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Jacques Chirac ? Un « vrai resquilleur » selon son « ami de trente ans »
Publie le mardi 6 mars 2007 par Open-PublishingJacques Chirac ? Un « vrai resquilleur » selon son « ami de trente ans »
FRANCE
Un ancien proche collaborateur du président publie une bio croustillante.
CLAUDE ANSERMOZ / PARIS
Publié le 06 mars 2007
LA BIO : L’ouvrage retrace la vie de celui que l’auteur considère comme « le Johnny Hallyday de la politique française, s’adaptant à toutes les modes ». / DR
C’est le secret de polichinelle le mieux gardé de la République. Sauf retournement de situation abracadabrantesque d’ici au 16 mars, Jacques Chirac ne sera pas candidat à sa succession. Il pourrait même l’annoncer cette semaine encore. Jean-François Probst, qui fut son plus proche conseiller pendant des années avant de se faire exclure du défunt RPR, publie le croustillant Chirac, mon ami de trente ans (Editions Denoël). Rencontre à Neuilly, en plein « Sarkoland ».
Comment devient-on « le héros des Français » en traînant autant de casseroles affairistes que Jacques Chirac ?
D’abord une baraka d’enfer. Ensuite une santé de fer. Les Français aiment bien le roi. Et que celui-ci bouffe, baise et mente. Et du moment qu’il ne vole pas trop… Le Gaulois s’incarne dans le président, se dit qu’il aimerait bien faire comme lui. Il admire le resquilleur… s’il est sentimental. Balladur n’a pas compris cela. Je pense que Sarkozy échouera pour les mêmes raisons.
Jacques Chirac peut-il encore jouer dans cette élection ?
Il y a six mois, voire trois, j’étais encore certain que Chirac allait se représenter. Il ne restera en aucun cas inerte. N’oubliez pas qu’il a déjà éliminé Chaban-Delmas puis Valéry Giscard d’Estaing. Il va embrasser Nicolas Sarkozy pour mieux l’étouffer. Un président sortant ne peut pas rester sans influence. Chirac s’autorisera peut-être quelques jours de vacances à Verbier, mais il continuera à peser sur la vie publique.
Un beau-fils qui se serait suicidé, un prétendu fils caché au Japon, une mère qui ne serait pas la sienne. Dans votre livre, la vie privée de Jacques Chirac est pleine de rumeurs.
Ce que je constate, dans le pays de Voltaire, c’est qu’un livre qui contenait les révélations de la meilleure amie de la mère de Chirac a été envoyé au pilon (n.d.l.r. : Jacques Chirac : une éternelle jeunesse). Pourquoi celui qui fut un proche de Chirac enfant écrivait-il ce genre de choses ? Ce livre en dit long sur la personnalité du président : un garçon de six ans qui est capable de pousser son camarade de classe dans l’escalier pour gagner à Colin Maillard. Je vois cela comme une prédisposition à l’action politique telle qu’il l’a menée.
Entre l’intellectuel incompris découvert par Pierre Péan sans son livre (n.d.l.r. : L’inconnu de l’Elysée) et le resquilleur que vous décrivez, quel est le vrai Jacques Chirac ?
Peut-être un peu des deux. Je suis cependant étonné de n’avoir pas su discerner l’intellectuel, alors qu’il a suffi de trente heures d’entretien à Pierre Péan pour le faire. Chirac a réussi à l’enfumer sur des trucs incroyables. Donc, c’est est un bon resquilleur. Un merveilleux menteur de charme.
Reste que le bilan politique de Jacques Chirac est faible.
Clairement, il n’a pas la vision politique qu’a eue un de Gaule. Ni la culture encyclopédique d’un Mitterrand. Mais Jacques Chirac a beaucoup fait. Notamment pour la Corrèze et pour Paris. Il y a aussi son allant sur la scène internationale, notamment dans les rapports est-ouest et nord-sud, son opposition à l’Irak ou son action africaine. Mais c’est surtout un véritable caméléon, le Johnny Hallyday de la politique française, s’adaptant à toutes les modes. Chez Chirac, il y a un tiers de mauvais et deux tiers de bon. Il a toujours refusé toute alliance avec l’extrême droite. Même si, en 2002, il a commis une erreur majeure en ne décidant pas d’un gouvernement d’union nationale. Et puis, il a contribué à humaniser et populariser la fonction présidentielle.
Mais son bilan sur le plan intérieur est creux…
C’est vrai. Surtout en faisant une campagne sur la « fracture sociale » en 1995. Mais il a laissé les diplomates prendre le pouvoir dans son entourage. Son premier septennat n’est pas le sien, puisqu’il y a cohabitation, ce péché contre l’esprit de la cinquième République. Et puis, que ce soit Juppé, Raffarin ou de Villepin, Chirac a mal choisi ses premiers ministres.
Comment va-t-il occuper sa vie de retraité ?
Il deviendra l’un des plus grands adeptes de Nicolas Hulot. Il présidera une sorte d’office international du développement durable. C’est un homme qui aura besoin de travailler ses quinze heures par jour. Fréquenter les décideurs, c’est toute sa vie. Il ne pourra pas s’en passer. Comme un Jimmy Carter ou un Nelson Mandela. Par contre, je le vois mal se faire payer pour animer des colloques.