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HADOPI ennemie de la LOPPSI, elle-même ennemie de la police

Publie le lundi 25 janvier 2010 par Open-Publishing

de Marc Rees

Les poupées rusent

Les premiers amendements parlementaires destinés à corriger la LOPPSI ont été publiés ce matin. La liasse comprend pour sa première partie 91 pages. Le texte de la LOPPSI, examiné dès le 9 février, est d’importance comme on pourra le (re) voir dans notre dossier. Pour le seul secteur des nouvelles technologies, citons le blocage des sites pédophiles, les chevaux de Troie de la police, le fichier d’analyse sérielle, etc. A document radical, amendements radicaux.

Plusieurs amendements s’attaquent à ce qui peut paraître comme inattaquable : le blocage des sites pédophiles. Mais les arguments ne manquent pas. Les députés Braouezec et Vaxès font valoir que : « le dispositif prévu ne traite du problème de la pédopornographie qu’à la marge et ne permet nullement de réduire la pédopornographie en elle-même (les criminels faisant subir ces crimes aux enfants, produisant et diffusant ces images ne sont en aucun cas inquiétés par le [blocage]). Tout au plus permettra-t-il de cacher aux internautes le phénomène et sa progression alarmante, à moindres frais pour l’Etat ».

Le blocage va aggraver la diffusion d’images pédopornographiques

Le risque est cependant là, vif, présent : c’est celui « d’aggraver le phénomène de la diffusion d’images à caractère pédopornographique et de rendre plus difficile encore le travail des différents offices engagés dans la lutte contre ce fléau : les criminels qui se rendent coupables d’actes de pornographie infantile et/ou diffusent ces contenus et les visionnent contourneront sans difficulté les mesures de filtrage en utilisant des méthodes d’anonymisation et de cryptage des données transitant par les réseaux de communication au public en ligne, et seront ainsi, paradoxalement, mieux protégés ». Ou comment l’interdiction de voir rend le travail de la police nettement plus pénible.

Les parlementaires auteurs de cet amendement demandent donc de consacrer au contraire plus de moyens à la lutte contre les criminels (auteurs des crimes, diffuseurs, détenteurs, ou simples « consommateurs » de ces images), « plutôt que de protéger les internautes, le risque de tomber « par hasard » sur ce type d’images étant presque inexistant », alors qu’il s’agit de la raison première de ce blocage.

Affirmer le rôle du juge et l’obligation de moyen dans le blocage

Dans la version actuellement en vigueur au Parlement, le blocage sera entre les mains d’une autorité administrative. On sait cependant que le passage devant le juge est quasiment acté. Néanmoins, plusieurs précautions valent mieux qu’une.

Des députés, dont Lionel Tardy, demandent à ce que seul le juge puisse décider une suspension d’accès. C’est là l’effet de la décision HADOPI du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009. Lionel Tardy encore estime que « la loi ne peut pas se contenter d’ordonner un blocage de l’accès à certains sites internet sans indiquer aux FAI quelles techniques ils peuvent utiliser. Il faut que l’obligation qui pèse sur eux soit une obligation de moyens, et pour cela, il est nécessaire de lister les moyens qui peuvent être mis en œuvre. »

Risque de surblocage

Braouezec et Vaxès notent pour leur part que la publication de la liste noire des sites n’est pas obligatoire dans la LOPPSI. C’est une erreur selon eux : « les soupçons de censure arbitraire seront dès lors fondés », d’autant que les technologies en vigueur font état de risque de sur-blocage arbitraire « sans qu’aucun recours des auteurs des sites ne soit prévu par le projet de loi, alors même que leur liberté d’expression aura pu être bafouée. »

Et pour appuyer un peu plus là où le texte fait mal, on fait valoir que le blocage « porte atteinte à la neutralité du réseau, principe fondateur d’Internet qui a permis sa croissance, l’accès égalitaire de tous, et en garantit la liberté. Des dispositifs plus efficaces existent (logiciels de contrôle parental alimentés par les données de la liste noire établie par l’autorité administrative ; filtrage en bordure de réseau) pour remplir l’objectif affiché de protection des internautes contre les images de pornographie infantile ».

Internet et les jeux dangereux entre mineurs

D’autres amendements pourraient impacter les contenus sur le réseau. Ainsi celui présenté par Philippe Goujon, Cécile Dumoulin et Patrice Verchère et qui vise à interdire le fait d’enregistrer ou de transmettre en vue de sa diffusion, « l’image d’un mineur pratiquant un jeu dangereux ou violent dans le but d’inciter d’autres mineurs à pratiquer ce type de jeu est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». L’amendement définit le « jeu dangereux ou violent » comme « une pratique au cours de laquelle un jeune porte atteinte à son corps ou à celui d’autrui, en agissant de manière violente ou non sur l’irrigation du cerveau ou sur les parties vitales du corps ».

Cibler le phishing par l’usurpation d’identité

Le député Lionel Tardy, très au fait des questions technologiques, propose lui de créer une vaste sanction contre l’usurpation d’identité, aussi bien des personnes physiques que des personnes morales. « Est puni d’une année d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, le fait d’usurper sur tout réseau de communication électronique l’identité d’une personne morale ou physique, qu’elle soit privée ou publique », recommande son texte. L’objectif est ici de cibler également les cas de phishin, alors que la LOPPSI actuellement, ne frappe que les usurpations générant des atteintes à l’honneur.

Des infractions plus graves, parce que commises sur Internet ?

Le même député s’attaque à plusieurs infractions au droit d’auteur qui sont avec la LOPPSI plus durement réprimées lorsqu’elles sont commises en ligne. Illogique, selon le député « Internet n’est qu’un moyen, une technique, et il ne faudrait surtout pas créer un droit spécial pour internet. C’est le droit commun qui doit s’y appliquer. Je ne vois pas en quoi violer des droits de propriété intellectuelle devrait être plus lourdement sanctionné si le délit est commis sur internet. Nous risquons de voir ces dispositions déclarées inconstitutionnelles pour non-respect de l’égalité devant la loi, c’est pourquoi il est proposé, par cet amendement, de les supprimer ».


Supprimer HADOPI

L’amendement le plus « funky » est celui de Nicolas Dupont-Aignan. Le député réclame dans un amendement l’abrogation pure et simple d’HADOPI (« La loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet est abrogée ». Aucune chance que le texte passe, évidemment, mais les arguments exposés seront exposés au grand jour dans l’hémicycle et rappelleront quelques fondamentaux. Nous en profitons pour les copier intégralement :

« Les objectifs de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet tendent à généraliser la surveillance des connexions de l’ensemble des internautes.

Or cette surveillance entraînera immanquablement des pratiques de cryptage généralisé qui auront pour conséquence une considérable augmentation du trafic crypté sur internet. Nos services de police et de renseignement, ainsi que la HADOPI vont, dans des délais très rapides être aveugles en ce qui concerne une partie sans cesse croissante des données échangées sur internet. Cette situation a d’ailleurs amené la NSA américaine et les services de renseignement britanniques à alerter leur gouvernement respectif sur les conséquences en matière de sécurité nationale dans le cas où une loi de type HADOPI serait adoptée dans ces pays.

La loi dite HADOPI est donc en contradiction flagrante avec les objectifs de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. De plus, les motifs invoqués pour adopter cette loi ont été contredits à la fois par le nombre record d’entrées en salle de cinéma pour l’année 2009 et les résultats exceptionnels enregistrés par l’industrie phonographique cette même année. On le voit, l’industrie du divertissement est loin d’être au bord de la faillite… »

Rédigée par Marc Rees le lundi 25 janvier 2010 à 15h38

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