Accueil > Irak Le Pentagone veut moins de GI en première ligne

Irak Le Pentagone veut moins de GI en première ligne

Publie le samedi 18 mars 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Associated Press (AP) Robert Burns
17/03/2006 11h26 - Mise à jour 17/03/2006 12h07

« Nous allons devoir nous retirer de certains lieux et déléguer des choses aux Irakiens », a expliqué le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld le 17 février.

© AP
Trois ans après le début de l’invasion de l’Irak, alors que le nombre de GI tués dépasse la barre des 2300, le Pentagone veut réduire le nombre de soldats américains exposés au feu ennemi. Mais ce changement de stratégie dépendra largement de la capacité des forces irakiennes à prendre le relais.

Les militaires américains ont déjà commencé à profiter du rôle croissant joué par les forces irakiennes sur le terrain pour mettre certaines unités en retrait. Et ce, même s’ils pensent que les Irakiens auront sûrement besoin à un moment ou à un autre de leur soutien.

« Nous allons devoir nous retirer de certains lieux et déléguer des choses aux Irakiens », a expliqué le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld le 17 février. « Ils auront des difficultés et nous devrons intervenir, les aider, puis reprendre du recul. Ce sera trois pas en avant, un pas en arrière », a-t-il résumé.

Depuis 2003, plus de 2300 soldats américains ont été tués en Irak (dont seulement 139 lors de l’invasion qui a pris deux mois) et 17 000 ont été blessés. Les responsables du Pentagone n’avaient pas prévu que l’invasion, couronnée par la chute rapide de Saddam Hussein, serait suivie par trois ans de conflit meurtrier face à une insurrection insaisissable. Ils n’avaient pas non plus imaginé qu’il faudrait autant de temps pour former une armée irakienne opérationnelle.

« Nous n’avions pas prévu il y a trois ans de créer autre chose que des forces irakiennes symboliques », explique Anthony Cordesman, un expert du Centre pour les études stratégiques et internationales, basé à Washington. « Toute notre stratégie dépend du succès de l’armée et de la police irakiennes, qui comptent aujourd’hui environ 230 000 hommes. »

Selon lui, le Pentagone et l’administration Bush ont largement sous-estimé la difficulté qu’il y aurait à stabiliser le pays. « Nous avons réussi à empêcher l’insurrection de se généraliser mais pas de créer un risque croissant de guerre civile », souligne-t-il. « Nous n’avons pas perdu mais on ne peut pas dire, au moins pour le moment, que nous sommes en train de gagner. »

Chaque mois, les forces irakiennes héritent du contrôle d’une portion plus grande de territoire, même s’ils sont encore accompagnés par des militaires américains faisant office de conseillers, instructeurs ou superviseurs.

Succédant à une unité américaine, une brigade de l’armée irakienne a pris le contrôle d’une partie de Bagdad le 21 février. Selon un officier américain, 60% de la capitale est désormais aux mains des forces irakiennes.

L’objectif affiché par Washington est celui d’un retrait substantiel des GI dès cette année. Dans un rapport publié le mois dernier, le Pentagone a jugé « possible » d’envisager une nouvelle réduction des troupes supérieure au rapatriement de 7000 hommes annoncé par Donald Rumsfeld en décembre. Mais il a également averti que si les forces américaines « pourraient devenir moins visibles » sur le terrain, il pourrait aussi être nécessaire d’augmenter leurs effectifs à un moment donné.

La dernière fois que l’armée américaine avait commencé à réduire sa présence en Irak, début 2004, l’insurrection s’était brusquement intensifiée. Les effectifs américains sont passés de 110 000 hommes en janvier 2004 à 142 000 quatre mois plus tard, et se situent depuis entre 135 000 et 160 000.

Le Pentagone affirme que la formation des forces de sécurité irakiennes progresse mais les officiers américains en charge de cette mission reconnaissent que la tâche est compliquée par la barrière de la langue et de la culture.

Le commandant Rodrigo Mateo, qui a dirigé une équipe d’instructeurs américains l’an dernier, souligne que la qualité des recrues irakiennes est très variable. Selon lui, il est difficile pour les Américains de comprendre les motivations de ces hommes, qui cherchent avant tout à survivre. « Beaucoup rejoignent l’armée irakienne parce que c’est la meilleure solution pour nourrir leur famille et gagner leur vie », souligne le lieutenant-colonel Reginald Allen, instructeur en Irak en 2004.

Comparaisons statistiques entre l’invasion et aujourd’hui
Voici des statistiques sur l’Irak et sur l’opinion des Américains concernant le conflit, avant le début de l’invasion américaine dans la nuit du 19 au 20 mars 2003 et aujourd’hui.

Cote de popularité de George W. Bush
Mars 2003 : 67% des Américains, selon un sondage ABC-Washington Post, se disent satisfaits, au moment de l’invasion de l’Irak, de l’action du président américain.

Mars 2006 : 37% des Américains approuvent l’action de George W. Bush, chiffre le plus bas depuis le début de son mandat en 2001, selon un sondage AP-Ipsos.
Opinions sur la guerre
Avril 2003 : 70% des Américains interrogés jugent l’intervention en Irak justifiée, selon un sondage ABC-Washington Post.

Mars 2006 : 29% des personnes interrogées estiment que les résultats de la guerre en valent le coût, selon un sondage CBS.
Opinions sur la gestion du conflit par George W. Bush
April 2003 : 71% approuvent la façon dont le président américain gère le dossier irakien, selon une enquête Gallup.

Mars 2006 : 39% approuvent la gestion du dossier par M. Bush, selon une enquête AP-Ipsos.
Nombre de soldats américains tués
Mars 2003 : 139 durant deux mois d’opérations militaires de grande ampleur aboutissant au renversement du régime de Saddam Hussein.

Mars 2006 : plus de 2160 morts depuis l’annonce par George W. Bush de la fin des opérations majeurs de combat, le 1er mai 2003.
Nombre d’Irakiens tués
2003 : la direction de la morgue centrale de Bagdad annonce avoir reçu 6000 corps au cours de l’année.

2005 : plus de 10 000 corps sont passés par la morgue centrale de Bagdad. Le bilan précis des victimes n’est pas connu, et varie selon les estimations de 30 000 à 50 000 morts, essentiellement civils.
Nombre de soldats étrangers en Irak
Mars 2003 : 250 000 pour l’invasion, dont 100 000 Américains et 30 000 Britanniques au sol, le reste étant constitué des forces aériennes et navales dans la région.

Mars 2006 : 156 000, dont 133 000 Américains, 8500 Britanniques et 14 500 de 24 autres pays. Les forces de la coalition (38 pays) ont atteint jusqu’à 300.000 hommes.
Effectif des forces de sécurité irakiennes
Mai 2003 : 7000 à 9000 hommes fidèles au nouveau gouvernement irakien, selon les estimations de l’Institut Brookings, cercle de recherche et de réflexion américain.

Mars 2006 : 232 100 hommes, selon les chiffres du département américain de la Défense. Aucun bataillon irakien n’est actuellement capable de combattre l’insurrection sans aide américaine, ajoute le Pentagone.
Nombre d’attaques quotidiennes de l’insurrection
Juin 2003 : huit en moyenne

Janvier 2006 : 75, après un pic de 100 attaques quotidiennes en octobre 2005
Coût de la guerre
2003 : le Pentagone a dépensé 56 milliards de dollars US au cours de l’année, dont 12,7 milliards de dollars US au cours des deux mois de principaux combats.

Mars 2006 : l’Irak représente un coût mensuel moyen de 5,9 milliards de dollars US. Ce chiffre ne comprend pas le coût de remplacement des équipements ni l’entraînement des forces irakiennes.
Coût de la reconstruction
2003 : le Congrès américain affecte la somme de 18,44 milliards de dollars US pour la sécurité, l’aide, la réhabilitation et la reconstruction de l’Irak.

Mars 2006 : près de 34% de cette somme a été réaffectée pour des dépenses de justice et sécurité. Seuls 10 milliards de dollars US de l’enveloppe octroyée au départ ont été en fait dépensés.
État de la reconstruction
Eau potable : 50% des Irakiens y avaient accès avant la guerre ; environ 32% aujourd’hui.

Électricité : elle était disponible de 16h à 24h par jour la veille de la guerre à Bagdad, où vit un cinquième de la population irakienne de 25 millions d’habitants. Désormais, le courant ne fonctionne qu’un peu moins de quatre heures par jour.

Production de pétrole brut : jusqu’à 2,5 millions de barils/jour avant la guerre ; 1,84 million aujourd’hui.

Taux de chômage : de 50% à 60% en juin 2003 ; de 28% à 40% aujourd’hui.
Taux de participation électoral
Avant la guerre : pas d’élections libres depuis 1956.

2005 : environ 70% des 15,5 millions d’électeurs inscrits ont voté lors des élections législatives de décembre, selon la commission électorale irakienne.
Données recueillies par Jennifer Farrar du Centre de recherche de l’agence Associated Press (AP). Sources : reportages de l’AP, Brookings Institute, Pentagone, parlementaires du Congrès américain.

Messages