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IMMIGRATION : UNE POLITIQUE CYNIQUE BÉNÉFICIANT AU PATRONAT

Publie le lundi 3 octobre 2005 par Open-Publishing
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UNION SYNDICALE SOLIDAIRES

93 bis rue de Montreuil ­ 75 011 Paris

Loin de répondre aux attentes sociales qui une nouvelle fois se sont fortement exprimées à l’occasion du référendum du 29 mai dernier, le gouvernement persiste dans des choix économiques et sociaux entièrement dictés par les seuls dogmes libéraux et clairement au service du patronat et des couches les plus riches de la population.

Dans le même temps, pour mieux faire oublier les problèmes d’insécurité sociale générés par sa politique et masquer les causes premières de ceux-ci - et donc sa responsabilité - le gouvernement continue d’intensifier, en les médiatisant au maximum, le recours à des pratiques sécuritaires et la mise en place d’appareils répressifs qui restreignent chaque jour davantage les libertés individuelles et stigmatisent des populations ciblées, déjà largement précarisées, en les excluant socialement.

Cette approche, qui entend faire de l’insécurité le problème central de
notre société, trouve sa pleine mesure dans les domaines liés à
l’immigration avec des discours et des politiques qui se nourrissent - et
nourrissent - toujours des mêmes préjugés, des mêmes amalgames et des mêmes affirmations infondées.

Depuis trente ans, c’est "l’ère du soupçon institutionnalisé" à l’égard de
l’immigration : suspicion systématique, obsession de la lutte contre la
clandestinité, du contrôle, de la fraude, refus de régularisation globale et
répression accrue contre les sans-papiers, les demandeurs d’asile et
criminalisation des soutiens - individus et associations - "délinquants de
la solid arité" coupables d’avoir aidé des étrangers en situation
irrégulière.

Les rares occasions où l’immigration est abordée de façon positive, c’est
uniquement lorsque celle-ci peut servir les intérêts nationaux (réponse au
vieillissement de la population, apport de cerveaux étrangers, main d’¦uvre
spécialisée pour palier les manques dans certains secteursŠ). En dehors de
ces quelques exceptions, discours après discours, mesures après mesures,
l’immigration est toujours présentée comme un problème et comme une menace.

Dans ce cadre, les immigré(e)s sont traités comme des personnes aux droits
limités, sur lesquels pèse le soupçon systématique de fraude et qui seraient
en train d’envahir l’Europe en général, et plus particulièrement la France.

Chômage, précarité, insécurité, délinquanceŠ tous les maux ou presque
seraient d’une façon ou d’une autre plus ou moins directement imputables aux
immigré(e)s. Comme toujours, quand cela va mal, c’est de la faute de "
l’autre ".

Pour satisfaire ses ambitions électoralistes, le Ministre de l’Intérieur,
bien décidé à capter une partie de l’électorat d’extrême-droite, n’hésite
pas à rajouter de l’huile sur le feu en faisant siennes des formules
xénophobes du Front national lorsqu’il proclame par exemple que " Quand on
vit en France [Š] on aime la France. Si on n’aime pas la France [Š] personne
ne vous oblige à rester "Š propos qui n’ont rien à envier au slogan
lepéniste : " La France, aimez là ou quittez là " !

Une telle approche de l’immigration est irresponsable : elle déstabilise
chaque jour davantage l’ensemble des populations entières (en situation
régulière ou non) ; elle engendre son lot d’abus et de bavures ; elle
favorise la montée de la xénophobie, du racisme, de l’exclusion et, par
réaction, les communautarismes.

Lois après lois, les politiques de l’immigration et de l’asile sont toujours
plus restrictives et plus répressives. Elles s’accompagnent d’un
durcissement des pratiques administratives et policières qui génère une
multiplication des situations dramatiques avec des conséquences humaines
inacceptables et dangereuses - non seulement pour les intéressé(e)s mais
aussi pour la démocratie dans son ensemble : mineurs isolés renvoyés dans
les pays d’origine, enfants en bas âge arrêtés jusque dans leur classe,
suspicion généralisée sur les mariages, refus d’examen des preuves réelles
de travail dans les dossier de régularisation, rendez-vous administratifs
piégés dans les préfectures (on convoque et on arrête), malades expulsés
malgré des traitements en cours, persistance de la double-peine, conditions
déplorables dans les zones d’attente et les centres de rétention, etc. C’est
la négation du droit des migrants et des valeurs d’un Etat de droit.

Comme si cela ne suffisait pas, de nouveaux durcissements sont mis en place
au niveau français et européen :
 volonté de faire à tout prix du " chiffre " et d’afficher une augmentation
annuelle (50% pour 2005) du nombre des éloignements d’étrangers en situation
irrégulière en France ;
 instauration d’une politique des quotas qui ne veut pas dire son nom ;
 accélération de la mise en place de la biométrie pour l’enregistrement des
demandes de visa ;
 multiplication des rafles sous prétexte de contrôle d’identité ;
 création d’une police spéciale pour traquer les sans-papiers ;
 réduction et remise en cause de l’Aide médicale d’état (AME) ;
 attaques contre le regroupement familial ;
 mise en ¦uvre de charters communs à différents pays européens (Allemagne,
Espagne, France, Italie, Royaume-Uni) pour organiser, à grande échelle et à
moindre frais, l’expulsion d’étrangers déboutés de l’asile et/ou en
situation irrégulière ;
 gestion externalisée des procédures d’asile et d’immigration par la
création de " portails de l’immigration " aux frontières de l’Europe visant
à bloquer les candidats à l’exil et à permettre un tri qui réponde aux seuls
besoins économiques des pays de l’Union européenneŠ

Les perspectives affichées par les gouvernements français et européens sont
claires : expulsions massives et renforcement de la logique de forteresse à
travers certaines mesures communes. A ce titre, les renvois groupés par
charters - procédures pourtant contraires aux conventions internationales -
sont présentés comme d’efficaces et nécessaires signaux de dissuasion à
l’adresse des personnes tentées par l’émigration. En réalité, ceux-ci
véhiculent un message d’humiliation et d’indifférence hautaine des pays
occidentaux à l’égard des populations des pays pauvres ou en état de
conflit. D’autant que dans le même temps, les pays occidentaux encouragent
l’émigration de leurs cadres et travailleurs qualifiés vers l’étranger où
ils facilitent la pénétration de leurs intérêts.

Les pays riches du Nord entendent faire appel à une immigration " choisie "
(politique des quotas), et pouvoir sélectionner dans les pays du Sud la
seule main d’¦uvre dont ils ont besoin - en la prenant et en la rejetant
selon les fluctuations du marché. Politique qui perpétue le pillage colonial
sous d’autres formes et promeut une véritable immigration " kleenex " au

sein de laquelle les populations du Sud sont réduites à leur seule force de
travail.

Nous assistons à la mise en ¦uvre d’une véritable politique " d’apartheid
social " de la part des pays riches à l’encontre des pays pauvres. La
liberté de circuler devient de plus en plus un privilège réservé aux seuls
individus originaires des pays riches et/ou pouvant justifier de leur
aisance financière ­ les restrictions apportées ne visant que les migrants
porteurs de " toute la misère du monde ". A l’heure de la mondialisation
libérale, tout circule de plus en plus facilementŠ sauf les êtres humains !

Pourtant, malgré l’arsenal répressif impressionnant mis en place par les
Etats, tout le monde est d’accord pour reconnaître que la fermeture totale
des frontières est absolument impossible et que la multiplication des
obstacles à l’entrée et au séjour resteront toujours inefficaces et
dérisoires au regard des mouvements qu’ils sont censés contenir et des
besoins vitaux qui guident les candidats à l’immigration. Pour des centaines
de milliers d’individus, fuir vers l’Occident, quelque soit les " signaux
forts " envoyés par ce dernier pour les en dissuader, continue de
représenter non seulement la seule chance de survie pour eux et leurs
familles, mais aussi l’unique source de progrès pour leur village et région
d’origine - tant il est avéré que les fonds envoyés par les immigrés vers
leur pays d’origine constituent une forme de codéveloppement autrement plus
fiable que l’aide officielle trop souvent largement détournée par la
corruption.

Dès lors, les politiques mise en ¦uvre par les gouvernements occidentaux
n’aboutissent qu’à renforcer les filières de passeurs et à mettre en péril
la vie des candidats à l’exil. De plus, contrairement aux objectifs
affichés, elles condamnent celles et ceux qui réussissent à passer à se
fixer dans le pays d’accueil de crainte de ne plus pouvoir y revenir en cas
de sortie de celui-ci.

Il est évidemment impossible, politiquement et techniquement, d’expulser du
territoire français et européen les centaines de milliers de sans-papiers
qui tentent d’y vivre. Villepin, Sarkozy, comme leurs différents homologues
européens, le savent très bien. La fermeté affichée en la matière ne répond
pas seulement aux nécessités d’une exploitation démagogique et d’une
instrumentalisation électoraliste du thème insécurité = immigration, elle
permet aussi de masquer une réalité bien différente. A savoir, le fait que
depuis des décennies le nombre de personnes en situation irrégulière reste
constant dans les différents pays occidentaux concernés. Constat qui trahit
la volonté des pays riches de maintenir sur leur territoire un " quota
officieux " de travailleurs illégaux indispensables à la compétitivité (et
donc à la survie) de certains secteurs de leur économie (BTP, confection,
nettoyage, hôtellerie et restaurationŠ). Des centaines de milliers d’hommes
et de femmes sont ainsi sciemment livrées à des patrons sans scrupules et à
des marchands de sommeil. Ce qu’on leur demande, c’est de bien vouloir
rester dans l’ombre et d’accepter " les règles du jeu " liées à la
clandestinité. Attitude cynique qui condamne des centaines de milliers de
personnes à renoncer à leur droit de vivre dans la dignité et les oblige à
survivre au quotidien dans la crainte d’être débusqués au hasard d’un
contrôle de routine, d’une vérification de papiers - alors même que ces
hommes et ces femmes participent à la richesse culturelle et matérielle du
pays où ils (sur)vivent.

Le plus souvent la population issue de l’immigration se retrouve à
travailler dans des secteurs exploités par un patronat qui ne s’embarrasse
pas avec le social. Le fait que certains de ces salarié(e)s soient de plus
en situation de clandestinité, ou le deviennent au gré des évolutions des
lois et réglementations, place ceux-ci en totale dépendance vis-à-vis de
leurs employeurs et en position extrêmement vulnérable pour faire appliquer
le droit du travail. Ils ne peuvent évidemment faire respecter leurs droits
en matière de conditions d’embauche, d’heures de travail, de salaire ou de
représentativité... Ainsi, dans notre pays, comme partout en Europe,
plusieurs centaines de milliers de salariés sont confrontées quotidiennement
à la précarité, la surexploitation et le non-droit. Parce que ceux-ci sont
contraints d’accepter l’inacceptable et parce qu’ils permettent de tirer
vers le bas l’ensemble du salariat, les sans papiers sont indispensables
pour le patronat.

L’immigration assume un rôle de laboratoire de la flexibilité du travail et
l’étranger sans titre représente pour l’employeur le travailleur idéal (pas
de charges sociales, pas de contraintes réglementaires, une rémunération
inférieure au SMIC...). Cette situation économique est assimilable à celle
générée par une " délocalisation sur place " et s’inscrit de plein pied dans
la logique libérale qui tend à imposer flexibilité et précarité à l’ensemble
du salariat. Constat qui ne peut qu’interpeller toute organisation
syndicale.

Face à de telles zones de non-droit, une politique responsable passe par un
renforcement des moyens de l’Inspection du travail, une réelle volonté de
s’attaquer aux donneurs d’ordres (et non à leurs victimes) et plus
fondamentalement par le fait que ces salariés puissent devenir des salariés
comme les autres... et donc que leur situation administrative soit
régularisée.

Le combat pour l’acquisition et le respect de droits égaux entre tous les
travailleurs/euses est à la base même de l’existence du syndicalisme. Dans
ce cadre, la lutte contre les discriminations et le racisme et pour
l’égalité des droits constitue un fondement essentiel de l’action syndicale
de l’Union syndicale Solidaires qui revendique notamment :
 une liberté effective de circulation et d’installation des personnes.
 la mise en ¦uvre d’une politique d’accueil digne de ce terme pour les
personnes étrangères et donnant accès à une citoyenneté pleine et entière
par la reconnaissance de l’égalité des droits et des devoirs.
 la ratification par la France de la Convention des Nations-Unies sur " la
protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur
familles ".
 la suppression des conditions de nationalité qui persistent dans l’accès à
de nombreux droits et emplois des secteurs privés et publics hors Fonction
publique d’Etat exerçant des missions régaliennes.
 un droit à l’éligibilité aux Prud’hommes pour les travailleurs immigrés.
 la régularisation administrative des sans-papiers.
 la libération de toutes les personnes emprisonnées pour défaut de papiers
et la fermeture des centres de rétention.
 l’abolition de la double peine.
 l’abrogation de toutes les lois et différentes circulaires restreignant
les conditions d’accès au travail pour les demandeurs d’asile, les
conditions de séjour des étudiant(e)s étrangers/ères...
 l’abandon de toutes les politiques visant à créer un véritable délit de
solidarité à l’encontre des structures ou individus solidaires des étrangers
en situation irrégulière.

Les Français, les étrangers qui résident en France en situation régulière,
les sans papiers, méritent autre chose que la peur de l’autre, les
tentatives de division et au bout du compte la xénophobie à l’encontre de
populations qui subissent déjà au quotidien plus de discriminations, plus de
précarité, plus de chômage que le reste de la société.

Une autre politique de l’immigration est nécessaire, urgente.

Une politique fondée sur le respect et l’égalité des droits de tous et de
chacun.

Téléphone : 01 58 39 30 20
Télécopie : 01 43 67 62 14
contact@solidaires.org

www.solidaires.org

Messages

  • Ce sera hélàs bien assez court pour vous faire part de mon ressenti à la lecture, que je savais par ailleurs établi.

    L’article est clair. Les classes bourgeoises ne cachent plus leurs intentions, vue la division consciencieuse et extrêmement avancée des groupes sociaux populaires dans les sociétés organiques du "Grand Ouest".

    C’est le cirque ! La débâcle !

    Merci ce rassemblement d’informations, cette concision singulière.

    Turcs ! N’entrez pas dans l’Europe ! Rejetez tous les impérialismes bourgeois ou soi-disant sociaux-démocrate ! N’entrez pas dans le jeu ou un coup de poker s’abattra sur vous comme il est déjà présent dans les dix nouveaux pays de l’Union Européenne.

    Olivier.