Accueil > Italie : un gouvernement fragile

de Giustiniano Rossi PRC-PGE Paris traduction de l’italien de Karl et Rosa
En Commission des Affaires Constitutionnelles de la Chambre des Députés était en discussion mercredi 26 septembre la proposition de nommer une Commission d’enquête concernant les faits de juillet 2001 à Gênes, sur la responsabilité desquels, depuis longtemps, la meilleure partie de notre peuple et des autres peuples européens a déjà prononcé son jugement.
Un jugement qui anticipe de quelques années celui des tribunaux italiens, en cours même si tardif, lacuneux et destiné à tomber à l’eau, avec la complicité de la longueur des procédures, des chicanes des avocats, des différents degrés du jugement, de l’échéance des termes, comme c’est d’ailleurs naturel et inévitable quand sur le banc des accusés se trouvent les tenants du pouvoir, les seuls pour lesquels fonctionne la démocratie bourgeoise avec ses lois et son "ordre" que les forces spéciales dites, justement, "de l’ordre", protègent.
Voila ce qu’en pense la représentante de Forza Italia :
Le texte mis au point par Giancarlo Bressa (Olivier) adopté comme texte de base, fin juillet, « condamne les forces de l’ordre et acquitte et sanctifie le mouvement alter mondialiste ».
« Le refus du rapporteur d’accueillir les propositions de modification de Forza Italia, qui demandaient de vérifier la vérité mais dans toutes les directions, y compris les horreurs et les méfaits des manifestants de Gênes – continue la représentante de Forza Italia – est un acte politique gravissime. Nous voudrions comprendre quel est l’avis de Walter Veltroni et de Francesco Rutelli, qui continuent à parler de sécurité et à rassurer les forces de l’ordre tandis que, au contraire, une grande partie de leur majorité parlementaire, y compris des représentants de leur parti, s’apprête à construire la guillotine médiatique pour les forces de l’ordre au profit des intérêts politiques et de faction de Refondation communiste et de la gauche radicale ».
Et le représentant de l’UDC, parti catholique allié de Berlusconi : « Le texte proposé par le rapporteur – soutient Giampiero D’Alia (UDC) – est dangereux et doit être contrecarré par tous les moyens. Le Gouvernement ne peut plus se taire, ni décharger sur le Parlement la responsabilité de l’institution de la Commission : une enquête parlementaire contre la police est un acte politique gravissime. C’est pourquoi le ministre Amato ferait bien de venir ici pour nous dire ce qu’il en pense ».
A la demande d’écouter le ministre de l’Intérieur s’est associée aussi Forza Italia :
« Il est juste de connaître l’orientation du ministre de l’Intérieur, en tenant compte qu’au cas où l’avis du gouvernement à propos de nos amendements serait contraire ou hypocrite il ne nous resterait qu’à demander formellement la démission aussi bien du ministre Amato que du vice-ministre compétent pour la sécurité publique ».
Nous pouvons facilement imaginer ce que pensent de cette saleté les dizaines, voir les centaines de manifestants âgés et jeunes, tabassés à sang, torturés, estropiés, couverts de crachats, obligés à chanter des chansons grivoises fascistes et d’autres turpitudes qui ont été largement rapportées et documentées dans la presse démocratique européenne et même mondiale, étant donné que le G8 prétend en représenter les peuples.
De cela et de beaucoup d’autres choses encore doit, au moins formellement, répondre, du banc des accusés du tribunal de Gênes, un joli bouquet de représentants des forces d’un tel ordre. Carlo Giuliani, lui, n’est plus en mesure de penser, tué dans la force de l’âge par le plomb d’un carabinier qui n’a même pas à s’encombrer d’un procès, car il a été acquitté par le juge d’instruction.
Mais les déclarations des représentants de la droite, la même qui, dirigée par Berlusconi et sa cour des miracles composée par des partis post-fascistes, xénophobes et racistes, par des corrupteurs et des corrompus, qui furent les responsables de ces atrocités, ne sont pas très étonnantes.
On reste, au contraire, médusé en lisant les déclarations de représentants de « partis » appartenant à l’Unione, qui ont discuté avec les autres forces qui soutiennent le gouvernement le programme que ce dernier s’est engagé à réaliser avec ses électeurs.
Naturellement, le programme du gouvernement Prodi, que tous les partis adhérant à l’Unione ont souscrit il y a deux ans, prévoyait l’institution de cette Commission, mais l’encre qui avait servi à l’écrire n’avait pas encore fini de sécher que déjà l’un ou l’autre représentant de la composante majoritaire du rassemblement – à commencer par les promoteurs du Parti Démocrate jusqu’aux catholiques de l’UDEUR du ministre de la Justice Mastella, en passant par les députés de l’ITALIE DES VALEURS de l’ancien juge (Mains propres) et actuel ministre des Infrastructures Antonio Di Pietro – commençaient à le trahir.
Voila, par exemple, comment s’est exprimé en commission le représentant de l’UDEUR :
« Il y n’a pas de doute qu’à l’occasion du G8 de Gênes se sont vérifiés des faits graves face auxquels on ne peut pas faire mine de rien et cependant la proposition de Bressa, telle qu’elle est formulée, est inacceptable. J’ai exprimé mon avis contraire à cette proposition parce que, en considérant qu’il faut faire une enquête parlementaire sur les évènements, il est pourtant impossible de procéder dans une seule direction. A savoir, on ne peut pas déclarer, avant que le travail de la Commission d’enquête commence, que les excès n’ont été que du côté des forces de l’ordre ». Pour le représentant du parti de Clemente Mastella il faut « vérifier aussi bien les responsabilités des forces de l’ordre que celles des manifestants, de ces manifestants qui n’ont pas choisi une voie pacifique et ont commis des actes de violence et de vandalisme. Je crois que ce n’est qu’avec cette prémisse que l’on pourra obtenir une implication indispensable des forces de l’opposition aussi. Le travail d’une Commission d’enquête auquel ne participeraient pas, comme cela a été annoncé face à la proposition de Bressa, les parlementaires de l’opposition, n’aurait aucun sens. Seule une enquête ample et sans rien exclure pourra contribuer à clarifier les évènements sans risquer d’interférer négativement sur les procès pénaux et civils en cours ».
Il s’agit là d’un genre de comportement, celui d’une bonne partie de la majorité qui soutient le gouvernement, dont les phrases citées ci-dessus sont un exemple petit mais significatif, un comportement régulièrement reproposé le long de cette année et demi sur tous les grands thèmes qui agitent notre pays, de la participation à la guerre en Afghanistan à la mission militaire au Liban, de la précarité de l’emploi aux salaires et aux retraites, du système de santé à celui de l’instruction, de la privatisation du patrimoine public et des services publics aux migrants sans parler de la télévision berlusconienne, du conflit d’intérêts jamais résolu et de l’abrogation manquée des lois « sur mesure » adoptées par le gouvernement précédent au profit de Berlusconi et de ses compères.
Voila la situation qui a poussé la gauche du rassemblement gouvernemental, la seule à défendre le programme qui lui a permis d’emporter les élections au printemps 2006 et à en demander la réalisation, à appeler le peuple de l’Unione à manifester à Rome le 20 octobre pour obtenir, sur les points que nous avons synthétiquement indiqués, des signaux concrets justifiant son soutien au gouvernement Prodi.
Refondation communiste et ses alliés, du Parti des communistes italiens aux Verts, en passant par la Gauche démocratique, protagonistes potentiels d’un nouveau sujet politique à une époque où une si grande partie de la Gauche historique est réabsorbée par ses antagonistes aussi historiques qu’elle, ne peuvent et ne doivent pas accepter d’être l’éternelle béquille ou la roue de secours du gouvernement de « gauche » ni les éternels responsables de ses défaites répétées face à une droite qu’elle ne peut pas, évidemment, concurrencer sur son même terrain.
La participation au gouvernement Prodi n’est pas un moment stratégique du projet politique de la gauche, mais un choix tactique passible d’être, comme tous les choix tactiques, maintenu ou modifié selon les opportunités et les priorités que les luttes sociales proposent et imposent.
Le rapport avec les autres forces politiques soutenant le gouvernement et la loyauté envers elles sont secondaires et sûrement pas prioritaires par rapport aux liens avec les classes populaires qu’une gauche digne de ce nom représente traditionnellement et qui sont les seules destinataires de la loyauté dont elle doit toujours et partout faire preuve, sous peine de se discréditer.