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Hassan II, leur père

Publie le mardi 7 avril 2009 par Open-Publishing

"Du Maroc jusqu’aux lointains confins de la terre, les échos de sa disparition se sont multipliés pour exprimer la tristesse et la consternation. Et lors de ses émouvantes funérailles, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, en exercice ou en retraite, les représentants d’institutions internationales, les différentes associations, les grands de ce monde et le petit peuple se sont associés au deuil, ont été présents à la cérémonie des adieux transformée en véritable aréopage diplomatique. Cette présence impressionnante traduisait l’attachement manifeste à l’égard d’un grand Roi, qui a conduit le Maroc avec une ambition et une seule : le hisser au rang d’une nation démocratique, le doter d’institutions, l’enraciner dans le concert des nations. Visionnaire, feu S.M. Hassan II avait immédiatement compris la nécessité de doter le Maroc d’une démocratie pluraliste."

Ainsi commençait le journal du Palais Royal, Le Matin du Sahara et du Maghreb, dans son éditorial du 03/04/2009, sous le titre de "Hassan II, notre père", tout un serment d’éloges à l’un des plus grands dictateurs de l’histoire de l’Afrique et du Maghreb, feu Hassan II.

Selon Wikipedia, "années de plomb" est une expression servant à qualifier, dans plusieurs pays, une période historique marquée par un activisme politique violent, mettant en cause la légitimité de la démocratie libérale. Période historique du Maroc contemporain marquée par la répression des opposants politiques sous le règne d’Hassan II. Au cours de cette période, le peuple marocain s’est révolté à plusieurs reprises contre le régime d’Hassan II, notamment dans les grandes villes (Casablanca, Fès…) réclamant plus de démocratie, ou au Rif qui a connu de violentes émeutes.

Le journal du palais n’a que faire des sentiments des victimes de la répression de Hassan II. Au contraire, cet article constitue une claire agression aux milliers de citoyens marocains qui réclament depuis 1999, date de l’accession au trône du roi Mohamed VI, des réparations aux malheurs qu’ils ont subi dans les bagnes de Tazmamart, Qalaat M’gouna, Agdez, etc., édifiés par sa majesté, d’abord pour préserver la monarchie contre les courants républicains des années 60-70, ensuite, pour écraser les soulèvements populaires connus sous le nom de "révoltes pour le pain".

Cet article est une insulte à tous les Marocains et met en évidence la contradiction qui sévit dans le régime politique actuel au Maroc, pays dont on dit qu’il s’efforce de tourner une page douloureuse de son histoire. Une insulte à tous ceux qui ont été victimes des arrestations arbitraires, tortures subies, disparitions…autant de crimes pour lesquels les victimes demandent réparation et pour lesquels l’Etat n’a pas eu le courage de demander pardon à la société civile car des crimes ont été commis en son nom, comme le soulignait Fouad Abdelmoumni, vice-président de l’Association marocaine des droits humains. "Dédommager financièrement certaines victimes ne signifie pas faire acte de contrition", ajoute-t-il. Loin de là, le régime actuel revient à cette époque en faisant les plus beaux éloges au plus grand sanguinaire de l’histoire du Maroc.

Si la création de l’Instance équité et réconciliation a été perçue comme un test de détermination du roi Mohamed VI à tourner la page des exactions commises sous le règne de son père, Hassan II, les publications de la presse royale constitue une flagrante déclaration d’immobilisme et de régression alimentée de continuité dans les pratiques quotidiennes.

Le Maroc ne s’est jamais débarrassé des pratiques de l’époque de Hassan II. La suspension des journaux, les condamnations de journalistes à des peines de prisons ou à de très fortes amendes, l’emprisonnement de militants syndicalistes et associatifs sont la preuve que le Maroc est loin de tourner la page du passé. Les militants de l’AMDH, d’ATTAC Maroc, l’Association des diplômés au chômage, les militants indépendantistes au Sahara Occidental, les citoyens de Sidi Ifni, etc., continuent à être victimes d’une répression féroce déguisée d’intervention "pour rétablir l’ordre public".

Protégé par le caractère "inviolable et sacré" de sa personne (article 23 de la constitution), Hassan II, même décédé, continue de bénéficier d’une immunité complète au sujet des innombrables atteintes aux droits de l’homme commises sous son long règne. Vouloir faire son procès, souligne Youssef Jebri sur Agoravox, c’est immanquablement faire celui de la monarchie. "En décidant, ajoute-t-il, de n’entamer aucune poursuite judiciaire concernant les années de plomb, en excluant la recherche de toute responsabilité individuelle et en protégeant des hommes qui pour certains étaient des exécutants, pour d’autres des donneurs d’ordres, le roi Mohamed VI préserve Hassan II, son père, d’un procès d’où la monarchie ne peut sortir qu’affaiblie".

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