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Incendie d’un centre social juif à Paris : les policiers ont interpellé un habitué des lieux

Publie le lundi 30 août 2004 par Open-Publishing

de Piotr Smolar

La brigade criminelle a identifié un suspect, un homme de 52 ans qui fréquentait le centre et contre lequel des indices matériels ont été réunis. La vengeance pourrait être le mobile de l’acte

[L’auteur présumé de l’incendie qui a détruit un centre social juif à Paris dans la nuit du 21 au 22 août a été interpellé lundi 30 août dans la matinée. Il s’agit d’un ancien employé juif du centre, a-t-on appris de source policière. Selon les investigations de la brigade criminelle, il faisait parfois office de gardien du centre et les responsables de celui-ci avaient l’intention de s’en séparer. L’homme, âgé d’une cinquantaine d’années, en aurait donc eu "du ressentiment" et aurait décidé de se venger, selon la même source.]

Les policiers de la brigade criminelle, chargés de l’enquête sur l’incendie d’un centre social juif à Paris le 22 août, étaient à la recherche de ce suspect contre lequel des éléments matériels ont été réunis. Cet homme, âgé de 52 ans, issu de la communauté juive, fréquentait le centre de la rue Popincourt, dans le 11e arrondissement. Il y travaillait au titre de bénévole et bénéficiait des repas qui y étaient servis à destination des plus démunis. Fragile psychologiquement, il était sous traitement.

Selon plusieurs sources proches de l’enquête, les enquêteurs de la brigade criminelle auraient retrouvé des clés du centre social à son domicile, qui lui était loué par le centre jusqu’à une date récente. La perte annoncée de cet appartement aurait suscité chez lui un ressentiment très fort. L’a-t-il poussé à maquiller un incendie en acte antisémite ? Les policiers attendent de l’entendre pour l’établir avec certitude, même si d’autres éléments matériels que les clés, ainsi que des témoignages, renforcent encore leurs soupçons. L’homme est pour l’heure introuvable.

Alors que les responsables politiques - le maire de Paris Bertrand Delanoë et le premier ministre Jean-Pierre Raffarin en tête - s’étaient succédés sur les lieux de l’incendie, pour clamer leur colère et leur émoi face à la recrudescence des actes antisémites et racistes en France, les policiers s’étaient très rapidement orientés sur la piste dite "locale".

La revendication publiée sur un site Internet signée de la Jamaat Ansar Al-Jihad al-Islamiya (groupe des partisans de la guerre sainte islamique) est apparue peu crédible, en raison de la cible visée - à la portée symbolique très faible - ainsi que des inscriptions retrouvées dans les locaux. Celles-ci formaient un ensemble incohérent de croix gammées à l’envers, de propos antisémites et de slogans islamistes. Le tout agrémenté de fautes d’orthographe grossières.

FAIRE CROIRE À UN CAMBRIOLAGE

Le premier élément concret encourageant les policiers sur la piste locale - celle d’un règlement de compte - a été l’examen des voies d’accès au centre. La porte d’entrée principale a été cassée d’un coup de pied par les pompiers au moment de leur intervention. Le verrou était à moitié poussé. Mais l’attention des enquêteurs s’est concentrée sur la porte de service. Démontée et placée sous scellés, elle a été expertisée par un serrurier. Il est apparu qu’au moment de l’intrusion nocturne dans le centre social, le verrou de la porte avait été démonté de l’intérieur pour faire croire à un cambriolage. Dès lors, les policiers se sont intéressés à ceux qui, parmi les habitués du centre, y avaient un accès permanent.

L’incendie avait provoqué de nombreuses réactions parmi les hommes politiques français et une forte émotion au sein de la communauté juive (Le Monde du 24 août). Le ministre israélien des affaires étrangères, Silvan Shalom, avait effectué une visite à Paris, pour discuter avec les autorités françaises de l’état de la menace antisémite. Se déclarant rassuré par leur détermination, M. Shalom avait souhaité que les propos "se traduisent en actes". Le 25 août, M. Shalom s’était rendu sur les lieux de l’incendie. "On doit laisser les autorités françaises mener leur enquête sur cet incident, a-t-il alors déclaré. Mais peu importe ce qui s’est passé ici, nous savons que durant les six derniers mois, il y a eu plus de 170 actes extrémistes - en France -."

Différents responsables français ont émis le souhait à cette occasion que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme soit érigée en grande cause nationale. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a annoncé le déblocage de 300 000 euros supplémentaires pour la sécurisation des lieux fréquentés par la communauté juive à Paris.

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