Accueil > "Il faut donc le frapper au cœur"
L’insoutenable libéralisme
Politis, n° 999, 24 avril 2008
mardi 29 avril 2008, par Jean-Marie Harribey
(...)
"Alors que le gouvernement s’apprête à réduire encore les retraites par répartition, un troisième prône de faire financer les retraites par les marchés financiers (Didier Migaud, Le Monde, 2 avril 2008) en abondant le Fonds de réserve des retraites. En plaçant les sommes qui lui seraient allouées, il obtiendrait une rentabilité de 8% par an. On pourrait ironiser : pourquoi pas 15%, puisque telle est la norme moyenne internationale ? Mais l’important est ailleurs : apparaît la naïveté ou le cynisme de l’idée qu’il y aurait une source miraculeuse de richesse supplémentaire qui pourrait jaillir d’une « puissante industrie de l’épargne retraite » (Michel Aglietta, L’Humanité dimanche, 10 avril 2008). Si le rendement d’un placement financier croît plus vite que la production, cela signifie simplement que le capital s’en est approprié une part plus grande et que la rémunération salariale, incluant les cotisations sociales, a vu la sienne diminuer.
Le journal Les Echos (4 et 5 avril 2008) fait grand cas du chiffrage par le Conseil d’orientation des retraites du surcoût des retraites si l’on ne passe pas à 41 ans de cotisations d’ici 2012 et à 41 ans et demi d’ici 2020 : 4 milliards d’euros de plus. Inimaginable, n’est-ce pas ? Eh bien, si, imaginons. Le pire : que le PIB n’augmente pas du tout d’ici 2020. Alors, 4 milliards sur 1800, c’est 0,22%.
Autrement dit, la société ne serait pas capable de déplacer 0,22% du PIB, à peine plus que deux petits millièmes ! Tandis qu’elle a toléré depuis vingt-cinq ans un déplacement de 30 à 40 fois supérieur de la masse salariale vers les profits.
Comme l’argumentaire libéral est plombé, de nouveaux leurres sont imaginés. L’Institute of International Finance propose un « code de conduite », pendant que s’amorce la prochaine bulle sur les matières premières et les céréales. En France, après la pantalonnade de la commission Attali qui se faisait forte d’obtenir une croissance économique de 5% par an ( !), une commission Sen-Stiglitz-Fitoussi est née. Elle a pour tâche de construire un nouvel indicateur de richesse, faute de pouvoir changer la conception de la richesse imposée par un capitalisme qui veut croître à tout prix. Cette commission qui se propose d’inventer un PIB « doux » ou « vert » ou « moral » parviendra-t-elle à se débarrasser des dogmes les plus tenaces ?
En vrac : le travail n’est pas ou plus l’unique source de tous les revenus (d’où vient la rente financière alors ?), l’épargne individuelle garantit l’avenir (les biens et services tomberont-ils du ciel avec la capitalisation ?), l’enseignement est une dépense (quel investissement n’en est-il pas une ?), les salariés de la fonction publique ne produisent rien (et les valeurs d’usage de l’éducation, de la santé ?), la nature a une valeur économique intrinsèque (combien, s’il vous plaît, pour la lumière solaire ou pour l’océan non mercurisé ?)
On sait depuis longtemps que le capitalisme est insoutenable socialement et écologiquement. Ce que la crise actuelle révèle, c’est l’insoutenable légèreté de son idéologie, le libéralisme économique, lequel est aujourd’hui nu pour avoir poussé jusqu’au bout l’absurdité de ses hypothèses. La légitimation du système est en panne, mais reste le système qui ne court pas grand danger avec des velléités moralisatrices. Il faut donc le frapper au cœur : sa circulation sanguine "
Messages
1. "Il faut donc le frapper au cœur", 1er mai 2008, 10:21
Irrésistible : http://www.bellaciao.org/fr/spip.ph...