Grèves : la gauche aux abonnés absents ?

de Olivier Mayer

Social . "La gauche est inaudible…" La remarque est omniprésente dans les médias, banalisée. Quelle réalité recouvre-t-elle ?

Quand on entend "la gauche", on pense d’abord (et souvent exclusivement) "le PS". Alors, le PS inaudible ? "Les cheminots ont très bien entendu Manuel Valls", rétorque Gérard Mazet, syndicaliste CGT à la gare d’Austerlitz et militant communiste cheminot. Le député socialiste de l’Essonne avait déclaré, durant le conflit : "Il faut harmoniser les régimes spéciaux sur les 40 années de cotisation de la fonction publi- que." "Nous aurions gagné en clarté à le dire il y a quelques mois pendant la campagne électorale", avait-t-il ajouté.

Une position originale au sein du PS ? "Pour le PS, l’allongement de la durée de cotisation n’est pas un tabou", déclarait en octobre Jean Le Garrec, le "Monsieur retraite" du PS. De longue date, François Hollande et la plupart des dirigeants socialistes multiplient les déclarations en ce sens. "Le futur n’est plus à la diminution uniforme du temps de travail, mais à son organisation sur toute la vie professionnelle et à la prise en compte de la pénibilité des tâches et des métiers", affirmait le premier secrétaire du PS lors de l’université d’été de La Rochelle.

C’est « le discours de la méthode » que tient le PS, critiquant la gestion de la grève par le gouvernement plutôt que le contenu de la réforme elle-même. Son « soutien aux grévistes » n’a été accordé que du bout des lèvres. « Pourquoi ne disent-ils rien, alors que leur devoir est d’être solidaires ? Franchement, cela me pose un problème », déclare de son côté Jean-Luc Mélenchon en évoquant les « présidentiables » Ségolène Royal et Bertrand Delanoë. Le leader de PRS estime que cette absence fait le jeu de Besancenot.

Le porte-parole de la LCR est présenté dans des médias comme « le héros de la grève ». On ne lit ou n’entend plus son nom qu’accolé à l’affirmation qu’il « talonne Ségolène Royal dans les sondages » alors qu’il n’y est crédité que de 7 %. Olivier Besancenot n’est pas le seul dirigeant de gauche présent dans les manifestations, et les militants de la LCR sont dans le mouvement mais n’y pèsent pas de façon importante. C’est surtout l’absence de réponse du PS et la campagne médiatique en faveur de son porte-parole qui ouvrent à la LCR un espace politique. Elle s’y engouffre en offrant, autour d’Olivier Besancenot, la perspective de la création d’un nouveau « parti anticapitaliste » après les municipales.

Quant au Parti communiste, il partage les critiques des syndicats sur la réforme et avance des propositions pour assurer l’avenir du système des retraites et son financement. Il a tenté sans y parvenir d’entraîner le PS sur une position de soutien plus ferme aux grévistes. « On sent combien le PS diverge avec nous, note Olivier Dartigolles, le porte-parole du PCF. Nous sommes incapables de travailler ensemble ne serait-ce qu’à démystifier la politique de Sarkozy. » Refusant de s’enfermer dans une posture exclusivement protestataire comme le fait la LCR, et cherchant à rassembler la gauche sur une position combative, le PCF se heurte à l’orientation d’un PS de plus en plus tenté par une « rénovation » vers le centre. Il n’a, à ce jour, trouvé ni le chemin ni les forces pour surmonter cet obstacle. Dans cette difficulté, le Parti communiste est pourtant loin d’être absent du terrain. Parmi les grévistes et vers l’ensemble des salariés, les communistes ont diffusé des dizaines de milliers de tracts durant tout le mouvement. À Paris, c’est une véritable campagne qu’engage la fédération. « Il faut se bouger pour montrer qu’après les municipales, c’est tout le monde qui va trinquer sur les retraites », explique Patrice Bessac, le dirigeant parisien du PCF. Dans les entreprises en grève, les militants interviennent. « Les questions de la retraite sont des questions de société et sont prises comme telles par les cheminots, explique Gérard Mazet. Nous menons le débat sur le contenu d’une autre réforme de la retraite, sur le financement mais aussi sur les perspectives politiques. Et sur le terrain, chez les cheminots, nous sommes la seule force politique à être présente. »

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