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Guerre en Ossétie du Sud : l’analyse du député européen Giulietto Chiesa
Publie le mardi 19 août 2008 par Open-Publishing1 commentaire
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Guerre en Ossétie du Sud : l’analyse du député européen Giulietto Chiesa
Published on août 19, 2008 par GeantVert
Nous publions ici une interview du député européen Giulietto Chiesa pour le quotidien communiste italien Liberazione dans laquelle il revient sur les évènements en Ossétie du Sud. Chiesa nous présente une analyse radicalement différente de la propagande délivrée par les grands médias en France et dans autres pays atlantistes. En effet pour lui, ce conflit s’inscrit dans une logique de tension entre les USA et la Russie, au travers des pays de l’ex-URSS devenus têtes de ponts pour l’OTAN. Giulietto Chiesa invite les Européens à se démarquer de la stratégie de guerre perpétuelle engagée par les Etats-Unis pour l’hégémonie militaire mondiale, qui s’est accélérée depuis les évènements du 11 septembre 2001.
Saakashvili a commis une grave erreur politique
Interview de Giulietto Chiesa par Liberazione, publié sur mondialisation.ca le 12 août 2008
La Russie a agressé la Géorgie. C’est ce que dit le président Saakashvili, ainsi que les nouvelles qui nous arrivent quotidiennement. Mais Giulietto Chiesa, qui connaît très bien la Russie, son histoire, celle d’un empire qui s’appelait URSS, nie résolument. Il est allé en Ossétie cette année, où il a de nombreux amis, et suit tous les jours les journaux télévisés russes.
Sommes-nous devant la énième bourrasque médiatique ? Quelque chose qui rappelle les tristes armes de destruction massive « découvertes » en Irak ?
Cette information est fausse, on ne doit pas y croire. Les Russes n’ont rien occupé du tout, ils se sont postés sur la ligne de l’accord de 1992 de Dagomys et ils n’ont aucune intention de sortir de ces positions là.
Que se passe-t-il alors ?
Comme les Georgiens continuent à bombarder les centres d’Ossétie du Sud, les Russes évidemment doivent empêcher ces bombardements et ils iront survoler les points de concentration des troupes géorgiennes en dehors de la frontière d’Ossétie du Sud. Ne nous voilons pas la face. Il s’agit ici d’une guerre déclarée contre une population de moins de 100000 habitants, attaqués de sang froid. Fait absolument inexplicable si ce n’est par une opération politique de provocation.
Provocation dans quel objectif ? Et pourquoi maintenant ?
Le président Saakashvili a déclaré : « Nous intervenons pour rétablir l’ordre constitutionnel ». Cette phrase est une confession, parce que l’ordre constitutionnel que le président voudrait rétablir en Géorgie n’existe pas depuis 1991, depuis que l‘Ossétie du Sud s’est déclarée indépendante au moment même de la déclaration d’indépendance de la Géorgie vis-à-vis de l’Union soviétique. Quel ordre constitutionnel veut-il reconstruire ? N’importe qui comprend que cette histoire ne tient pas debout. Il y a eu des massacres de milliers de civils, 70000 personnes sont en fuite sur une population de 100000. Que devait faire la Russie, retirer ses troupes ? La Russie est là sur la base d’un accord politique signé aussi par la Géorgie, ce qui explique qu’il y avait des forces d’interposition. Se retirer alors qu’une grande partie de ces 100000 individus, tous citoyens russes (parce que pendant cette période ils ont demandé et obtenu la citoyenneté russe), ne veulent pas rester sous la juridiction géorgienne… Mais passons. Il s’agit d’une opération politique entièrement construite par les Etats-Unis.
Pourquoi justement maintenant ?
Pour créer un état de guerre en Europe. C’est l’unique réponse politique à cette situation. Le contexte est très simple : la Géorgie veut entrer dans l’OTAN demain et dans l’Union Européenne après-demain. Comme elle considère qu’elle a cette chance à portée de main, elle force les événements. Je crois que le calcul a été une erreur, peut-être pourra-t-elle entrer dans l’OTAN, mais il est certain qu’en Europe… faire rentrer un pays qui est en conflit avec la Russie…
La Russie n’a pas accepté la proposition de trêve européenne.
La Russie s’arrêtera quand les Géorgiens quitteront le territoire qu’ils ont occupé. Medvedev l’a répété aujourd’hui (11 août, NDT) : nous porterons l’opération jusqu’à sa conclusion logique. La thèse selon laquelle la Géorgie est occupée par la Russie est un mensonge éhonté. Il n’y a pas eu une seule attaque, une seule bombe sur des villes géorgiennes.
Pourtant on voit arriver des images de guerre…
Les images qui arrivent viennent de Tskhinvali et de la zone d’Ossétie du Sud. Regardez la carte, même si elle est un peu compliquée.
Reste le fait que cette guerre nous a pris à l’improviste, à part quelques observateurs attentifs de la politique de l’ex-empire…
Oui, disons que nous sommes tous un peu distraits. Je savais que la guerre allait commencer, j’ai même écrit un long article sur La Stampa. Il n’y a pas l’ombre d’un doute : il y a eu une erreur d’évaluation de la part de la Géorgie et des Etats-Unis. Ils ont attaqué en pensant que Poutine et Medvedev auraient laissé faire comme ça a été le cas de nombreuses fois pendant cette décennie. Mais la Russie n’est plus la même qu’il y a dix ans, ni celle de 1999. La Russie est un grand pays, puissant, qui a en main toutes les ressources cruciales pour l’avenir. Qui n’a plus de dettes extérieures ; c’est un pays qui a reconquis le sens de sa dignité nationale. Après on peut discuter sur le fait qu’il y ait ou pas de démocratie… mais ça n’a rien à voir ici. Selon moi Saakashvilli a commis une terrible erreur politique. Maintenant les Russes ne bougeront plus de là où ils sont, ils resteront sur la frontière établie par les accords de Dagomys, ils protègeront l’Ossétie du Sud ; Poutine a déjà déclaré qu’il dépensera 10 milliards d’euros pour reconstruire Tshinvali, et il le fera.
Revenons à l’Europe. Que faire, comment trouver une issue ?
L’Europe doit tout simplement décider si elle est du côté des Américains ou si elle veut éviter une nouvelle guerre froide avec la Russie. Je m’explique : avoir en son sein des pays comme l’Ukraine et la Géorgie, fondamentalement multiplicateurs, avec lesquels les USA introduisent avec force en Europe leurs vassaux comme avec la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie, tous pays qui travaillent en Europe contre l’Europe en faveur des USA, cela veut dire créer une situation de guerre avec la Russie. L’Europe doit décider si elle veut changer de politique. A partir de là la Russie ne se retirera plus d’aucun des fronts de tension qui ont été crées autour d’elle : ni de l’Ukraine, -et si on essaie d’amener l’Ukraine dans l’OTAN elle brisera l’Ukraine- ni d’Ossétie, et si on essaie de prendre l’Ossétie par la force la Russie interviendra pour la défendre. La diplomatie ne peut faire qu’une chose, réaliste : dire aux Géorgiens de revenir sur leurs positions précédentes.
N’y a-t-il pas aussi des raisons économiques importantes. Par exemple le pétrole ?
Non. J’ai lu des idioties retentissantes là-dessus, comme par exemple que les Russes n’ont pas bombardé le pipe-line. Bien sûr ! Le pipe-line est complètement en dehors de cette zone d’intérêt et c’est la preuve manifeste qu’ils sont en train de rester dans les limites du retour à la ligne précédente. S’ils avaient voulu bombarder, ils auraient bombardé Tbilissi. Il n’y a pas la moindre preuve d’une intervention militaire russe en dehors des frontières d’Ossétie du Sud.
Les médias semblent s’être radicalement rangés du côté de la Géorgie. Ou non ?
Je trouve que le comportement des médias internationaux est une honte, à l’échelle mondiale. Ce devrait même être le signal d’alarme qui nous montre comment nous pouvons tous être entraînés dans la guerre avec une falsification générale des choses.
Notes : Voir aussi le site de Giulietto Chiesa
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Messages
1. Guerre en Ossétie du Sud : l’analyse du député européen Giulietto Chiesa, 20 août 2008, 14:37, par zoumy
super article sur ce sujet dans Télérama de ce jour de
Jean Radvanyi les clés du conflit en Géorgie
A lire pour comprendre les enjeux