindre 50 % de rames dans la soirée. Mais le point sensible est la SNCF, où le trafic redeviendra normal après 16 heures. Déjà, hier, un bras de fer était engagé entre Sud-Rail et CGT-cheminots, le premier annonçant la reconduction dans la plupart des dépôts, la seconde fustigeant des AG ultra-minoritaires auxquelles elle ne participait pas. A Chambéry, par exemple, la grève était reconduite par 78 voix contre 26. Réplique cinglante d’Antoine Fatiga, responsable local de la CGT : « Il y a 2000 cheminots à Chambéry ; on ne peut pas décider de la grève avec une assemblée aussi peu nombreuse. » Aujourd’hui, les AG de grévistes risquent d’être chaudes.
Messages
1. Grève : gare à la suite, 19 octobre 2007, 11:56
Bonjour,
Je ne sais pas s’il faut poursuivre la grève mais je suis étonné que la CGT ne participe pas aux assemblées générales des grèvistes, au minimum pour défendre leur position. Ce geste élémentaire de démocratie et d’efficacité serait-il remis en cause ?
Les reculs sont déjà en cours, la CGT Isère sur les retraites des régime spéciaux ne parle pas de la durrée des cotisations à 37,5 ans. Cette perte subite de cette revendication est-elle un hasard ?
Daniel Dauphiné.