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Intervention de Jacques Nikonoff en Autriche

Publie le dimanche 14 novembre 2004 par Open-Publishing

INTERVENTION DE JACQUES NIKONOFF,
PRÉSIDENT D’ATTAC-FRANCE,
CONFÉRENCE EUROCITIES DU 11 NOVEMBRE 2004,
VIENNE (AUTRICHE)

12/11/2004 - Déclaration

Participaient à ce débat :
Thom de Graaf, ministre de la réforme de l’Etat et des relations du royaume
(Pays-Bas) ; Michael Heinrich, directeur de la stratégie des entreprises,
VAMED (Autriche) ; Dirk Jarré, vice-président de la plateforme sociale
européenne des ONG (Belgique) ; Geoff Mulgan, responsable de l’unité de
stratégie auprès du Premier ministre (Grande-Bretagne) ; Jacques Nikonoff,
président d’Attac-France (France) ; Rainer Plassmann, secrétaire général
du centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises
d’intérêt général (Allemagne) ; Stephan Schulmeister, chercheur à l’Institut
autrichien de recherche économique (Autriche) ; Günter Verheugen, commissaire
européen pour les entreprises et l’industrie (Commission européenne).

Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais remercier le maire de Vienne, Monsieur Michael Häupl,
et le président d’Eurocities, Monsieur Wolfgang Tiefensee, pour leur aimable
invitation. Nous avons été très sensibles à l’opportunité qui nous était donnée
de vous faire part de quelques réflexions du mouvement Attac-France (Association
pour la taxation des transactions financières et l’aide aux citoyens), présent
dans 55 pays, dont ici même en Autriche.
Vous m’avez demandé, dans un premier temps, de réagir aux propos qui viennent
d’être tenus par messieurs Mulgan, de Graaf et Verheugen.
Vous avez souhaité, ensuite, que j’intervienne sur la compatibilité des services
publics avec le marché et sur la politique européenne de dérégulation en étudiant
son impact sur les processus démocratiques et la cohésion sociale.
Monsieur Mulgan vient de citer le philosophe chinois Lao Tse. Je voudrais,
moi aussi, donner une citation de Lao Tse : « Surtout,
n’entrez jamais en concurrence
 ». Je ne sais pas si elle fera plaisir à Monsieur
Mulgan, mais son discours est totalement différent du papier que l’on m’avait
remis avant la séance. C’est dommage, car c’est probablement avec lui que j’aurais
eu le plus de convergences s’il s’en était tenu à son discours écrit. En effet,
j’avais beaucoup apprécié le fait que Monsieur Mulgan explique l’arrêt des
privatisations de services publics en Grande-Bretagne parce qu’elles n’apportaient
pas de « valeur » aux citoyens. J’avais été très
impressionné d’apprendre que la Grande-Bretagne était le seul pays européen à augmenter
les impôts pour favoriser les investissements dans la santé, l’éducation et
la protection sociale.
J’aurais voulu faire deux commentaires au papier de Monsieur Mulgan. Le premier
portait sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). Cet accord,
négocié au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont je dirai
quelques mots dans un instant, vise à libéraliser « tous
les services, dans tous les secteurs
 ». Si la Grande-Bretagne, aujourd’hui,
a arrêté les privatisations de services publics, il faudrait connaître ceux
qui sont « offerts » à la libéralisation dans
le cadre de ces négociations. Monsieur Mulgan et le commissaire européen ici
présents pourraient nous donner ces informations. Le deuxième commentaire portait
sur les impôts. Nous considérons, à Attac, que la fiscalité est un des principaux
moyens de la répartition des richesses, pour assurer la justice sociale et
la réduction des inégalités. Nous pensons que l’obsession néolibérale à vouloir
baisser la fiscalité est tout simplement répugnante. Il aurait donc fallu que
Monsieur Mulgan précise si les augmentations d’impôts en Grande-Bretagne visaient
cet objectif, ou si elles frappaient les ménages modestes.
Je voudrais maintenant réagir à l’intervention du remplaçant du ministre de
Graaf, dont je n’ai pas bien saisi le nom ni la fonction. En réalité, le papier
de Monsieur de Graaf, lu par son remplaçant, n’apporte rien de nouveau. Nous
avons entendu le catéchisme habituel de beaucoup de dirigeants européens, qui
disent toujours la même chose et qui récitent le bréviaire néolibéral. L’agenda
de Lisbonne, dont il a été question, est en réalité une stratégie visant à accélérer
la mise en place du néolibéralisme en Europe. Il y aura d’ailleurs une manifestation
européenne, le 19 mars 2005, à Bruxelles, à laquelle appellent le mouvement
altermondialiste et la Confédération européenne des syndicats, sur les questions
de l’emploi.
Quant à Monsieur Verheugen, il ne m’a pas convaincu et il paraissait être en
plein désarroi. Je pense qu’il a simplement essayé de se convaincre lui-même.
Je ne comprends pas comment Monsieur Verheugen peut dire, d’un côté, que ce
qui a été fait par la Commission européenne ces dix dernières années a été « bon
et juste
 » ; et dire d’un autre côté que l’Europe est en retard
sur les Etats-Unis dans tous les domaines. Il y a là quelque chose qui m’échappe.
Pour le reste, Monsieur Verheugen a utilisé les mots magiques habituels des
locataires de la Commission, dont les principaux ont été « concurrence » et « compétitivité ».
Je n’ai pas entendu une seule fois les mots « solidarité » et « coopération ».
Après ces brefs commentaires, je voudrais développer trois points : sur
les privatisations, sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS)
et sur le traité constitutionnel européen.

Les privatisations contribuent à la destruction
de la cohésion sociale

A l’échelle mondiale, les privatisations ont été présentées comme
le remède miracle censé permettre le développement des pays pauvres, assurer
la transition vers l’économie de marché pour les pays de l’ancienne zone soviétique
et l’assurance de la prospérité éternelle pour les pays de l’OCDE.
En réalité, le motif des privatisations est d’ordre purement dogmatique et
idéologique.
C’est pour respecter le principe de la concurrence que les néolibéraux veulent
réduire le secteur public. Pour eux la concurrence par le marché est censée
- par principe - résoudre les problèmes supposés d’efficacité des monopoles
publics, favoriser la baisse des prix et l’innovation. Pourtant, presque tous
les services publics constituent ce que les économistes appellent des « monopoles
naturels
 ». Un monopole naturel, je le rappelle ici car cette référence
ne fait pas partie du lexique européen, existe quand il est nécessaire aux
entreprises d’avoir une certaine taille pour garantir une efficacité économique
maximale afin de réaliser des économies d’échelle et ainsi fournir le meilleur
service possible à un coût le plus faible possible pour la collectivité. Les
monopoles naturels nécessitent également l’investissement de grosses mises
de fonds au début, comme les rails de chemins de fer, les lignes à haute tension,
les tunnels de métro, les réseaux de gaz, d’égouts, d’eau, de fils téléphoniques...
Dans tous ces domaines, une véritable concurrence n’est pas possible, sauf à multiplier
les lignes à haute tension, les réseaux d’égouts et les rails de chemin de
fer par le nombre de concurrents...
C’est pourquoi les monopoles publics sont la solution optimale évidente. Mais
les néolibéraux considèrent que tout ce qui est public est par définition « inefficace ».
L’idéologie de la privatisation a conduit en effet à s’aveugler sur la réalité suivante :
contrairement au dogme de la supériorité absolue du secteur privé en matière
de management, il existe des entreprises publiques excellemment dirigées et
des entreprises privées qui le sont de façon catastrophique (Enron par exemple...).
Derrière les prétextes avancés pour les justifier, il convient de saisir l’objectif
géopolitique des privatisations. Les États-Unis ont un système économique et
financier qui fonctionne à crédit sur le reste du monde. Ils possèdent, avec
les fonds de pension et les fonds mutuels notamment, les plus gros investisseurs
institutionnels de la planète. Ces derniers manquent d’espace dans leur propre
pays et recherchent des possibilités de placements à l’étranger. Comment faire
si les entreprises de ces pays n’ont pas d’actions émises sur les marchés et
si les marchés eux-mêmes n’existent pas ou sont mal organisés ? Le résultat
la libéralisation des marchés financiers est qu’aujourd’hui près de 40 % des
actions des entreprises européennes sont détenues par des investisseurs non-résidents,
principalement des Etats-Unis, réduisant ainsi à néant l’indépendance industrielle
de l’Europe.
Les privatisations ont ainsi contribué à financiariser un peu plus l’économie
mondiale en poussant artificiellement le prix des actions à la hausse et en
encourageant les crises financières.
De plus, les privatisations ont été utilisées comme ressources budgétaires
pour les gouvernements. En France, les privatisations engagées depuis 1986
ont servi d’instrument de « gouvernabilité » au
jour le jour. Les recettes considérables qui en ont été obtenues n’ont servi
qu’à pallier le manque de recettes fiscales provoquées par le chômage de masse
et au financement des dépenses courantes, au désendettement pour respecter
les critères de Maastricht et à la recapitalisation d’entreprises publiques
pour les préparer à la privatisation.
L’impact sur la croissance (qualitative et quantitative) et l’emploi n’a pas été visible,
contrairement aux promesses faites. Les privatisations ont même joué contre
les salaires et l’emploi, les entreprises concernées se jugeant déliées de
leurs responsabilités sociales.
Il semble désormais que les privatisations aient acquis un objectif de maintenance électorale.
Les gouvernements savent qu’ils sont désormais jugés sur leur capacité à réduire
le chômage. Pour y parvenir, deux outils sont actuellement utilisés :
la baisse des cotisations sociales et de la fiscalité patronales et le financement
d’emplois de seconde catégorie dans le secteur non-marchand. Ces outils ne
peuvent fonctionner qu’à partir de fonds publics. Où les trouver, si ce n’est
dans le produit des privatisations puisque l’augmentation des impôts est jugée électoralement
suicidaire et que les critères de Maastricht interdisent d’utiliser l’arme
budgétaire et monétaire ?
Mais le nombre d’entreprises à privatiser se réduit et les privatisations réduisent
l’emploi. Tout cela ne fait pas une stratégie de long terme et moins encore
un projet de société.
Dans de nombreux cas, enfin, les privatisations ont donné des résultats calamiteux.
La vente du patrimoine national, dans chaque pays européen, a certes fourni
aux gouvernements de l’argent « dépensé pour se faire
réélire
 », ce qui est d’ailleurs très loin d’avoir donné de bons résultats,
mais a aussi causé des désastres incontestables. La ruine complète du rail
anglais symbolise désormais les privatisations. Dans le cas californien, l’argument
des champions de la privatisation des régies d’électricité, à savoir que les
prix baisseraient à la consommation, a été totalement démenti. Non seulement
les prix se sont envolés, mais la Californie a connu des coupures d’électricité monstres
et répétées, dont les conséquences économiques risquent de se faire sentir
durablement au niveau tant local que national.
Le conseil européen de Lisbonne, les 23 et 24 mars 2000, a de son côté appelé à une « accélération
de la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité dans l’U.E.
 ».
A partir de ces résultats, on peut facilement voir que le but de la privatisation
n’est ni l’efficacité économique ni de meilleurs services pour les citoyens,
mais simplement de transférer des richesses de la poche de l’Etat, qui pourrait
les redistribuer pour combler les inégalités sociales, vers des mains privées.
La Banque Mondiale a également imposé la doctrine de la privatisation au Sud.
Dès 1991 la Banque avait déjà fait 114 prêts pour accélérer le processus, et
chaque année son rapport « Finance du développement global » dénombre
des centaines de privatisations effectuées dans des pays débiteurs auprès de
la Banque. C’est l’un des plus gros hold-up de notre génération.
La distinction entre ce qui est public et ce qui est privé est un aspect fondateur
de l’ordre politique et démocratique : il existe ainsi des affaires qui
intéressent la communauté dans son ensemble (le secteur public) et d’autres
qui intéressent des individus ou des groupes particuliers (le secteur privé).
La privatisation interdit cette préoccupation de l’intérêt général.
Il faut s’y faire, dans nos sociétés, les dépenses d’intérêt général ne peuvent
qu’augmenter, en valeur absolue et en pourcentage, et pour de bonnes raisons :
on vit plus longtemps et les connaissances deviennent plus complexes. Cette
croissance est même un signe de bonne santé économique, car il est sain de
consacrer de moins en moins d’argent à des ordinateurs, des téléviseurs, des
réfrigérateurs, dont la production est de plus en plus performante, et d’en
consacrer de plus en plus à d’autres services, infiniment plus vitaux.
Tant que la médecine sera efficace, c’est-à-dire tant que l’espérance de vie
augmentera et que la douleur en fin de vie diminuera, la croissance des dépenses
de santé sera une bonne nouvelle. De même, tant que le niveau culturel et professionnel
d’un pays s’améliorera avec la croissance du budget de l’enseignement, la croissance
des dépenses d’éducation restera justifiée.

L’Accord général sur le commerce des services
est la principale menace qui pèse sur les services publics

Permettez-moi de rappeler brièvement ce qu’est l’AGCS.
Ce processus a été engagé à Marrakech le 14 avril 1994, lors d’une réunion
de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Son objectif est d’obtenir, par « une
série de négociations successives
 », une libéralisation et une privatisation
de « tous les services de tous les secteurs ».
En 1997, un accord est intervenu sur les services financiers.
En novembre 2001, à Doha, lors d’une nouvelle réunion de l’OMC, l’Union européenne
a considéré que ces négociations n’avançaient pas assez vite. Elle a donc proposé -
et obtenu - la mise en place d’un mécanisme de demandes et d’offres.
Chaque pays adresse à chacun des autres pays la liste des services qu’il veut
voir libéraliser chez eux (ce sont les demandes), et chaque pays annonce la
liste des services qu’il est disposé à libéraliser chez lui (ce sont les offres).
En septembre 2003, à Cancun au Mexique, lors d’une nouvelle réunion de l’OMC,
l’Union européenne a encore voulu relancer le processus. C’est ainsi qu’un
bilan sera effectué en mai 2005 et que tout devra être terminé pour le 1er
janvier 2006.
Tout ceci se fait, comme d’habitude, dans l’opacité la plus totale.
A ce jour, 60 pays seulement ont formulé des demandes, et 42 des offres (sur
147 Etats membres de l’OMC).
L’AGCS est une attaque frontale contre tous les services publics et avec eux,
des valeurs de collectivité, solidarité et démocratie. Tout sera désormais
subordonné à la marchandise. Les rapports humains deviendront alors eux-mêmes
des marchandises, l’homme deviendra logiquement lui-même une marchandise.
Avec l’essor des neurosciences et de la biochimie génétique, l’homme devient
une matière transparente, naturelle, démontable, séquençable, avec l’image
d’un corps, assemblage machinique de neurones ou de molécules. Tout peut donc
se vendre : solide, liquide, minéral, végétal, animal et humain pareillement,
se vendre et s’acheter. Nous en avons les plus claires manifestations récentes
dans le brevetage du génome humain.
Dans ce modèle, où la liberté de l’individu se confond avec celle de l’entreprise,
l’individu doit lui aussi, pressé par l’urgence, s’épanouir dans la compétition,
dans un mode de concurrence à l’autre généralisée. Dès lors, se réaliser c’est
consommer, toujours plus, devenir toujours plus un super consommateur qui doit
jouir le plus possible et le plus rapidement possible. « Chacun
pour soi
 » devient « tous pareils ».
Cela implique la fin du particulier, du singulier, qu’il soit individuel ou
collectif : même consommation, même culture, un seul et même standard.
Les différences éthiques, sociales, environnementales, culturelles, ne sont
plus qu’autant d’entraves au commerce. Je voudrais, maintenant, essayer d’apporter
quelques rapides éléments sur la manière d’imaginer l’AGCS s’installant demain
parmi vous, les maires qui êtes ici, bouleversant peu à peu tous les repères
de la vie quotidienne.
Essayons de nous représenter ce que serait, demain avec l’AGCS, une structure
accueillant un public, comme une crèche, un service hospitalier, un centre
médico-éducatif, une maison de retraite, un établissement d’enseignement.
Avec l’AGCS, l’ensemble, la totalité, la finalité sociale, le but éthique auquel
répond chacun de ces lieux ne présente aucun intérêt. Non, ce qui va intéresser
l’AGCS, ce sont juste les différentes fonctions techniques qu’on peut y découper :

- l’accueil ;
- la restauration ;
- l’entretien des bâtiments ;
- le nettoyage ;
- l’animation ou l’enseignement ;
- le soutien psychologique.

Si vous livrez ce lieu à l’AGCS, sur la base d’appels d’offres,
vous pourrez aboutir à toute une série d’interventions, en sous-traitance,
de techniciens limités à leur tâche spécifique, réalisée dans l’urgence et
la flexibilité, basée sur des choix purement technicistes et économistes, là où vous
aviez une équipe, un collectif qui essayait de s’articuler de manière cohérente
autour d’un objet commun, humainement considéré : des enfants, des patients,
des personnes âgées, des élèves.
Avec l’AGCS, si vous voulez conserver une cantine scolaire municipale, il faudra
déjà pouvoir prouver lors de l’appel d’offre, la rentabilité de votre prestation,
et si vous voulez introduire dans votre cahier des charges, la traçabilité des
aliments, par exemple, connaître l’origine des viandes, ou interdire l’emploi
d’aliments Organismes génétiquement modifiés (OGM), vous serez passible de
poursuites judiciaires pour la raison que ces clauses constituent autant d’obstacles
non nécessaires au commerce. Cela signe la fin de toute intervention politique
et collective dans les domaines économiques et sociaux. Cela signe donc aussi
la fin de la démocratie, car l’exercice par les élus de leur pouvoir est extrêmement
limité par l’accord. Les élus ne serviront plus à rien, ils seront remplacés
par le marché. Les villes deviendront des marchandises, les unes en concurrence
avec les autres, afin d’être « attractives ».
Le mot « coopération » a été rayé du dictionnaire
européen. Les élus ne seront plus que des « commerciaux »,
une simple « force de vente », des voyageurs
de commerce tentant de délocaliser les entreprises de la ville voisine pour
les relocaliser chez eux.
Alors que faire pour s’opposer à l’AGCS et défendre la démocratie ?
En France, Attac a collecté pour l’instant près de 600 signatures de collectivités
publiques, de toutes origines politiques, qui se déclarent « zone
hors AGCS
 ». En Autriche, 300 signatures ont été collectées, dont
celle de Vienne, par un collectif de 60 organisations dont fait partie Attac-Autriche.
Les 13 et 14 novembre, dans la banlieue de Paris, se tiendront des Etats généraux
des collectivités publiques françaises contre l’AGCS. Nous allons échanger
nos expériences et décider d’initiatives auprès du gouvernement français et
de la Commission européenne pour exiger un moratoire. Nous envisageons d’organiser
des Etats généraux à l’échelle européenne. Les représentants des collectivités
publiques ici présents, qui seraient intéressés pour organiser et participer à ces
Etats généraux européens, peuvent me contacter ou m’envoyer un mail.

Le traité constitutionnel européen est défavorable
aux services publics

Attac-France considère que le terme de Constitution pour qualifier
ce texte est parfaitement abusif. D’une part, parce que le processus utilisé pour
l’élaborer n’a rien à voir avec un processus constituant, qui supposerait l’élection
d’une assemblée constituante. D’autre part, parce qu’une Constitution fixe
un cadre au sein duquel peuvent être menées des politiques différentes, voire
contradictoires. Or les politiques de l’Union, telles qu’elles sont précisément
définies dans la partie III du texte, ne laissent aucune place à des alternatives
au néolibéralisme, quand bien même elles seraient souhaitées par la majorité des
citoyens des Etats d’Europe. Il faudrait pour cela réviser le traité, ce qui
suppose l’unanimité des 25 signataires. Autant dire une mission impossible.
Dans ces conditions, ce qui nous est proposé sous la forme d’un « traité constitutionnel » ressemble
effectivement à une Constitution pour ses aspects institutionnels, mais sans
avoir respecté les règles démocratiques d’un processus constituant, et s’apparente à un
manifeste idéologique pour le contenu des politiques de l’Union.
Non dénonçons par conséquent le contenu de ce traité et formulons des exigences
dont je ne donne ici que quelques exemples liés aux services publics.
La solidarité doit être une valeur et une norme de l’Union. Pourtant le traité ne
mentionne pas la solidarité comme valeur de l’Union, alors que sont citées,
entre autres, la liberté et l’égalité.
La concurrence ne saurait être un objectif et une norme supérieur de l’Union.
Pourtant, un article du traité, relatif aux objectifs de l’Union, indique que « l’Union
offre à ses citoyennes et citoyens (...) un marché unique où la concurrence
est libre et non faussée
 ». Nous demandons que la coopération se substitue à la
concurrence.
Les services publics doivent être inscrits comme objectifs de l’Union et affranchis
des règles de la concurrence. Nous demandons que les services publics (dits « services
d’intérêt général
 ») ne soient pas relégués aux parties II et III
du traité, mais figurent dans la première partie (« Définition
et objectifs de l’Union
 »). Nous demandons l’élimination de toute
référence à la concurrence à leur sujet.
Un article généralise le vote à la majorité qualifiée pour toute conclusion
d’accords commerciaux. Avec une demi-exception cependant : l’unanimité est
requise dans le domaine des services culturels et audiovisuels, mais seulement « lorsque
ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique
de l’Union ». Nous demandons la suppression de cette clause, dont il n’est
pas précisé qui en apprécierait la validité, et nous demandons également que
la santé et l’éducation continuent également à relever du vote à l’unanimité.
Cette exigence est d’autant plus importante que l’AGCS constitue une menace
permanente sur ces trois secteurs, et que l’on connaît la propension de la
Commission à les troquer contre des concessions dans d’autres secteurs.
Mesdames et Messieurs, croyez bien que c’est parce que nous sommes européens
que nous combattons le contenu de ce traité qui ne peut que continuer, un peu
plus encore, à défaire l’Europe.
Je vous remercie.