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ISRAEL CONTRE IRAN : TSAHAL, UNE DEFAITE DIGNE D’UN MANUEL
Publie le vendredi 6 octobre 2006 par Open-Publishing1 commentaire

Au Liban, l’appareil de guerre israélien a violé les fondements de sa propre doctrine. Plus que le Hezbollah, il semblait combattre l’Iran. Mais les Perses ne sont pas tombés dans le piège. Maintenant les casques bleus seront là à regarder pendant encore trente ans.
de Fabio MINI traduit de l’italien par karl&rosa
1 La première réaction à la guerre israélienne contre le Liban a été une réaction déconcertée, non pas tellement à cause de ses motivations, de ses instruments ou de ses buts, mais à cause de sa disproportion. La condamnation timide, murmurée, attentive à ne pas déranger les Israéliens et leur droit à exister, attentive surtout à ne pas déclencher leur rétorsion, désormais habituelle, de déclarer anti-sémites tous ceux qui se hasardent seulement à avancer quelques doutes sur leur comportement en temps de guerre comme en temps de paix, n’a fait référence qu’aux proportions de l’intervention.
Malheureusement ceux qui décident de faire la guerre et qui sont disposés à suivre les principes et les codes de guerre peuvent agir selon la proportionnalité mais celle-ci est destinée à succomber face à d’autres exigences : se dépêcher et éviter les pertes, par exemple.
Il est en outre difficile d’établir d’objectifs paramètres de proportionnalité. Il existe des rapports de puissance et de force qui sont des proportions mais qui établissent un principe d’efficacité et d’économie et non d’éthique ou d’opportunité. On peut dire qu’il n’est pas économique de tuer un homme avec un canon mais pour juger de la proportionnalité il faudrait voir de quoi on dispose en alternative, ce que l’on veut obtenir "au-delà" de la suppression physique de l’homme, de combien de temps on dispose et quel degré de risque on veut courir.
Dans les guerres modernes, ce sont celles-là les priorités et la valeur attribuée à la vie de ses propres hommes, aux valeurs de sa propre société est infiniment supérieure à celle que l’on est disposé à reconnaître à l’adversaire. En outre, avec l’assimilation de l’ennemi à un criminel ou à un terroriste disparaît aussi le paramètre très labile de la valeur à attribuer à sa vie et à sa culture. Si guerre après guerre, on dépasse le seuil de la valeur minimale à attribuer à la vie d’autrui et que l’adversaire est assimilé à un animal ou à un être qui n’a aucun droit, le renvoi à la proportionnalité est voué à être un exercice rhétorique. La guerre devient abattage, dératisation, désinfection, assainissement, nettoyage : toutes choses que nous avons déjà vues sans remonter trop loin dans le temps ou dans l’espace.
La guerre n’a jamais été une question de proportion mais le contraire. On a toujours recherché la plus grande disproportion. Les limitations étaient involontaires et subies, il n’y avait plus de ressources et alors il fallait économiser. La guerre chirurgicale a toujours été une plaisanterie, pas tellement parce qu’elle est techniquement impossible mais parce qu’elle n’est pas psychologiquement convaincante et ne satisfait pas autant que la destruction sans discrimination. La justification de la disproportion est en général la paix, la fin de la guerre, comme cela fut le cas des bombardements atomiques au Japon : la chose la plus disproportionnée que l’homme ait jamais faite.
La proportionnalité n’a jamais été invoquée durant les trente premiers jours de guerre israélienne au Liban. Au contraire, depuis le début on a recherché la disproportion et on eut l’impression que ce serait à qui donnerait le plus de temps à Israël pour terminer le travail de destruction systématique qu’il avait entrepris. La proportionnalité est sortie du chapeau de l’hypocrisie quand Israël d’abord et les Etats-Unis ensuite ont réalisé que même la destruction totale du Liban ne minerait pas la capacité opérative du Hezbollāh. Ils ont compris que la première phase de la guerre qui aurait dû créer la disproportion nécessaire à la seconde phase d’invasion terrestre n’avait pas fonctionné et que la guerre terrestre comporterait des pertes intolérables, et celles-là, oui, disproportionnées puisque leur appartenant.
Les justifications de la guerre peuvent bien être légitimes, les prétextes convaincants, rien de tel que la destruction pour compenser la guerre, rien de tel que la recherche de la destruction totale pour perpétuer le mythe de la guerre. Si donc on pense à la guerre, si on vit en guerre et si on vit pour la guerre, la proportionnalité est une insulte. Israël vit dans ces conditions non enviables depuis plus d’un demi-siècle.
2 La réaction des Israéliens à la fin de la guerre a été elle aussi déconcertée. Non pas à cause de la disproportion mais à cause de l’échec à détruire totalement l’adversaire. Personne ne pleure sérieusement les milliers de victimes libanaises mais on ressent une forte rancœur d’avoir perdu une centaine de ses propres hommes sans avoir complètement détruit le Hezbollāh. Et il y a des récriminations, des accusations. Le chef des Forces de défense d’Israël (Idf) est le plus visé. Dan Halutz est un général de l’Aéronautique, courtois, sensible à l’économie, en tout cas à la sienne propre s’il est vrai qu’il a liquidé son portefeuille d’actions quelques heures avant la guerre.
"Cela a l’air d’être quelqu’un de bien" a-t-on dit de lui avant la campagne libanaise. Le bataillon de généraux à la retraite qui l’a incité à la guerre, qui a amplifié ses sorties menaçantes, ne se sent pas de le défendre maintenant mais il ne peut pas non plus l’enfoncer. Ils se sont tellement exposés pendant le délire qui a précédé la guerre, ils ont tellement attisé le feu et surchauffé l’opinion publique qu’ils se sont rendus tout autant responsables des évènements. Et il n’ont toutefois rien trouvé de mieux que de récriminer à propos d’un prétendu "coup de poignard dans le dos de l’armée", "Les politiques n’ont pas laissé les militaires gagner". Ce sont des slogans qui devraient glacer tout le monde et en particulier ceux qui les ont entendus plusieurs fois et qui ont souffert de leurs effets.
Ils sont nombreux ceux qui soutiennent aujourd’hui que si la communauté internationale ne s’en était pas mêlée et n’avait pas accouru pour venir en aide au Hezbollāh, les forces terrestres israéliennes auraient été en mesure de finir leur travail. Comme elles l’ont toujours fait. Uri Avnery a écrit sur le site Gush Shalom, le 18 octobre : "Tout le monde dit que l’offensive terrestre avait commencé deux jours avant le cessez-le-feu. Grâce à nos soldats héroïques, les réservostes, c’était un succès renversant ; Et au moment où nous étions sur le point d’accomplir une grande victoire, arriva le cessez-le-feu. Il n’y a pas un seul mot de vrai dans tout cela. L’opération, planifiée de longue date et en vue de laquelle l’armée s’entraînait depuis des années, n’a pas commencé plus tôt parce qu’il était clair qu’elle n’aurait amené aucun résultat significatif alors qu’elle aurait été couteuse en vies humaines.
L’armée aurait pu occuper de larges zones mais sans être en mesure de les libérer des Hezbollāh. La ville de Bint Ğubayl a été attaquée trois fois par l’armée et les combattants du Hezbollāh y sont restés jusqu’à la fin. Si nous avions occupé 20 villes comme celle-là, les soldats et les chars auraient été exposés dans 20 endroits différents à l’attaque mortelle de la guerilla et de ses armes anti-chars efficaces. Et pourquoi donc a-t-il été décidé au dernier moment de commencer l’opération après que l’Onu avait déjà demandé la fin des hostilités ? L’horrible réponse est qu’il s’est agi d’une cynique, pour ne pas dire vile, tentative du trio de ratés Olmert, Peretz et Halutz de créer une image de victoire, comme ils le déclarèrent eux-mêmes à la presse.
Sur cet autel, on a sacrifié la vie de 33 soldats (dont une jeune femme). Le but était de photographier des soldats victorieux sur le bord du Lītānī. L’opération n’aurait duré que 48 heures grâce à l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Bien que l’armée se soit servi d’hélicoptères pour transporter rapidement les soldats, le but n’a pas été atteint. L’armée n’a en aucune manière atteint le Lītānī. En 1982, l’armée traversa le Lītānī en quelques heures. Cette fois, quand est arrivé le cessez-le-feu, toutes les unités étaient immobilisées et encerclées de combattants du Hezbollāh. sans aucune ligne de renfort sûr".
Les hommes politiques aussi se fâchent contre Halutz mais ceux qui sont au gouvernement savent très bien qu’il n’y a pas eu de coup de tête individuel. Les décisions militaires ont toujours été prises avec le consentement en toute connaissance de cause des hommes politiques. De même que tout le monde connaissait la disposition d’esprit et la manière d’agir qui caractérise un général de l"Aéronautique qui est né et a grandi sur les bombardiers de chasse. On dit que les généraux de l’Aéronautique ont une confiance excessive dans le pouvoir aérien et que celui-ci, à lui tout seul, n’est pas en mesure de conquérir quoi que ce soit. Tout cela est vrai mais on peut en dire autant de la Marine qui n’est sûrement pas en mesure de tout faire à elle toute seule ou de résoudre quoi que ce soit grâce au seul pouvoir naval, ou de l’armée de terre qui n’est même pas en mesure d’arriver dans un endroit si celui-ci n’a pas été auparavant correctement "attendri" par les bombardements aériens ou d’artillerie.
Ce sont justement les Italiens Douhet et Mecozzi qui ont rationalisé le pouvoir aérien et présenté l’arme aérienne comme la solution. Durant la deuxième guerre mondiale l’architecte des tapis de bombes alliés, le général britannique Arthur Harris entendait tuer un million d’Allemands et paralyser la production de guerre. Après la guerre, la commission Galbraith démontra qu’il y eut des morts, pas loin d’un million, mais que la production de guerre avait augmenté. En revanche, les bombardements avaient accru la cohésion interne et la haine envers les Alliés. L’histoire n’a pas encore fourni un seul exemple de la capacité du pouvoir aérien de gagner les guerres, ni même les batailles, mais c’est désormais un mythe consolidé dont les mauvaises langues disent qu’il sert aux généraux de l’Aéronautique à gagner la seule bataille sanguinaire qu’ils soient capables de mener : celle contre les amiraux et leurs collègues de l’Armée de terre pour l’attribution des budgets. Halutz, à l’enseigne de tous ses collègues, vit de ce mythe et, contrairement à beaucoup d’entre eux, y croit au point de s’être coulé dans le personnage mythique du faucon cynique.
Tous les journaux israéliens ont réexhumé une de ses déclarations sur l’expérience de guerre contre les Palestiniens. Quand on lui demanda s’il avait éprouvé un quelconque frisson intérieur en lâchant une bombe d’une tonne sur une maison palestinienne, il répondit : "Le seul frisson fut une vibration sous l’aile au moment du lâcher de la bombe". Ce n’est qu’à présent que ces mots sont confrontés à ceux-ci, menaçants et velléitaires : "Nous remettrons la pendule libanaise en arrière de vingt ans" ou encore ceux-ci : ""nous bombarderons un immeuble de 10 étages pour chaque missile lancé contre Israël", non pas dans l’intention de comprendre mais dans celle de criminaliser.
Le stéréotype du pouvoir aérien est aussi le principal accusé grâce à la foi en la guerre aérienne comme solution au terrorisme. Le journaliste israélien Ghideon Levy a écrit dans Ha’aretz le 28 février dernier : "Halutz représente fidèlement la politique adoptée par les forces de l’air israéliennes de ces dernières années qui ne concède plus à la guerre contre le terrorisme le moindre espace éthique et moral. Selon cette politique, il est légitime et juste de bombarder une maison et le fait de tuer des civils innocents et des enfants "ne ressemble même pas au terrorisme palestinien". C’est cette attitude qui conduirait à la "fabrication" d’objectifs, faisant passer des masures de pauvres gens pour des centrales terroristes. Heureusement, même quelques pilotes israéliens ont eu des doutes sur cette conception et ils se sont refusé à bombarder des objectifs désignés comme des centrales terroristes et de toute évidence habitations de civils. Il en a été de même pour ceux qui ont refusé de tirer sur des voitures et sur des colonnes de civils sur la base de la règle qui veut que "si après les sommations à s’en aller lancées avec des tracts ils sont encore là, cela signifie que ce sont des terroristes du Hezbollāh".
Certains pilotes ont considéré que les personnes soumises à des tirs étaient là parce qu’elles n’avaient pas d’alternative. Les routes étaient bloquées, les gens n’avaient pas de moyen de transport ou ne savaient pas où aller. Mais l’interprétation consistant à les considérer tous comme des terroristes n’était pas seulement militaire. Le ministre israélien de la Justice (?) Hain Ramon avait lui-même déclaré que "tous ceux qui se trouvent actuellement dans le Sud du Liban sont des terroristes liés au Hezbollāh".
Parmi les accusateurs d’aujourd’hui les plus acharnés envers les dirigeants politiques et militaires de la guerre se trouvent bien sûr les journalistes. Pour une raison ou une autre, pour avoir raté une opportunité ou pour avoir exagéré, la presse s’est retournée contre tous. Uri Avnery a écrit le 16 août sur le site Gush Shalom : "En tête des critiques, marchent - surprise, surprise - les médias. Toute la horde des interviewers, commentateurs, correspondants et "presstitute" qui (à de rares exceptions prés) nous ont parlé de la guerre en termes enthousiastes, qui ont arnaqué, maquillé, faussé, ignoré, pollué et menti pour la patrie, qui ont empêché toute critique et étiqueté de traîtres tous ceux qui s’opposaient à la guerre, sont aujourd’hui en train de conduire la foule pour le lynchage. (...) Cette phase est symbolisée par Dan Halutz, le chef des Forces de défense israéliennes (Idf). Hier à peine, c’était un héros pour les masses, il était interdit de murmurer contre lui la moindre la parole. On le décrit aujourd’hui comme un profiteur de guerre.
3 Du point de vue militaire, on peut être d’accord avec les analystes qui mettent en évidence toutes les erreurs "techniques". Israël a mené une campagne contre un adversaire asymétrique avec le mauvais outil, avec des informations insuffisantes et avec des limites politiques incontournables (comme par exemple aller vite). Il s’et donné des objectifs trop ambitieux (la destruction du Hezbollāh) et impossibles à atteindre avec les moyens choisis auparavant (libérer les soldats prisonniers) et il a promis plus que ce qu’il pouvait tenir. Il a surévalué sa propre capacité et sous-évalué celle de l’adversaire. Il s’est limité à examiner le problème sous l’angle des opérations et a négligé les angles tactique et politique. Israël a mené de manière parfaite le seul type de bataille que son commandant en chef était en mesure de concevoir et de conduire : la bataille aérienne de destruction structurelle qui, comme on l’a vu, est, de par sa nature même, toujours hors de tout critère aussi bien humanitaire que de proportionnalité.
C’est cependant à partir de ce mélange de récriminations, d’accusations et de réponses défensives qu’apparaît clairement l’unique paramètre objectif des raisons de la guerre, de la défaite et de la victoire ratée, des destructions et même du côté velléitaire et du cynisme. La guerre contre le Liban a été entreprise et menée sous le signe de la non congruence, de l’incohérence et de l’inconsistance. Quand elle a été disputée sur le terrain, elle n’a jamais été cohérente ni avec les principes consolidés de la doctrine militaire ni avec les intentions déclarées.
Durant les 33 jours de guerre contre le Liban, les bulletins quotidiens israéliens se terminaient par la déclaration rituelle ; "Idf continuera avec l’attentive, intelligente et méthodique campagne selon les directives des hiérarchies militaire et politico-diplomatique, au plus prés des buts établis par celles-ci, avec des pertes minimes." Le ton était détaché, le sens délibérément bureaucratique et insignifiant. Toutefois, les résultats de la guerre étaient jour après jour aussi dévastateurs qu’inutiles. Le compte-rendu des interventions diffusé le lendemain de la cessation officielle des combats parle de 7 000 objectifs détruits par l’Aéronautique, 10 000 missions aériennes de combat (presque exclusivement des bombardements), 2 000 missions d’attaque d’hélicoptères, 1 200 missions de transport aérien, 1 300 missions de reconnaissance. La Marine, en 8 000 heures de navigation, a bombardé 2500 objectifs sur les côtes libanaises et Israël a imposé le blocus naval et aérien total.
Les pertes subies par le Liban sont tout à fait cohérentes avec le genre et le nombre des interventions israéliennes : 1.130 morts et 3.300 blessés, outre le million de réfugiés dont 850000 se retrouvent sans maison. Elles contredisent les supposées précision, attention et "intelligence" de l’opération. La plus grande partie des pertes a concerné des civils et un tiers des victimes étaient des enfants. Quant aux pertes infligées aux combattants du Hezbollāh si elles sont vraisemblables dans l’absolu et correspondent au nombre des interventions, elles ne présentent pas de congruence avec les potentialités du Hezbollāh. En effet, la déclaration officielle de la destruction de "outre 300 lance missiles multiples, 1800 structures du Hezbollāh, 270 véhicules soupçonnés de transporter des membres du Hezbollah, 350 ponts empruntés par les terroristes pour déplacer des missiles à l’intérieur du Liban" ne concorde pas avec le potentiel du Hezbollāh qui, au terme des opérations, a été en mesure d’arrêter l’avancée terrestre des cuirassés israéliens dans leurs premiers deux à cinq kilomètres.
Même la déclaration officielle de la mort de "plus de 500 terroristes" est incompatible avec la force sur le terrain et celle qui reste. Les combattants du Hezbollāh ont toujours été évalués par le Hezbollah au nombre de 600 à 800 individus.
Quelques estimations arrivent à mille mais par excès d’enthousiasme. Tout le monde sait qu’un écart acceptable dans les estimations ne peut dépasser 20%. S’il arrive à 30 ou à 50%, cela signifie seulement que l’analyste n’a pas la moindre idée de ce qu’il est en train d’évaluer. Si le Hezbollah avait perdu la moitié de ses forces il n’aurait pas été en mesure de s’opposer, comme il l’a fait, à la pénétration décidée lors des derniers jours de combat. Si sa capacité avait été réduite, il n’aurait pas suscité sur le terrain l’admiration des soldats israéliens eux-mêmes qui, de façon dramatique et surexcitée, n’ont même pas songé une seule seconde à définir le combat engagé comme une attaque de terroristes : ceux de l’autre côté étaient des soldats et même sacrément bien entraînés.
Sur un autre plan, les pertes israéliennes ont été absolument dépourvues de congruence avec l’image de mesquinerie attribuée au Hezbollāh par l’appareil de propagande israélien. Israël a eu 134 morts dont pas moins de 117 soldats. Les pertes civiles (37 morts et 422 blessés) sont absolument incohérentes par rapport aux 3970 missiles lancés par le Hezbollah sur le territoire israélien. La triste statistique démontrerait plutôt une autre absence significative de congruence : alors que l’offensive de la très civile et "intelligente" Aéronautique israélienne s’est volontairement concentrée sur des personnes sans armes et sur des structures civiles, les "terroristes" rustres et stupides du Hezbollāh ont délibérément limité les dommages portés aux structures civiles israéliennes.
4. Mais la série la plus importante des incongruités s’est avérée par rapport aux "fondements" mêmes de la doctrine militaire israélienne qui apparaissent sur tous les textes des académies et bien en vue sur le site officiel de l’Idf :
"Israël ne peut se permettre de perdre aucune guerre". Ce fondement est apparu immédiatement comme inconsistant au moment où l’on a bombardé les aéroports et les ports en déclarant que l’opération Changement de direction (son nom codé) voulait obtenir "le retour des deux soldats de l’Idf enlevés et le refoulement de l’agression terroriste du Liban". Si la victoire se basait sur le retour des soldats et sur l’élimination du Hezbollāh, la guerre était perdue dés le départ.
"Doctrine stratégique défensive, doctrine tactique offensive". L’opération a fait exactement le contraire. Au niveau stratégique, il s’est agi d’une véritable agression tendant à la déstabilisation permanente d’un état souverain frontalier et à la provocation d’autres états dont on ne pouvait pas ne pas avoir calculé la réaction. Sur le plan tactique, l’opération s’est limitée à défendre les positions et à battre des objectifs mineurs.
"Aucune ambition territoriale". Ce "fondement", comme le suivant est destiné à justifier la légitimité juridique des conflits à affronter. Du fait qu’il n’y a pas de désir de conquête et en privilégiant les moyens politiques, les guerres seraient seulement défensives. Cette fois peut-être Israël ne s’était-il pas fixé d’objectif d’acquisition territoriale mais s’il avait réussi à conquérir la bande libanaise jusqu’à Litāni, on ne sait pas quand il l’aurait cédée. La dernière fois qu’il a fait une affirmation de ce genre, il a occupé le Sud du Liban pendant plus de vingt ans.
"Désir d’éviter la guerre en utilisant des moyens politiques et une attitude de dissuasion crédible". L’usage de moyens politiques au Moyen-Orient est désormais une convention sémantique pour tout le monde. Cela signifie combattre. Mais l’opération a enfreint la deuxième partie, la plus importante du fondement : la dissuasion crédible. En concevant une campagne aérienne de destruction structurelle, Israël a perdu toute crédibilité de dissuasion militaire. Il a démontré qu’il pouvait détruire sans obtenir ce qu’il voulait et ceci est le contraire de la dissuasion.
« Prévenir l’escalade ». L’opération est apparue immédiatement comme destinée à provoquer une escalade non seulement à l’échelle locale (de très modeste capacité) mais aussi régionale. Une des défaites stratégiques les plus cuisantes subies par Israël est représentée par l’abstention à intervenir de la part des rares forces libanaises, des syriennes, de l’Iran et aussi du Hezbollāh lui-même qui n’a pas employé toute sa puissance disponible et a limité ses attaques au territoire libanais ou à la partie la moins signifiante de la Galilée.
"Déterminer le résultat de la guerre le plus tôt possible et de la manière la plus décisive possible". Mener une guerre structurelle de 33 jours contre un adversaire impuissant et limité à une force combattante de 6oo à 8oo hommes est absolument le contraire de ce que prône la doctrine.
"Combattre le terrorisme". C’est une autre déclaration de principe qui n’a pas été respectée. Malgré l’obstination d’Israël à définir le Hezbollāh comme une organisation terroriste et malgré les déclarations d’intention, la guerre a employé dés le début des méthodes inadaptées à combattre le terrorisme. Et, comme certains l’ont souligné avec acuité, la guerre a même découvert les véritables alliés du Hezbollāh. Si le plan de Changement de direction devait être l’élimination de la capacité militaire du Hezbollah dans le Sud du Liban (et aussi à travers la recherche contemporaine du chaos dans tout le pays avec les destructions structurelles, l’exode de la population et le blocus), le présupposé fondamental était de s’éclaircir les idées sur au moins trois points : l’ordre de bataille du Hezbollāh (où étaient les commandements, les missiles et les fusées) ; où en était la résistance morale et organisationnelle du Hezbollāh (quel est son point de rupture ?) et quelle était la limite de rupture pour l’intervention des supposés soutiens extérieurs. Les opérations se sont déroulées dans l’ignorance complète de ces trois éléments. La guerre n’était donc pas dirigée contre le terrorisme.
Aujourd’hui, le Hezbollah n’est plus un état dans l’état au Liban mais c’est le Liban. Il n’était pas une menace crédible pour la survie d’Israël, aujourd’hui il continue à ne pas l’être mais il est plus fort qu’auparavant et en tout cas il faudra tôt ou tard le considérer comme un interlocuteur. Si jamais on pouvait parler de cette guerre comme faisant partie de la lutte contre le terrorisme, Israël n’aurait pas le mérite d’avoir vaincu le Hezbollāh mais de l’avoir transformé et légitimé. Nasrallā peut tranquillement faire son autocritique parce qu’il admet que "en tant que personne normale et en tant qu’humain", il ne pouvait pas imaginer la réaction d’Israël (qui devient ainsi inhumain et bestial). En même temps il s’excuse des conséquences quand il sait très bien que personne n’est disposé à les lui imputer.
La ruse chiite dépasse de loin l’habituelle propagande israélienne et la guerre psychologique, que ses généraux en service et à la retraite ont menée contre les Israéliens eux-mêmes, en faisant croire à la victoire rapide et définitive. Le Hezbollāh a aujourd’hui l’opportunité de se légitimer comme force politique et de gouvernement et a porté un coup bas aussi bien aux Israéliens qu’aux autres pays arabes qui se sont essoufflés au siècle dernier à combattre inutilement Israël et ont dû s’abaisser à des compromis. Le Hezbollāh a démontré que la lutte contre Israël peut être menée, peut être gagnée et qu’elle n’est même pas coûteuse, il suffit de le vouloir vraiment. Ce n’était peut-être pas ce que voulait Israël.
"Accepter un très faible taux de pertes ". Ce principe n’a pas été respecté si l’on considère que les pertes ont été supportées lors de combats sporadiques et de petites unités. Perdre 117 soldats dans des escarmouches et des guet-apens entre forces équilibrées est comme en perdre mille dans une bataille conventionnelle, ce qui n’est pas peu.
"Maintenir une petite armée permanente en mesure de répondre à une menace en peu de temps avec des forces régulières aériennes et navales". Dans cette opération, on a vu une armée vieille, fatiguée, faite de bureaucrates et de retraités.
"Avoir un système de mobilisation et de transport des réserves suffisant". La mobilisation continue à être un instrument essentiel pour Israël. Sa force ne réside cependant pas tant dans le fait d’équiper les unités que de donner un signal fort que l’on veut employer toutes les ressources et qu’on est prêt à une guerre longue. Israël a mobilisé durant l’opération, presque à contrecœur.
"Coordination multi armes". La concentration sur les opérations aériennes a de fait empêché une coordination efficace.
"Transférer dans de brefs délais le combat sur le territoire adverse".C’est l’unique fondement doctrinal respecté. Mais il s’agit là d’un euphémisme pour invasion.
"Acquisition rapide des objectifs de guerre". Fondement final complètement omis.
5. La guerre contre le Liban malgré les affirmations propagandistes est apparue tout de suite comme une guerre faite dans d’autres buts, pour battre un autre adversaire et pour obtenir d’autres choses que celles qui avaient été déclarées. Elle semblait paradoxalement faite pour un autre théâtre d’opérations et pour un autre scénario. On aurait même dit la version réduite et refaçonnée au dernier moment d’une plus vaste opération. Tout deviendrait plus cohérent si l’on pensait non pas au Liban mais à l’Iran et à la théorie du chaos créateur par laquelle les Américains entendent chambouler le Moyen-orient et au-delà. On s’expliquerait la nomination comme chef de l’Idf d’un général de l’Aéronautique avec des velléités et des mythes de faucon des cieux.
L’action israélienne sur l’Iran avec le concours ou pour le compte des Etats-Unis, qui est encore possible, est une action de destruction structurelle qui a besoin d’une grande expérience de coordination entre différentes forces aériennes. Halutz a cette expérience et jouit de la confiance de ses collègues américains. On s’expliquerait alors les plans de bombardement sur des objectifs non reconnus par l’intelligence et on s’expliquerait pourquoi la même intelligence ne tenait pas les objectifs libanais pour des priorités. Ons’expliquerait toutes les autre incongruités liées au faitde devoir faire une guerre quand en réalité on en prépare une autre.
Le Liban comme "répétition" pour l’Iran ? Non, mais comme repli, oui. Peut-être sous l’escorte de pressions électorales. Mais le scénario pourrait aussi être plus dramatique : il n’y a pas eu d’erreur au Liban, c’est seulement que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Il y avait besoin de tenir à l’œil le Hezbollāh tandis que s’était mise en route l’opération Pluie d’été sur la bande de Gaza exactement pour les mêmes motifs ou prétextes. Mais l’action sur le Liban ne devait pas s’arrêter à la chasse aux terroristes, elle devait être aussi une provocation vis-à-vis de la Syrie, de l’Iran et de la communauté internationale elle-même. Ce que l’on pouvait vouloir, c’était un faux pas qui aurait justifié une punition israélienne ou américaine au Moyen-Orient. Les bombardements mais surtout le blocus naval et la violation de la souveraineté devaient se présenter comme des invites à une réaction. Qui n’a pas eu lieu, de la part de personne, à part celle de l’ineffable communauté internationale.
Quand le dessein originaire de provocation régionale s’est révélé irréalisable, le défi s’est déplacé sur l’Onu. En n’intervenant pas, les Nations Unies. auraient renforcé ceux qui en veulent la révision radicale et en intervenant elles auraient dû clarifier leur position vis-à-vis du Hezbollāh. L’Onu a réussi à ne rien clarifier, comme toujours, mais a encaissé la dite "relance" qui est aussi le plus petit résultat auquel l’administration américaine ait pu s’attacher et qu’Israël doit avaler obtorto collo. Pendant trente jours, le Liban a servi d’appât. Pendant les trente prochaines années, l’UNIFIL sera là à regarder. Avec ces deux scénarios, tout apparaît plus cohérent et logique. Tout cadre avec le cynisme normal de la guerre et avec la triste condition d’une partie du monde sujette à l’auto-massacre.
La guerre a toujours un aspect didactique : on part en guerre pour "donner une leçon", après la guerre, on doit "tirer les enseignements", on doit apprendre une leçon. Les dressages de la guerre proviennent toujours de quelqu’un qui se déclare le maître et sont adressés à quelqu’un qui s’estime "à dresser". En général le maître qui s’arroge le droit d’enseigner non seulement à l’adversaire mais au monde, est celui qui gagne. Comme l’histoire humaine est constellée de guerres, il arrive facilement qu’on fasse passer les leçons de la guerre dispensées par les vainqueurs pour des leçons de l’histoire en donnant une patine de noblesse aux échecs et aux infamies. Ceux qui gagnent la guerre tendent à la perpétuer et à la renouveler. Ils la considèrent comme un instrument efficace et se préparent donc à la guerre. La guerre israélienne contre le Liban avec ou sans scénario alternatif est un concentré de tout cela : arrogance d’enseigner, envie de "donner une leçon", leçons du passé "mal apprises", suffisance dans l’évaluation des adversaires et syndrome de la victoire.
Il y a cependant une nouveauté par rapport à ce à quoi nous avait habitués Israël. Pour la première fois, il n’a pas gagné et ne peut donc pas enseigner. Non pas qu’il ait été vaincu sur le terrain mais il n’a atteint aucun des objectifs fixés et a affaibli sa position politique au point de compromettre sa crédibilité. Pour la première fois les plus critiques envers l’Idf ne sont pas les victimes mais les citoyens israéliens eux-mêmes. Pour la première fois, les Forces armées ont remisé au placard leur renommée d’invincibilité pas tellement en perdant sur le terrain mais en ne réussissant pas à vaincre un adversaire auquel elles ne reconnaissent même pas le statut de combattant ou d’adversaire légitime. Ce sont toutes des premières fois qui doivent inquiéter car le pire aspect de la "première fois" est qu’elle n’est jamais la dernière. C’est une chose qu’Israël ne peut pas se permettre et qui transforme donc cette campagne non gagnée en une véritable défaite existentielle.
On dit que la défaite aussi devrait enseigner quelque chose et que l’on apprend à partir de ses propres erreurs. Malheureusement ce sain principe n’est pas toujours valable en matière de guerre. Aucun vaincu de guerre n’a jamais appris une leçon fondamentale : y renoncer. Au contraire, plus il est massacré et plus il tend à répéter l’expérience de la guerre. Aux erreurs précédentes on remédie parfois, mais pour avoir juste le temps d’en commettre de nouvelles encore plus fatales. Et puis si l’on considère que la défaite est injuste - ou si on ne veut pas l’admettre, ou si on l’attribue à d’autres facteurs que les facteurs réels - alors, la tendance est à la répétition des mêmes erreurs que par le passé. Les vaincus font eux aussi partie des responsables et des provocateurs de la guerre suivante, tout comme les vainqueurs. Les Israéliens ont eu une occasion pour réfléchir non seulement sur comment faire la guerre mais sur pourquoi et pour qui. Cela n’a rien à voir avec des leçons de guerre. Et pas non plus avec l’histoire, à moins que ce ne soit le déclic pour en démarrer une autre, entièrement nouvelle.
Supplément de ("ISRAELE contro IRAN") n°4 2006 LIMES
Messages
1. VIVE LE HEZBOLLAH, 7 octobre 2006, 12:01
Bravo aux combattants du hezbolah qui ont tenus durant 34 jours tout en infligeant une défaite inoubliable aux soit disant "forces de défense d’israel" qui au moins ont été les meilleurs sur un point :le massacre de civils et d’innocents ce qui n’est au passage pas surprenant puisque c’est une entité aggressive qui a besoin de tuer et de massacrer pour assurer son existence qui est justement illegitime .
Un excellent article que nous avons la sur cette guerre du liban mais qui oublie de mentionner l’imbecilité des dirigeant d’israel et surtout de leur premier ministre qui non seulement na pas gagné cette guerre qu’il executait pour le compte des americains mais n’a ni stopper les roquettes sur israel ,ni detruit le hezbollah ,ni ramené les deux soldats capturés au bercail ,mais ce qui dénote vraiment de son imbecilité et de sa stupidité et probablement d’un profond trouble psychique chez lui c’est qu’il fasse une tournée dans la gallilée et déclare à de nombreux habitants du nord qui ont subicette guerre que l’un des résultats de cette guerre est que lui continue à marcher librement dans le nord tandisque nassrallah se cache dans un abris .
Si les habitants d’israel se contente ce resultat comme victoire c’est qu’ils ont été contaminés par la stupidité de leur ministre .