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Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans

Publie le mercredi 23 novembre 2005 par Open-Publishing
15 commentaires

Extraits d’un reportage de 6 pages dans le supplément hebdomadaire de Haaretz daté du 18 novembre
Pour contribution au débat : traduction de l’hébreu - extraits - Michel Warschawski - Michèle Sibony
N.B. Tous les passages en italiques sont des traducteurs

Titre :

Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans

Chapeau : Le philosophe juif Alain Finkelkraut, l’un des plus célèbres intellectuels français et porte-drapeau de la guerre contre le nouvel antisémitisme ne peut pas entendre parler maintenant de racisme français, de pauvreté et d’exclusion. Qu’on le laisse tranquille avec ce discours mensonger. De son point de vue, tout est clair, malgré tout ce que la France a fait pour eux les fils d’immigrés islamiques la haïssent. C’est comme ça dans leur culture. Et les belles âmes bourgeoises et les écoles ramollies les encouragent. Et la France s’en va au diable.

Les réponses de Finkelkraut ont visiblement étonné les journalistes qui l’ont interrogé à Paris. Ils signalent que « pourtant, elles n’émanent pas du front national mais de la bouche d’un philosophe qu’on considérait autrefois comme l’un des porte-parole de la gauche française, et l’un des philosophes qui ont mûri dans la révolte des étudiants de mai 68 » Ils précisent d’entrée de jeu que AF, lors de ses réponses, insiste et revient régulièrement sur le fait que « il ne peut plus dire (cela ) en France », « on ne peut pas dire ça en France » « il est peut être dangereux de dire ça en France ».

Sur les émeutes en France

Question : Dans la presse française, les émeutes dans les banlieues sont perçues surtout comme un problème économique, une réaction violente à une situation de pauvreté dure et de discrimination, alors qu’en Israël, on a plutôt tendance à penser que l’origine de cette violence est religieuse ou du moins ethnique. C’est-à-dire, à voir en elle un élément du combat islamique. Comment vous situez vous par rapport à ces différentes positions ?
Réponse : En France, on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau social. Voir en elles une révolte de jeunes de banlieues contre leur situation, la discrimination dont ils souffrent et contre le chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et s’identifient à l’Islam. Il y a en effet en France d’autres émigrants en situation difficile, chinois, vietnamiens portugais, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu’il s’agit d’une révolte à caractère ethnico-religieux.

Q. Et d’où vient-elle ? Est ce une réponse des Arabes et des Noirs au racisme dont ils sont victimes ?
R. Je ne le pense pas, parce que cette violence a été précédée de signes annonciateurs très préoccupants que l’on ne peut réduire à une simple réaction au racisme français. Prenons par exemple les événements qui ont accompagné, il y a quelques années, le match de football France-Algérie, ce match s’est déroulé à Paris au stade de France, on nous dit que l’équipe de France est adorée par tous parce qu’elle est « black blanc beur », en fait, aujourd’hui, elle est black black black, ce qui fait ricaner toute l’Europe. Si on fait une telle remarque en France, on va en prison, mais c’est quand même intéressant que l’équipe de France de football soit composée presque uniquement de joueurs noirs. Quoiqu’il en soit, cette équipe est perçue comme le symbole d’une société multiethnique, ouverte, etcŠ Le public dans le stade, des jeunes d’origine algérienne ont hué pendant tout le match cette même équipe. Ils ont même hué la Marseillaise et le match a dû être interrompu quand les jeunes ont envahi le terrain avec des drapeaux algériens.
Et il y a aussi les paroles des chansons de rap, des paroles très préoccupantes, de véritables appels à la révolte, je crois qu’il y en a un qui s’appelle docteur R, qui chante « je pisse sur la France je pisse sur de Gaulle » etcŠ ce sont des déclarations très violentes de haine de la France. Toute cette haine et cette violence s’expriment maintenant dans les émeutes, y voir une réponse au racisme français c’est être aveugle à une haine plus large : La haine de l’Occident qui est responsable de tous les crimes. La France découvre cela aujourd’hui.

Q. Cela signifie, d’après vous, que ces émeutes ne sont pas orientées contre la France mais contre tout l’Occident ?
R. Non, elles sont orientées contre la France, comme ancienne puissance coloniale, contre la France, pays européen. Contre la France avec sa tradition chrétienne, ou judéo-chrétienne.

Q. Est-ce que vous pensez que la source de cette haine envers l’Occident parmi les français qui participent à ces émeutes est dans la religion, dans l’islam ?
R. Sur ce sujet il faut être clair, c’est une question très difficile et il faut essayer de garder un langage de vérité. On a tendance à avoir peur du langage de vérité, pour des raisons « nobles ». On préfère dire « les jeunes » que « noirs » ou « arabes ». Mais on ne peut sacrifier la vérité quelles que soient les nobles raisons. Il faut bien entendu éviter les généralisations : Il ne s’agit pas de tous les noirs et de tous les arabes, mais d’une partie des noirs et des arabes. Et évidemment la religion, non pas comme religion, mais comme ancre d’identité joue un rôle. La religion telle qu’elle apparaît sur internet et les chaînes de télévision arabes, sert d’ancre d’identification pour certains de ces jeunes. Contrairement à d’autres, moi je n’ai pas parlé d’Intifada des banlieues, et je ne pense pas qu’il faille utiliser ce terme. J’ai pourtant découvert qu’eux aussi envoyaient en première ligne de la lutte les plus jeunes, et vous en Israël vous connaissez ça, on envoie devant les plus jeunes parce qu’on ne peut pas les mettre en prison lorsqu’ils sont arrêtés. Quoiqu’il en soit, ici il n’y a pas d’attentats, et on se trouve à une autre étape : je pense qu’il s’agit de l’étape du pogrom antirépublicain. Il y a des gens en France qui haïssent la France comme république.

Q. Mais alors pourquoi ? Pour quelle raison ?
R Pourquoi est ce que le monde arabo-musulman, en partie du moins, a déclaré la guerre à l’Occident ? La république est la version française de l’Europe. Eux et ceux qui les justifient disent que cela provient de la fracture coloniale. D’accord, mais il ne faut pas oublier que l’intégration des travailleurs arabes en France à l’époque du pouvoir colonial était beaucoup plus simple. C’est-à-dire que c’est une haine à retardement, une haine a posteriori. Nous sommes témoins d’une radicalisation islamique qu’il faut expliquer dans sa totalité avant d’arriver au cas français, d’une culture qui, au lieu de s’occuper de ses propres problèmes, recherche un coupable extérieur. Il est plus simple de trouver un coupable extérieur. Il est séduisant de se dire qu’en France, tu es exclu et « donnez-moi ! donnez-moi ! »
Ca n’a jamais marché comme cela pour personne et ça ne peut pas marcher.

De l’école en France et des bienfaits du colonialisme

Aux Etats unis également nous sommes témoins de l’islamisation des noirs. C’est Lewis Farkhan en Amérique qui le premier a dit que les juifs ont joué un rôle central dans l’esclavagisme. Et le principal porte-parole de cette théologie en France aujourd’hui, c’est Dieudonné, c’est lui qui est aujourd’hui le vrai patron de l’antisémitisme en France, et non le Front national. Mais en France, au lieu de combattre son discours, on fait précisément ce qu’il demande : on change l’enseignement de l’histoire coloniale et de l’histoire de l’esclavage dans les écoles. On y enseigne aujourd’hui l’histoire coloniale comme une histoire uniquement négative. On n’enseigne plus que le projet colonial voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages. On ne parle que des tentatives d’exploitation, de domination, et de pillage. Mais en fait qu’est ce que veut Dieudonné ? Il exige une « shoah » et pour les arabes et pour les noirs, mais si l’on met la shoah et l’esclavage sur le même plan, alors on est obligé de mentir, car ce n’était pas une shoah. Et ce n’était pas un crime contre l’humanité parce que ce n’était pas seulement un crime. C’était quelque chose d’ambivalent. Ainsi en est-il également de l’esclavage. Il a commencé bien avant l’Occident. En fait, la spécificité de l’Occident pour tout ce qui concerne l’esclavage, c’est justement tout ce qui concerne son abolition. L’abolition de l’esclavage est une question européenne et américaine. Cette vérité-là sur l’esclavage, il est maintenant interdit de l’enseigner dans les écoles.
C’est pourquoi tous ces événements-là m’attristent beaucoup : non pas parce qu’ils se sont produits, après tout il fallait être aveugle et sourd pour ne pas voir qu’ils auraient lieu, mais à cause des explications qui les accompagnent. Elles sont un coup mortel à la France que j’ai aimée, et j’ai toujours dit que la vie deviendrait impossible pour les juifs de France quand la francophobie vaincrait, et c’est ce qui va se passer. Ce que j’ai dit maintenant, les juifs le comprennent. Tout d’un coup, ils regardent autour d’eux et voient tous les « bobos » qui chantent des louanges aux nouveaux « damnés de la terre » et se disent : qu’est-ce que c’est que ce pays, que lui est-il arrivé ?

Q. Puisqu’il s’agit, selon vous, d’une offensive islamique, comment expliquez-vous que lors des derniers événements les juifs n’ont pas été attaqués ?
R. Premièrement, on dit qu’une synagogue a été attaquée. Mais je pense que ce qu’on a vécu, c’est un pogrom antirépublicain. On nous dit que ces quartiers sont délaissés et que les gens sont dans la misère. Quel lien y a-t-il entre la misère et le désespoir et brûler des écoles ? Je pense qu’aucun juif ne ferait jamais ça. Ce qui unit les juifs ­ laïques, religieux, de la Paix Maintenant ou partisans du grand Israël ­ c’est un mot, le mot schlule (lieu d’étude)* c’est ce qui nous unit tous comme juifs. Et j’ai été tout simplement scandalisé de ces actes qui se sont répétés, et encore plus scandalisé par la compréhension qu’ils ont rencontrée en France. On les a traités comme des révoltés, comme des révolutionnaires. C’est la pire des choses qui pouvaient arriver à mon pays et je suis très malheureux. Pourquoi ? Parce que le seul moyen de surmonter, c’est de les obliger à avoir honte. La honte, c’est le début de la morale. Mais au lieu de les pousser à avoir honte, on leur a donné une légitimité : ils sont « intéressants ». Ils sont « les damnés de la terre ». Imaginez un instant qu’ils soient blancs comme à Rostock en Allemagne, on dirait immédiatement : le fascisme ne passera pas. Un arabe qui incendie une école c’est une révolte, un blanc c’est du fascisme. Je suis daltonien : le mal est le mal, peu importe sa couleur. Et ce mal-là, pour le juif que je suis, est totalement inacceptable.
Pire, il y a là une contradiction, car si effectivement ces banlieues étaient dans une situation de délaissement total, il n’y aurait pas de salles de sport à incendier, il n’y aurait pas d’écoles et d’autobus. S’il y a des gymnases, des écoles et des autobus, c’est que quelqu’un a fait un effort. Peut-être insuffisant, mais un effort quand même.

Q. Mais pourtant le taux de chômage dans les banlieues est insupportable, près de 40% des jeunes entre 15 et 25 ans n’ont aucune chance de trouver un travail ?
R. Revenons un moment à la schule. Lorsque les parents t’envoient à l’école, est-ce que c’est pour trouver un travail ? Moi, on m’a envoyé à l’école pour apprendre. La culture et l’éducation ont une justification en elles-mêmes. Tu vas à l’école pour apprendre, c’est ça le but de l’école. Et ces gens qui détruisent des écoles, que disent-ils en fait ? leur message n’est pas un appel à l’aide ou une exigence de plus d’écoles ou de meilleures écoles, c’est la volonté de liquider les intermédiaires entre eux et les objets de leurs désirs. Et quels sont les objets de leurs désirs ? c’est simple : l’argent, les marques, et parfois, des filles. C’est pourquoi il est certain que notre société a sa responsabilité, parce qu’ils veulent tout maintenant et ce qu’ils veulent, c’est l’idéal de la société de consommation. C’est ce qu’ils voient à la télévision.

Racisme et antisémitisme

Non à l’antiracisme

Mais justement, le philosophe juif qui lutte contre l’antisémitisme pour entrer en guerre contre « la guerre antiraciste ». (Fin des commentaires des journalistes)

« Je suis né à Paris et suis le fils d’immigrants polonais, mon père a été déporté de France, ses parents ont été déportés et assassinés à Auschwitz, mon père est rentré d’Auschwitz en France. Ce pays mérite notre haine. Ce qu’il a fait à mes parents était beaucoup plus brutal que ce qu’il a fait aux Africains. Qu’a-t-il fait aux Africains ? Il n’a fait que du bien. A mon père, il lui a fait vivre l’enfer pendant 5 ans. Et on ne m’a jamais enseigné la haine. Aujourd’hui la haine des noirs est encore plus forte que celle des arabes.

Q. Mais justement, vous qui combattez le racisme antijuif affirmez que la discrimination et le racisme dont parlent ces jeunes n’existent pas en réalité ?
R. Bien sûr qu’il y a une discrimination. Et il y a certainement des Français racistes. Des Français qui n’aiment pas les arabes et les noirs. Et ils les aimeront encore moins maintenant quand ils prendront conscience de combien eux-même les haïssent. C’est pourquoi cette discrimination va s’approfondir pour tout ce qui concerne le logement et aussi le travail.
Imaginez que vous gérez tous deux un restaurant et vous êtes antiracistes, vous pensez que tous les hommes sont égaux et en plus, vous êtes juifs, c’est-à-dire que pour vous, parler d’inégalité entre les race pose problème, et imaginez qu’un jeune des banlieues vienne demander un emploi de serveur, il a l’accent des banlieues, vous ne l’engagerez pas, c’est très simple. Vous ne l’engagerez pas parce que c’est impossible. Il doit vous représenter, et ceci exige de la discipline, de la politesse et une manière de parler. Et moi je peux vous dire que même des Français blancs qui copient aujourd’hui les codes de conduite des banlieues, et cela existe, se heurteront au même problème exactement. La seule manière de lutter conte la discrimination est de revenir aux exigences, une éducation sévère, c’est le seul moyen. Mais cela aussi il est interdit de le dire. Je ne le peux pas. Ce sont des choses du bon sens auxquelles on préfère le mythe du « racisme français ». Ce n’est pas juste. Nous vivons aujourd’hui dans un environnement de « guerre permanente contre le racisme », et il faut étudier la nature de cet antiracisme. Tout à l’heure, j’ai entendu à la radio quelqu’un qui s’opposait à la décision du ministre de l’Intérieur, Sarkozi, d’expulser quiconque, n’ayant pas la citoyenneté française, a participé aux émeutes et a été arrêté. Et qu’a-t-il dit ? Qu’il s’agissait d’une « épuration ethnique ». J’ai combattu pendant la guerre de Yougoslavie contre l’épuration ethnique des musulmans en Bosnie. Aucune organisation musulmane française ne s’est jointe à nous, ils ne se sont réveillés que pour soutenir les Palestiniens. Et maintenant, on parle d’épuration ethnique ? Il n’y a pas eu un seul mort pendant ces émeutes, en fait si, il y en a eu deux, mais c’était un accident. On ne les poursuivait pas, mais ils se sont enfuis et cachés dans un transformateur électrique malgré les panneaux d’avertissement qui étaient énormes.
Mais je pense que l’idée généreuse de guerre contre le racisme se transforme petit à petit monstrueusement en une idéologie mensongère. L’antiracisme sera au vingt-et-unième siècle ce qu’a été le communisme au vingtième. Aujourd’hui les juifs sont attaqués au nom du discours antiraciste : la barrière de séparation, « sionisme égal racisme », la même chose en France. Il faut se garder de l’idéologie de l’antiracisme. Bien sûr, il y a un problème de discrimination, il y a un réflexe xénophobe c’est vrai, mais présenter les événements comme une réaction au racisme est tout à fait mensonger, tout à fait mensonger.

Q. Que pensez-vous des moyens qu’utilise le gouvernement français pour mettre fin à la violence, l’état d’urgence, le couvre-feu ?
R. Mais c’est tellement normal ! Ce que nous avons vécu est terrible. Il faut comprendre que ceux qui ont le moins de pouvoir dans la société sont les autorités, les gouvernants. C’est vrai, ils sont responsables du maintien de l’ordre, et c’est important, parce que sans eux il y aurait eu une autodéfense, et les gens auraient tiré. Alors, ils maintiennent l’ordre et font cela avec une prudence extraordinaire, il faut les saluer pour cela. En mai 68, il y avait un mouvement tout à fait innocent comparé à celui d’aujourd’hui et il y a eu une violence policière. Ici on jette des cocktails Molotov et on tire à balles réelles. Et il n’y a eu aucun cas de violence policière. (Note des journalistes : depuis l’interview, plusieurs policiers ont été arrêtés suspectés de violence) Il n’y a aucun précédent. Comment maintenir l’ordre ? Par des moyens dictés par le bon sens que, soit dit en passant, 73% des Français soutiennent d’après une enquête du journal Le Parisien. Mais je pense qu’il est trop tard pour provoquer chez eux la honte, parce que à la télévision, à la radio et dans les journaux, ou du moins dans la plupart d’entre eux, on présente aux émeutiers un miroir embellissant. Ce sont des gens « intéressants », on flatte leur souffrance et on comprend leur désespoir. En plus il y a la grande perversion du spectacle. On brûle des voitures pour qu’on puisse le voir à la télévision, cela leur permet de se sentir « importants », de sentir qu’ils vivent dans un quartier important, cette course après le spectacle doit être analysée, elle produit des effets tout à fait pervers. Et la perversion du spectacle est accompagnée de commentaires tout à fait pervers.

Si cela ne leur plaît pas qu’ils rentrent chez eux

AF. On dit que le modèle républicain s’est effondré dans ces émeutes. Mais le modèle multiculturel ne va pas mieux. Ni en Hollande ni en Angleterre. A Bradford et à Birmingham aussi, ont eu lieu des émeutes sur fond racial. Deuxièmement, l’école républicaine, symbole du modèle républicain, n’existe plus depuis longtemps. Je connais l’école républicaine, j’y ai étudié. C’était une institution avec des exigences sévères, austère, assez antipathique, qui avait construit de hautes murailles pour se protéger du bruit de l’extérieur.
Trente années de réformes stupides ont changé ce paysage. L’école républicaine a été remplacée par « la communauté éducative », horizontale et non verticale, on a révisé à la baisse les programmes scolaires, le bruit de l’extérieur est entré, la société est rentrée dans l’école. Ce qui signifie que ce que nous voyons aujourd’hui, c’est en fait l’échec du modèle postrépublicain « sympa ». Le problème avec ce modèle, c’est qu’il se nourrit de ses propres échecs : chaque fiasco est une raison pour le rendre encore plus extrême. L’école sera encore plus « sympa ». En fait, face à ce que nous voyons, le minimum de ce que nous devons exiger, c’est la sévérité et plus d’exigence. Sinon, on aura bientôt des « cours de délinquance ».
Ceci est une évolution caractéristique de la démocratie. La démocratie comme processus ainsi que l’a bien montré Tocqueville, ne supporte pas l’horizontalité. En démocratie, il est difficile de supporter des espaces non démocratiques. Tout doit être démocratique dans la démocratie. Mais l’école ne peut pas être ainsi. Elle ne le peut pas. L’asymétrie saute pourtant aux yeux : entre celui qui sait et celui qui ne sait pas, entre celui qui apporte avec lui un monde, et celui qui est nouveau dans ce monde. Le processus démocratique a provoqué une délégitimité de cette asymétrie. C’est un phénomène général dans le monde occidental, mais en France, il prend une forme plus pathétique, parce que l’une des caractéristiques de la France était son éducation sévère. La France a été construite autour de son école.

Q. Beaucoup de jeunes disent que le problème est qu’ils ne se sentent pas Français, que la France ne les traite pas comme des Français.
R. Le problème est qu’il faut qu’ils se considèrent eux même comme Français. Si les immigrants disent : « les Français » quand ils partent des blancs, alors on est perdu. Si leur identité se trouve ailleurs et s’ils sont en France par intérêt, alors on est perdu. Je dois reconnaître que les juifs aussi commencent à utiliser cette expression, je les entends dire « les Français » et je ne peux pas supporter ça. Je leur dis : « si pour vous, la France n’est qu’une question d’intérêt et votre identité est le judaïsme, alors soyez cohérents avec vous-même, vous avez Israël ». C’est effectivement un grand problème : nous vivons dans une société post-nationale dans laquelle pour tout le monde l’Etat n’est qu’une question d’intérêt, une grande compagnie d’assurance, il s’agit-là d’une évolution très grave.
Mais s’ils ont une carte d’identité française, ils sont Français, et s’ils n’en ont pas, ils ont le droit de s’en aller. Ils disent « je ne suis pas Français, je vis en France, et en plus ma situation économique est difficile. » Personne ne les retient de force ici, et c’est précisément là que se trouve le début du mensonge. Parce que s’ils étaient victimes de l’exclusion et de la pauvreté, ils iraient ailleurs. Mais ils savent très bien que partout ailleurs, et en particulier dans les pays d’où ils viennent, leur situation serait encore plus difficile pour tout ce qui concerne leurs droits et leurs chances.

Q. Mais le problème aujourd’hui est l’intégration dans la société française de jeunes gens et de jeunes filles de la troisième génération, et non d’une vague de nouveaux immigrants. Ils sont nés en France et ils n’ont nulle part ailleurs où aller.
R. Ce sentiment qu’ils ne sont pas Français, ce n’est pas l’école qui le leur donne ; il y a ici des écoles partout. En France, comme vous le savez peut-être, on inscrit les enfants dans les écoles, même s’ils se trouvent illégalement dans le pays. Il y a ici quelque chose de surprenant de paradoxal. L’école pourrait très bien appeler la police puisque l’enfant se trouve en France illégalement, et malgré tout, l’école ne prend pas en considération leur illégalité.
Il y a des écoles là-bas, et il y a des ordinateurs partout. C’est là que vient le moment où il faut faire un effort, et ceux qui font les émeutes ne sont pas prêts à faire cet effort. Jamais.
Prenez par exemple la langue, vous dites qu’ils sont d’une troisième génération, alors pourquoi est-ce qu’ils parlent le français comme ils le parlent. C’est un français égorgé, l’accent, les mots, la grammaire. C’est à cause de l’école ? A cause des profs ?

Q. Puisque les arabes et les noirs, apparemment, n’ont pas l’intention de quitter la France, comment pensez-vous traiter le problème ?
R. Ce problème est le problème de tous les pays européens. En Hollande, on est confronté à ce problème depuis l’assassinat de Théo Van Gogh. La question n’est pas « quel est le meilleur modèle d’intégration ? », mais la possibilité même d’une intégration pour des gens qui vous haïssent.

Q. Et que va-t-il se passer en France ?
R. Je ne sais pas, je suis désespéré. A cause des émeutes et à cause de leur accompagnement médiatique. Ils vont se calmer, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ce ne sera pas un retour au calme. Ce sera un retour à la violence habituelle. Alors, ils vont arrêter parce qu’il y a tout de même un couvre-feu, et les étrangers ont peur, et les dealers veulent reprendre les affaires. Mais ils jouiront du soutien et de l’encouragement à leur violence antirépublicaine, par le biais du discours repoussant de l’autocritique sur leur esclavage et le colonialisme. C’est cela, ce n’est pas un retour au calme, mais à la violence de routine.

Q. Alors, votre conception du monde n’a aucune chance ?
R. Non. J’ai perdu. Pour tout ce qui concerne la lutte sur l’école, j’ai perdu. C’est intéressant, parce que quand je parle, comme je parle, beaucoup de gens sont d’accord avec moi. Beaucoup. Mais il y a quelque chose en France, une espèce de déni qui provient des « bobos » des sociologues et des assistants sociaux, et personne n’a le courage de dire autre chose. Ce combat est perdu, je suis resté en arrière.

Dror Mishani et Aurélia Samothraiz

* schule : mot yiddish qui signifie école , désigne plutôt chez les juifs ashkénaze de France la synagogue (ndlt)

Traduction de toutes les questions et réponses du philosophe. La parties non traduites sont des passages de commentaires des journalistes qui semblent plutôt surpris de ce qu’ils entendent.
Titre sur la couverture du supplément sous la photo de A. Finkielkraut : « Vous les Israéliens, vous me comprenez. »

(ndlt)

Messages

  • Bon ,seule solution pour Alain partir en Israël : mais là je plains le israëliens de Gauche ou les partisans de la paix comme M WARCHAWSKI ( le M c’est pour Michel et pas pour monsieur ) , les copains vous n’êtes pas sorti de l’auberge !
    Un "goy" qui aime bien certains juifs et certains arabes et ..certains blancs mais qui commence à trouver pénibles tous les cons de toutes les espèces qui nous entourent !
    et j’oubliais certains noirs aussi plutôt Mgr Tutu qu’Amin Dada pour preciser !

    Ce qui est bien avec Finkelkraut c’est que l’on comprend mieux les ravages de toute pensée unique sur l’intellect !

  • SI CELA NE LEUR PLAIT PAS QU’ILS RENTRENT CHEZ EUX !

    C’est terrible de constater qu’un intellectuel bascule dans la haine barbare.
    C’est une phénomène de régression !
    Cette régression a déja été constaté dans le livre de IONESCO : RHINOCEROS.
    FINKELKRAU est simplement un symptome de cette épidémie de peste brune.
    C’est une phrase qu’aurait pu dire Hitler à propos des juifs.
    Pour les juifs de France chez eux c’était la France et cela le restera pour l’éternité.
    Le racisme de Finkelkrau est le même que tout autre racisme contre les noirs, les femmes, les homosexuels, les handicapés ect...
    C’est tellement facile de se laisser envahir par la haine car elle assouvie nos instincts les plus vils.
    Finkelkrau le philosophe c’est rendu au Finkelkrau le barbare.
    Cela doit nous alerter sur nous même car cette épidémie est transmissible et extrèmement contagieuse.
    Nous traversons une époque de toutes haines.
    Ne nous trompons pas, les massacres et les génocides sont déjà là.

    Houari

  • je propose de destituer alain fikelkraut de son statut de philosophe : pour moi sa déclaration relève de sa discussion de café.
    ***la philosophie ça s’apprend pas dans les livres***

  • je suis née juive comme l’écrivait Marcel Liebmann, fille d’un "enfant-étoile" mais avant tout citoyenne cosmique, refractaire à tte forme de communautarisme que je combats de manière virulente y compris au sein des miens dont certains ont préféré perdurer "notre histoire" pour des raisons spirituelles, pacifistes, qui leur appartiennent mais qui en aucun cas ne me concerne pas plus que mes enfants qui sont élevés dans un état laïc et républicain... Mais je suis vraiment écoeurée des propos tenus par ce monsieur F.
    Je tiens néanmoins à me préserver de tte dérive, récupération politique ou autre... Je n’ai pas oublié que Tarik Ramadan fut invité au forum social et je ne puis que me féliciter d’associations comme "Ni putes ni Soumises" en espérant -fort naïvement je le concède- vivre ds l’intégration des peuples et des metissages. J’encourage mes enfants encore jeunes à suivre ce chemin malgré ces sentiers nébuleux. Je me définis plus que jamais être une utopiste, comme Victor Hugo, car l’Utopie est la réalité de demain. Courage, fuyons tt ce qui ns rattache à des carcans, au poids de notre histoire, qui fut si douloureuse pour de nombreux peuples. Soyons UN bordel de merde !

    Karin Boruchowitch (k.boruchowitch@wanadoo.fr)

    • Karin je suis d’accord avec toi
      mais pour moi ce monsieur F. n’est pas un philosophe
      juste un accuseur public style café du commerce
      grave le mec
      ojdl

    • qu’on soit politiquement incorrect est d’utilité publique encore faut-il le faire avec talent et justice ; l’ex-philosophe n’a usé d’aucun des deux dans ce discours bileux...

    • Je suis sidérée par les propos émis par ce soit disant philosophe, qui mélange les problémes et qui fait un amalgame monstrueux entre ce qui est et ce qui n’est pas.

      Je suis française d’origine congolaise. Je suis née en France, donc je suis une fille de la république même si certaines personnes essayent de me démontrer le contraire (discriminations raciales etc..) apparement certains français de souche ne supporte pas le fait que l’on peut être française et avoir une peau de "couleur" (d’autant plus que le blanc est aussi une couleur)

      Mais malgré tout j’ai lutté, jour aprés jour, dans ma cage de cité pour ne pas reproduire le soit disant schéma FRANCAISE NON BLANCHE=RACAILLE (c’est à dire une personne en marge de la société), en effet j’ai eu des parents qui m’ont appris le modéle de la république, qui m’ont encouragé dans ma réussite universitaire. Malgré les embûches que j’ai rencontré j’ai obtenu :

       un bep comptabilité
       un bep secretariat en candidate libre
       un bac comptabilité ....et arrivé à ce stade de nombreux profs ont voulu m’incité à ne plus croire à mes rêves, alors que je voulais avoir une mâitrise comme mon pére et ma mére....
      qui eux n’ont pas pu avoir le métier qu’ils souhaitaient (car pour certains entrepreneurs les noirs ne doivent effectués que des travaux sulbalternes même s’ils sont diplomés)

      Mais dieu merci, j’ai eu la chance pendant ma formation en bep de rencontrer des professeurs exceptionnels comme Madame BOUAZIZ, Monsieur Rosmy qui m’ont motivé jusqu’au bout en me précisant que j’avais les capacités d’étudier jusqu’en maitrise et de réaliser mes rêves, et j’ai eu ma maîtrise......

      Mais malgré que je suis française, bien instruite, ouverte d’esprit etc le rejet vis à vis de ma couleur de peau m’empêche de vivre à 100% MA CITOYENNETE, car je me sens rejetté voir méprisé

      De nombreuses personnes sont dans la même situation que moi et ne trouve pas d’emploi, TROUVEZ VOUS CELA NORMAL d’avoir un excellent cv, d’être reçu en entretient et de ce faire exclure à cause d’une carnation de peau différente....(POURTANT beaucoup de gens appartenant à la communauté dite de couleur sont instruit)

      C’est malheureux mais c’est comme ça, et les jeunes de cité ont exprimés leurs colères même si les moyens qu’ils ont utilisé étaient déplorables. Mais je comprend leurs revendications, pourtant je ne suis pas musulmane, ni antisémite ni tout ce que vous voulez je suis juste une citoyenne du monde qui à de la compassion pour les opprimés quelque soit leurs origines ethniques, sociales etc

      La société à produit des petits délinquants qui sont à la base des révoltés de la France à deux vitesse , de cet apartheid invisible , pour que le slogan républicain existe il faut le respecter , il en va du bon fonctionnement de notre pays

      Et ne laissons pas des propos infects tenu par des soit disants philosophe pourrir la situation de certains fils de la république qui est déjà déplorable
      ANGIE citoyenne de france

    • Je tiens avant tout à vous saluer bien bas karin, si vous me permettez de vous appeler ainsi pour votre prise de position concernant les propos affligeant d’Alain Finkielkraut à propos des emeutes de banlieues, je suis d’origine algérienne et je désespère de voir un jour tout le monde logé à la même enseigne, un monde où on oublie presque que nous sommes d’origine juive, arabe, noire ou autre, je suis tout comme vous un utopiste, peut être, mais il ne faut jamais ceder, comme l’a fait Alain Finkielkrault dans cet entretien aux sirenes de la haine !
      A bas le racisme, le communautarisme !
      à bon entendeur...
      cordialement sofiane

    • J’espère que ce pseudo-pholosophe de pacotille ne trouvera plus de tribune pour deverser sa haine ainsi que ses semblables, quelle que soit leur origine : française, arabe, juive, noire, etc...
      Je tiens enfin à saluer la réaction sage de l’UJFP pour se dissocier de cet individu et oeuvrer pour le rapprochement entre les peuples. MAAMAR, d’origine arabe et surtout citoyen du monde qui ne porte aucun jugement sur les origines des personnes !
      Salam, shalom, paix, peace, pace,...

  • désolé M finkelkraut, je ne pouvais jamais imaginer des propos de ce genre de votre part, mais vous l’avez fait c ’est vraiment dommage. Avec toutes les soffrances de l’afrqiue et du peuple noir, c’est tout ce que vous trouvez à dire, pourtant vous l’avez vous même dit vous êtes fils de déporté, ce qui à mon avis vous permet de comprendre plusque qui conque ce nous avons subit et continuons à subir d’ailleurs. Mais c’est par le travail que nous allons nous libérez, seulement par le travail, pas en repondant à la haine par une autre haine. Personnellement je ne suis adepte d’aucune religion, alors on ne pourra pas me taxer d’antisémite, mais des propos comme les votres ne peuvent que pousser à l’amalgame. Heureusement pour moi j’ai connu NOAM CHOMSKY, DOMINIQUE STRAUSSKHAN et plein d’autres personnalités de confession juive avant de vous connaitre. Donc pour moi vos propos n’engagent que votre personnalité.

  • Je suis a la fois francais et arabo musulman.Je suis profondement choqué par les props de M.Finkielkraut qui ne font qu attiser la haine entre communauté.Le plus grand perdant dans tout ca : la communauté juive car M.Finkielkraut aime a se definir comme intellectuel juif.Il faut honte a cette communauté et c est pourquoi je felicite la reaction spontanée de L’Union juive française pour la paix qui eteind un feu qui naurait jamais du exister !

  • Ce texte est un condensé de la réthorique d’alain finkelkraut fondée comme d’habitude par ses analyses obsessionnellement ethnico religieuses des faits.
    C’est l’idéologie de la peur dans toute sa splendeur.
    Cela évite d’exercer son sens critique et incite à appliquer des solutions liberticides et radicales.

    Ils nous haissent.C’est viscéralement ancré en eux. les arabo musulmans etc etc...
    Il ne manque que le mouton égorgé dans la baignoire !
    Du finkelkraut quoi !

  • Très cher Alain, voyons, comment ce détail a t il pu échapper à l’observateur attentif que tu es...? Ou as tu vu que l’Islam était une religion matérialiste, qui pronait le confort et les marques ? En réalité alain, ces jeunes sont un pur produit de la société occidentale, du monde moderne, matérialiste et déspiritualisé, terriblement cynique, au fond... Que le Monde moderne, celui des machines et des loisirs obligatoires, se regarde en face et il verra que ces jeunes, "ses" jeunes, finalement, sont à l’image de l’éducation qu’il leur a donné. Quel parent peut dire : je ne suis pas responsable de ce que mes enfants sont devenus, à qui veut on faire croire ça ? Ca gratte Alain, n’est ce pas ? Je ne parlerai pas des moeurs, qu’il suffise de dire que sur un plan strictement économique, l’islam et le christianisme sont parfaitement incompatibles avec le monde dans lequel nous vivons, le monde de la finance, des actionnaires, le monde de la spéculation, bref, un monde qui s’est vendu à l’argent, ou le moyen est devenu la fin... Que ce monde regarde les monstres qu’il a engendré ! Qu’il ne fasse pas l’effarouché, ça fait 2 siècles que la mélodie du progrès social nous échauffe les oreilles, fallait bien que ça s’enflamme un jour... A plus alain,porte toi bien quand meme, tu as de quoi te consoler de tes aigreurs je pense.