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Hélène Castel : les limites d’un procès

Publie le mercredi 4 janvier 2006 par Open-Publishing
15 commentaires

de Bernard Lallement

Prescription oblige, à quatre jours près la justice n’aurait pu que donner quitus de son passé à Hélène Castel. Commence, en effet, aujourd’hui son étrange procès devant la Cour d’assises de Paris pour le braquage de la BNP, à Paris, auquel elle a participé le 30 mars 1980 en compagnie de six autres comparses. Ces desperados, nés de la mouvance post soixante-huitarde, dans laquelle naîtra Action directe, avaient confondu révolution et délinquance. Peu doués pour la voyoucratie ils échouèrent. Une fusillade s’en suivit avec les policiers et un apprenti bandit fut abattu tandis qu’Hélène s’enfuit sur un cyclomoteur volé.

Trois de ses complices furent arrêtés et condamnés, en 1984, à des peines allant de 5 à 10 ans de réclusion. L’un fera des études de médecine en prison, passera le difficile concours de l’internat et est, aujourd’hui, psychiatre, l’autre est historienne et le dernier artisan. Les deux premiers ont fait l’objet d’une réhabilitation judiciaire, en cours pour le troisième. Ils ont tourné définitivement la page.

Entre temps, Hélène est partie en cavale, s’est installée au Mexique, sous le nom de Florencia Rivera Martin, est mère d’une jeune fille, a repris des études et est devenue psychothérapeute. Elle, aussi, avait presque tourné la page. Mais Nicolas Sarkozy venait de créer l’Office central chargé des personnes recherchées ou en fuite et Hélène a été l’une de ses premières captures grâce, notamment, aux écoutes du téléphone de son père, le sociologue Robert Castel, avec lequel elle n’avait jamais rompu les liens. Elle a été arrêtée le 12 mai 2004, par la police mexicaine, à son domicile de Jalapa.

 [1]

Si un jour l’ontologie doit prendre place dans les débats judiciaires c’est bien à l’occasion de ce procès.

Tout d’abord qui va-t-on juger : !’adolescente en dérive, fille d’intellectuels trop occupés à mener leurs combats idéologiques pour s’intéresser à son éducation, n’ayant pas encore compris que la violence est toujours la manifestation d’un échec où cette femme posée, insérée dans l’existence, jetant sur son passé un regard critique sans complaisance ? Entre les deux, vingt-cinq ans se sont écoulés. Un être en devenir s’est métamorphosé en adulte responsable. En jugeant le premier nous condamnons le second. Il n’est pas sûr que la justice y retrouve son compte.

Et puis, il y a, également, ses trois anciens acolytes qui, depuis, ont purgé leurs peines et changé, totalement, de destin. Ils se retrouvent précipités dans leurs souvenirs avec le risque de voir jeter leurs noms à la pâture publique. Ils n’ont d’autres choix que de comparaître en audience publique, juridiquement en tant que témoins, mais moralement contraint. Vis-à-vis des jurés, ils sont l’illustration parfaite que les hommes progressent et savent tirer les leçons de leurs erreurs. A une époque où nous condamnons sans espoir de salut leur exemple incite à la réflexion.

Un débat s’est instauré parmi les chroniqueurs judiciaires : faut-il ou non révéler leurs patronymes compte tenu de l’ancienneté des faits et de leurs réinsertions sociales exceptionnelles, que la divulgation de leurs errements criminels risquerait d’anéantir ?

Rien n’est prévu dans ce cas et le journaliste reste seul face à son éthique. Jusqu’à présent, il semble que la presse, dans sa majorité, prône l’anonymat. Mais une telle attitude, pour respectueuse qu’elle est des personnes en cause, fait l’objet de critique. Elle oblige à tronquer des documents d’archives afin de ne pouvoir identifier les braqueurs de l’époque. Et surtout, fait-on remarquer, on n’a pas eu ces égards pour les enfants d’Outreau dont les noms ont été dévoilés à longueur d’éditions, ni pour les, futurs, acquittés présentés, en gros titres, comme coupables avant même d’avoir été inculpés et au mépris de la présomption d’innocence.

Car les médias ont leurs parts de responsabilités dans ces déclarations fracassantes et ces vies brisées. Souvenons-nous de « l’affaire Grégory » et des torrents de boue, de délations, de marchandages qu’elle a charriés. Seul un journal a présenté des excuses à Christine Villemin, Libération.

Aujourd’hui, pour exister dans une société de l’image, il faut être victime ou agresseur, pédophile ou violé, masochiste ou imbécile. Le mal nous attire et le bien indiffère.

Il faut espérer qu’Hélène Castel ressorte libre de la Cour d’assises et que son année de détention soit sa seule peine. Quant à ses trois anciens compères, ils ne devraient pas trop se faire de soucis pour la préservation de leur anonymat. Ils s’en sont trop bien sortis pour qu’ils intéressent des journaleux.

(photo AP)

Article paru dans le blog "SARTRE" de Bernard Lallement

 http://sartre.blogspirit.com


[1Du droit à l’anonymat

Messages

  • je pense surtout que si helene Castel avait pu refiler une enveloppe consequente à la police mexicaine , celle ci aurait détourné le regard cinq jours de plus .
    je crois savoir que cette femme à une fille , faut il condamner la fille pour l’erreur de jeunesse de la mere , enfin d’apres ce que j’ai lu , il n’y a pas eu mort d’homme !
    alors bien sur la justice doit passer , et je pense que cela se terminera par une année ferme pour couvrir la peine accomplie et sans doute une peine plus longue assortie du sursis , c’est du moins ce que je souhaite à helene Castel.
    claude de toulouse .
    ps : tout autre condamnation serait une vengeance et non de la justice .

    • Le procureur dirait que de ne pas être sévèrement juste en la punissant comme ses congénères (5 à 10 ans), ça serait laisser croire aux autres "voyous" que la cavale, ça permet de s’en sortir à bon compte. Est-ce que la société peut laisser croire une telle chose ? Est-il responsable que la justice se montre clémente pour un acte aussi grave ?! (voler une banque, vous rendez-vous compte ?)

    • Etant donné que le premier personnage de l’Etat a bénéficié de nombreuses prescriptions pour des faits graves et postérieurs au Braquage d’Hélène Castel, toute autre jugement que l’acquittement est injuste.
      Halte àl’état policier et au système carcéral.

      sc_marcos94

    • Bravo pour l’image radicale donnee du Mexique. n est-il pas reducteur de penser que tout dans ce pays se resoud par une enveloppe ? Interpole a fait son job avec son correspondant mexicain la AFI point barre. Helene Castel est restee plusieurs mois en prison dans ce pays et la demande d extradition a ete acceptee selon des regles internationales respectees.
      Son acte irresponsable d une jeunesse irreflechie l a fait fuire de France dans une coupure brutale, et non sans cruaute, vers l inconnu. Elle reconstruit finalement une vie modeste mais equilibree dans un ailleurs... pour etre arrachee de nouveau a cette realite 25 ans apres de maniere tout aussi radicalement chirurgicale. 2 fois dans sa vie donc elle a tout perdu en quelques minutes .......
      Finalement apres 25 ans de ce poids et d une certaine angoisse du lendemain qui ne chante pas necessairement, apres ce non dit a tous autour d elle et pis encore a sa fille, apres 25 ans de regard sans complaisance sur elle-meme, apres 20 ans - l’age de sa fille- d angoisse viscerale de devoir la laisser seule au monde, elle afronte son proces avec responsabilite. Et tout a coup elle est libre ....
      Apres 25 ans de tripes nouees jours et nuits .....Helene Castel se trouve orpheline de ce qui emplissait sa vie.....ce n est pas si facile, il faut apprendre a vivre vers d autres horizons et se nourrir a nouveau.

  • 2 poids 2 meusures....

    bon on reparlera de tout ça quand chichi sera derrière les barreaux....ou quand un certain Blanchisseur ( RDDV) ne pourra plus faire la loi et des tentatives de corruption de députés pour faire passer une loi totalement liberticide pour nous tous.

    madame castelle n’a pas le palmares de ces gents là, et pourtant elle va peut être en prendre pour 5 ans quand même.

  • Hélène Castel s’en tire à bon compte ce qui démontre que notre Justice n’est pas aussi aveugle que cela. Au passage, rappelons que cette dame a passé une cavale plutôt nantie au Mexique avec la complicité démontrée d’un père sociologue célèbre. Ce matin aucun média ne signale que le braquage auquel elle a participé a été sanglant des deux côtés. A mon voisin, ouvrier métallurgiste, qui me parlait de ce procès étrange j’ai dû tant bien que mal expliquer ce qu’était un sociologue. Il a plutôt réagi sur le mot "célèbre" à propos du père et encore plus sur le mot "fracture sociale" inventé par le dit père. Il a simplement rajouté "J’sais pas trop de quel côté de la fracture sociale j’me trouve mais j’vais dire à ma fille de faire gaffe parce que dans 20 ans j’pourrai pas faire grand chose pour elle, et surtout j’ai pas d’adresse à l’étranger à lui refiler !!". Je sais pas trop comment interpréter sa réponse.

    Gabriel, de Vendée.

    • Toute cette bienveillance de justice suintant le grand pardon et le recyclage de bons sentiments on aimerait qu’elle s’applique à Nathalie Ménigon, toujours pas matée par ses idées (19 ans encagée dont plus de la moitié en quartier d’isolement) aujourd’hui malade et devant bénéficier de la loi kouchner.

      NON A LA PEINE DE MORT DEGUISEE

      Tu sais ce qu’il te reste à faire Nathalie ?
      Tu pleures un bon coup et tu te répands en excuses, tu dis que tu étais jeune et paumée les juges adorent se prendre pour Dieu dans leur sirupeuse compréhension à refaire l’histoire . A gerber cette justice à vitesse arbitraire.

      Mata a ri

    • tu as cent mille fois raison de penser à nathalie , en cette periode de voeux , je souhaite la voir marcher devant moi nathalie , et pas obligatoirement sur la place rouge , plutot du coté de la basilique st sernin , je lui ferais visiter ma ville pour qu’elle renaisse à la vie .
      claude de toulouse .

  • Lorsque ce fait divers a été connu en 1980, avec violence sur un Homme qui n’avait rien demandé, qui faisait son travail comme vous et moi, j’ai été en colère, oui car pour moi toute idéologie ne doit pas s’accompagner de violence.. C’est NON

    Maintenant, aujourd’hui, Hélène Castel, comme ses Parents, ont su faire autre chose mais je retiens une chose de cette histoire : M. LALLEMENT donne comme escuse aux dérives d’Hélènes Castel le manque, l’attention de ses parents, et tout le monde acquièce.. Hélène, se trouve donc escuser car si les Parents avaient fait leur devoir d’éducation, rien ne serait arrivé..

    Aujourd’hui, lorsque je pose la question aux Parents de nos jeunes de banlieu qui sont idéalistes, révolutionnaires, qui veulent tout et de suite, pourquoi laissez-vous vos enfants sans repaires sans dialogues :On me répond que je ne comprends rien ou que je suis raciste.

    Oui il doit y avoir plusieurs Parents, il doit y avoir plusieurs compréhensions de ce role important, oui un jour on comprend le role des Parents puis le lendemain on le renie, oui expliquez moi les deux vitesses...
    Je suis contente , satisfaite que aujourd’hui, la Justice de notre Pays a su reconnaitre le grand travail de Hélène Castel, et surtout l’ait reconnu .

    Bravo, chapeau, Hélène..

    Nicole

  • Hélène était alors une toute petite demoiselle lorsque que je l’ai connue. Nos mères étaient codisciples et collègues, son frère, Philippe était un ami. S’il vous est possible de la contacter, je suis certaine que cela lui fera plaisir de reprendre contact avec moi.
    Plus agée qu’Hélène, je n’ai connu cette histoire qu’en janvier dernier, j’en ai été bouleversée, car rares à l’époque étaient les enfants des collègues de nos âges.
    Je vous laisse mes coordonnées merci de lui transmettre.
    En vous remerciant par avance
    Dominique Andrau
    dandrau@noos.fr