Accueil > Guantanamo Bay, devenue partie émergée de l’iceberg
Guantanamo Bay, devenue partie émergée de l’iceberg
Publie le dimanche 8 janvier 2006 par Open-Publishing1 commentaire
Par Michel Porcheron
Il est vraisemblable que ce qui s’est passé et se passe réellement
dans l’enceinte de la base américaine de Guantanamo Bay depuis un
certain nombre d’années restera longtemps encore inconnu de toute
mission autorisée à y « enquêter ». De cet enfer, on ne connaît que
certes, un certain nombre de révélations, de tragiques découvertes
ont braqué les projecteurs sur ce qui se fait de mieux, dans le monde
entier, en matière de tortures, d’humiliations de prisonniers, de
châtiments d’innocents ou d’exactions en tout genre.
Non seulement aucune instance aujourd’hui n’est en mesure de faire
fermer les prisons de Guantanamo, aucun tribunal ne siègera pour dire
que toutes les formes de justice y ont été bafouées en toute impunité
par les autorités américaines, mais on a assisté ces semaines
dernières à une nouvelle escalade dans l’inconcevable : il est
maintenant avéré que les Etats-Unis et la CIA ont utilisé le
territoire européen pour créer clandestinement au moins huit prisons
Guantanamo bis (dits « centres de détention ») et violé un espace
aérien qui va de la Suède à Djibouti en passant par les Baléares, les
Iles Canaries, l’Egypte, la Roumanie ou la Thaïlande, effectuant
selon der Spiegel quelque 600 vols de transports de prisonniers et
leurs tortionnaires. Dans un premier temps, Amnesty International en
avait répertorié 427.
Depuis leur décision unilatérale d’envahir et occuper militairement
l’Irak, Washington, bafouant au passage l’ONU, puis les conventions
de Genève, s’est placé, avec une sérénité et une arrogance
incomparables, au dessus des lois internationales. La chasse aux
terroristes supposés, dès les lendemains des sauvages attentats du
Word Trade Center, a provoqué un embouteillage de détenus pour
lesquels les autorités américaines ont mis au point un nouveau
dispositif, toujours aussi illégal : l’externalisation. « Dès le
début, Guantanamo avait été placé hors de la juridiction américaine.
Il fallait surtout que le crime soit commis ailleurs, là où les lois
des Etats-Unis sur le sort des prisonniers politiques ne pouvaient
formellement s’appliquer », a écrit le journaliste français Jacques
Coubard (L’Humanité Hebdo, 10 décembre 2005).
La base américaine de Guantanamo est et restera une zone de non
droit, même si les Américains font semblant de temps à autre de tenir
compte d’opinions outragées de leurs « amis » européens. Abou Ghraïb,
de triste mémoire, n’est plus celle qu’elle était, mais d’autres Abou-
Ghraïb fonctionnent à plein régime. Loin de l’élégante Boston, loin
de la douce Californie, loin du Texas et du ranch présidentiel.
Guantanamo n’étant plus « opérationnel » comme à ses débuts, quelques
secrets ayant été éventés, George W. Bush décida une délocalisation
d’envergure pour poursuivre d’autres basses besognes, où c’est juré,
on ne « torture pas », mais où on pratique « l’interrogatoire
agressif », pour reprendre un terme euphémique de Condolezza Rice
dont la dernière tournée en Europe a été une manipulation de haute
voltige.
La journaliste américaine Dana Priest qui révéla la première
l’existence de ce réseau mondial de « sites noirs » pour le
Washington Post, a fait savoir qu’on lui a demandé de ne pas citer
les noms des pays européens impliqués. Selon Human Right Watch (HRW),
la Pologne et la Roumanie (qui ont démenti, sans convaincre) et un
état balte abriteraient ces camps up to date.
Les prisonniers étaient envoyés en Egypte, en Syrie (?). Selon
Jacques Coubard, les avions de la CIA (très vraisemblablement
camouflés en avions privés, avec donc des plans de vols autorisés) «
livraient aussi les corps à mutiler en Thaïlande, au Maroc (ils
démentent également) en Indonésie, en Afghanistan, dans les Emirats,
en Arabie Saoudite et en Grande Bretagne ».
Il est généralement admis que quelques unes de ces prisons d’un autre
type ont été quelque peu nettoyées peu avant l’arrivée de l’envoyée
très spéciale de M. Bush. Leurs locataires auraient été concentrés
dans le désert d’un pays d’Afrique du nord. HRW avance le chiffre
d’au moins 26 « prisonniers fantômes » ainsi déplacés. Des «
desaparecidos » dont on n’a aucune nouvelle.
Toujours est-il que le « charme » de la secrétaire d’Etat aussi
sémillante que psycho- rigide, a joué sur ses interlocuteurs
européens. Au point que les 25 ont semblé passé l’éponge, alors que
des parlementaires ont exigé des commissions d’enquête, qui ont
toutes les chances de ne pas aboutir.
Tout cela n’est que péripéties, ont estimé la Commission de Bruxelles
et le Conseil européen, ménageons nos amis américains, on ne va tout
de même pas sacrifier la sacro-sainte Alliance Atlantique sur l’autel
de quelques principes moraux.
Mme Rice qui n’a rien cédé, qui n’avait pas l’intention de dissiper
le moindre malaise européen, a même été félicitée, lors d’une réunion
de l’OTAN, le 7 décembre, par le ministre néerlandais des affaires
étrangères, M. Bernard Bot, « très satisfait des explications » (!)
de son ami Condi. Quant à M. Frank Steinmeier, son collègue allemand,
il a tout bonnement été impressionné par « la bonne déclaration » de
son homologue américaine.
Mais il faudra bien un jour faire la lumière sur au moins dix
escales « suspectes » en Espagne (Baléares et Canaries) jusqu’en
janvier 2005. En France le titulaire actuel du Quai d’Orsay, M.
Douste-Blazy a confirmé que « deux plans de vols » avaient été
déposés mais qu’il ne possédait « aucune information » sur la nature
de ces vols. On sait que ces deux avions ont fait escale l’un à Brest
(ouest de la France) venant d’Islande et l’autre à Paris- Le-Bourget,
venant d’Oslo. Au Portugal, le Diario de Noticias vient de révéler
que depuis 2002, près de 60 avions de la CIA ont fait escale dans le
pays, le dernier...le 28 novembre dernier.
Il était logique que la Grande Bretagne serve de plateforme pour ces
avions fantômes. Plus de 200 depuis septembre 2001 ou ont survolé le
pays ou fait escale, selon des sources concordantes.
Selon le Washington Post, dans ce réseau de prisons secrètes, une
centaine ou plus de terroristes présumés ont « disparu », « comme
s’ils avaient été engloutis par une dictature du tiers-monde ». Une
trentaine de prisonniers parmi les plus importants sont gardés dans
des lieux de détention clandestins « établis dans plusieurs pays
d’Europe de l’Est ».
Mais il faut revenir à la maison mère, Guantanamo, même si selon
l’expression de l’avocat britannique Clive Stafford Smith «
Guantanamo n’est que la partie émergée de l’iceberg ». Fin novembre,
la journaliste Sara Daniel (Le Nouvel Observateur, n°2142), a raconté
la tragédie vécue à Guantanamo par Bader Zaman, où il a été détenu
durant deux ans et quatre mois, avant d’être totalement blanchi. Pour
cet ancien journaliste pakistanais de 35 ans, qui vit aujourd’hui à
Peshawar, « livré et vendu » aux Américains par les services secrets
de son pays, « moins de 20% des détenus qui se trouvent actuellement
dans la prison américaine de Guantanamo Bay sont de véritables « bad
guys » ou des responsables talibans, comme le mollah Fazel ».
Lorsqu’il est arrivé à Guantanamo, en mai 2002, Bader a été placé en
isolement pendant plus d’un an. Bader Zaman a un seul bon souvenir de
Guantanamo : c’est l’arrivée dans la cellule voisine de la sienne de
son ennemi mortel, celui qui avait servi d’intermédiaire auprès des
services secrets pakistanais pour le vendre aux Américains, qui était
bien, lui, un proche d’Al-Qaida. « Ce jour-là, j’ai compris qu’on
m’avait cru. Que je pouvais espérer quitter cet enfer ».
Le centre de détention de Guantanamo compte 500 détenus qui ont été
pour la plupart capturés en Afghanistan à l’automne 2001. Les sept
Français ont tous été relâchés et cinq d’entre eux ont été incarcérés
à leur arrivée en France. Le « goulag de notre époque », selon la
formule choc utilisée par Amnesty dans son rapport à propos de
Guantanamo, est la honte du gouvernement de M. George W. Bush.
Un autre détenu de Guantanamo n’a pas eu la chance de Bader Zaman. Il
s’appelle Mohammed El Gharani, il est d’origine tchadienne. Quand il
fut arrête sans raison et toujours au Pakistan, où il était venu
chercher du travail, il avait 14 ans...Quatre ans plus tard, il croupit
toujours à Guantanamo. C’est Annick Cojean (Le Monde 2, 19 novembre)
qui a recueilli sur lui le témoignage de Me Stafford Smith, 46 ans,
qui a pris la décision de défendre une quarantaine de prisonniers, en
particulier les plus jeunes. Elle consacre sept pages à son
emprisonnement, sa mise au secret et tout ce qui va avec, c’est-à-
dire coups, humiliations, tortures. Aujourd’hui Mohammed a juste 19
ans. Il avait été transféré de Kandahar, en Afghanistan à
Guantanamo, « enchaîné, bâillonné, cagoulé et drogué ».
Enfin au moins deux interrogations sont troublantes. Pourquoi le
ministre de la Défense américain, Donald H. Rumsfeld, refuse-t-il de
laisser les enquêteurs de la Commission des droits de l’homme de
l’ONU rencontrer les prisonniers du camp de Guantanamo Bay ? A-t-il
peur que de nouvelles révélations sur le traitement des prisonniers
étrangers hors de tout cadre juridique aggravent l’énorme discrédit
déjà jeté sur les Etats-Unis ?
Et puis, pourquoi les militants d’Al-Qaida n’ont-ils pas été
interrogés et jugés soit par des tribunaux américains, soit par une
cour martiale ? Mais il est vrai qu’alors les accords de Genève les
auraient sauvés de la torture et d’autres traitements cruels, comme
l’expose le Washington Post. « Si M. Bush avait pris cette option,
les scandales qui ont éclaté à la suite des abus à Guantanamo Bay
comme en Afghanistan et en Irak auraient pu être évités ».
Alors que Oussama Ben Laden court toujours, les principaux acteurs
des attentats du 11 septembre 2001, comme Khalild Cheik Mohammed et
Ramzi Binalshibh, auraient pu être jugés et leurs crimes dénoncés à
la face du monde. Au lieu de quoi, depuis quatre ans, pas un seul
dirigeant d’Al-Qaida n’a été traduit en justice. Pourquoi ? (mp, 22
décembre)
http://www.granma.cu/frances/2006/enero/vier6/guantanamo-f.html
Messages
1. > Guantanamo Bay, devenue partie émergée de l’iceberg, 10 janvier 2006, 00:47
Info suisse trouvée sur journal cubain :
http://www.prensa-latina.cu/article.asp?ID={10681996-135C-4462-8125-787151E9EEAE}&language=ES
Suiza interceptó documento sobre cárceles secretas de la CIA
(la Suisse intercepte un document sur les prisons secrètes de la CIA)
Berna, 9 ene (PL) El escándalo sobre las cárceles secretas de la CIA en Europa se renovó hoy tras publicar el diario SonntagsBlick que los servicios secretos suizos interceptaron un documento sobre la existencia de esas prisiones en Europa.
(Berne le 9 Janvier. Le scandale des prisons secrètes de la CIA est révéillé aujourd’hui de part un article du SonntagsBlick disant que les services secrets suisses ont intercepté un document sur l’existence de ces prisons en Europe)
...
De acuerdo con el texto, la Agencia Central de Inteligencia norteamericana también disponía de centros carcelarios similares en Ucrania, Kosovo, Macedonia y Bulgaria.
(selon cet article la CIA dispose de ce genre de prisons en Ukraine, Kosovo, Macédoine et Bulgarie.)
Enjoy :-)