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Julien Coupat : six mois pour rien ? Oh que non

Publie le samedi 30 mai 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

Julien Coupat : six mois pour rien ? Oh que non !

Par Serge Quadruppani Nomade italo-bellevilois

A l’heure où j’écris ceci, l’avocate de Julien Coupat attend toujours confirmation de sa libération. Cette libération annoncée achève de rendre ridicule aux yeux de tous l’opération de communication montée par le ministère de l’Intérieur avec l’aide de magistrats complaisants et de superpoliciers en quête de justifications à leurs lignes de crédits.

Pour l’heure, sur le terrain judiciaire, la victoire est loin d’être complète. Pour vaines qu’elles soient dans leur tentative de rupture des liens, d’individualisation des défenses (interdictions de communiquer entre eux) et d’infantilisation (des trentenaires assignés à résidence chez leur parent), les mesures qui frapperaient l’intéressé -comme celles déjà imposées à ses co-inculpés- ont encore le goût de ce qui se mange froid.
Le scepticisme médiatique généralisé devant le discours gouvernemental

La machine judiciaire étant fort mal équipée pour la marche arrière, un éventuel procès pourrait se conclure sur un de ces verdicts mi-chèvre mi-chou, du type « peine couvrant la détention », qui permettrait à la fine équipe Alliot-Marie-Bauer-Squarcini de ne pas perdre la face. Il y a encore des batailles à mener, pour l’abandon de la qualification « terroriste » d’abord, pour l’abandon pur et simple des poursuites ensuite.

Mais à cette étape, on peut déjà faire quelques remarques pour contribuer à un premier bilan de cette affaire.
Sur le rôle des médias d’abord. A chaque fois que les autorités étatiques annoncent de vastes entreprises de répression, qu’il s’agisse d’opérations coups de poing en banlieue ou Taïga en Corrèze, ces déploiements de cagoulés avec leurs journalistes intégrés prompts à dénicher les trafiquants dans les cages d’escalier et autres « épiceries tapies dans l’ombre », le fonctionnement des médias dominants est toujours le même : c’est radio-poulaga, la parole univoque des autorités.

Après, comme on est, paraît-il, en démocratie, les faiblesses du dossier apparaissant, il est toujours tant de laisser place à l’esprit critique. Le temps passant, les libre opinions et les mobilisations se multipliant, l’affaire de Tarnac a constitué un cas assez rare de scepticisme médiatique généralisé devant le discours gouvernemental.

A l’exception de quelques organes qui se sont fait l’écho des faibles contre-attaques médiatiques de l’Intérieur (comme la soudaine et opportune apparition d’une liste de courses au Canada, et autres plaisanteries involontaires du Point), l’affaire de Tarnac a surtout servi de support à la verve des humoristes. Ayant été le premier, je le dis sans excessive modestie, à signaler dans un média national (ici-même) le caractère bouffon de l’affaire, je me permettrai de faire remarquer aux travailleurs médiatique qu’il existe bien d’autres dossiers semblables, par exemple celui de la fusillade de Villers-le-Bel, où les inculpés auraient aussi besoin de leur esprit critique renouvelé.

On peut quand même s’interroger sur cette tendance récurrente de ce qui se prétend « le quatrième pouvoir » à se faire porte-parole de l’Intérieur. Directement dépendantes de cette oligarchie financière dont Sarkozy est le fondé de pouvoir, les directions des grands journaux sont tout naturellement portées à relayer la parole du gouvernement ou celle de ses opposants institutionnels.
Un renouveau de l’esprit de rébellion ?

Mais les journalistes de base, ceux qui, de piges en CDI, connaissent une précarité qui les rapproche plus de la plèbe que de l’hyperbourgeoisie mondiale en train de détruire la planète, ces gens-là, pourquoi s’obstinent-ils à servir la seconde (et ses prétoriens) aux dépens de la première ? Un terrible soupçon nous saisit : serait-ce que la proximité avec la gent policière est indispensable au maintien de leur gagne-pain ? Plus de tuyaux, plus de boulot ? Si c’était ça, quel triste aveu !

Après ces premières observations, il faudra passer à l’essentiel : constater que dans cette affaire comme dans tant d’autres secteurs (des sans-papiers à l’éducation, du gaz aux entreprises cassées, et notre très chère Guadeloupe), l’esprit de rébellion a connu un renouveau qui pourait produire de l’imprévu dans les années à venir. L’idée du communisme est débattue à nouveau (même si elle est encore, pour certains philosophes, fâcheusement associée au serial-killer Mao).

A travers la belle insurrection pacifique des comités de soutien, à travers les échanges sur Internet et dans les bistrots, les manifs et les assemblées, une intelligence collective est en train de naître, qui ne s’en laisse plus compter. Des tâches immenses l’attendent, comme de comprendre comment les mouvements sociaux pourraient se fédérer en dehors des institutions syndicales et partitaires qui ne visent au final qu’à maintenir l’existant.

Cher Julien, comme le montre ton interview, tu sembles doté d’une nature et d’un style (dans la vie comme dans l’écriture) qui t’ont permis d’affronter ces six mois de détention sans dégâts. Ces six mois d’incarcération arbitraire n’ont pas été perdus, pour nous tous. Mais enfin, je ne doute pas que ta sortie puisse être une bonne nouvelle pour toi, comme elle l’est pour nous. Bienvenue à l’air libre, Julien, tu vas pouvoir nous aider à critiquer sérieusement l’Insurrection qui vient

http://www.rue89.com/2009/05/28/julien-coupat-six-mois-pour-rien-oh-que-non

Messages

  • L’embrouille judiciaire contre les gens de Tarnac, entre autres, ne sert à rien moins qu’à terroriser les gens qui ont des velléités de critique et de rébellion. On le voit, pour rien bien des gens se retrouvent inculpés, notamment en manif. D’ailleurs, justement le ministre (je dis "le", car il ne s’agit pas de la femme Aliot Marie, mais de sa fonction, la femme, là, s’effaçant derrière la fonction) veut inculper les gens qui portent une cagoule en manif, c’est dire l’orientation que prend l’Etat dont la fonction essentielle - mais faut il le rappeler - est la répression. En particulier, Coupat paie parce qu’il est soupçonné de publier des textes visant l’insurrection, alors même qu’il vient de la bourgeoisie. C’est en partie ce rapport là que lui reprochent méchamment les gens de sa classe sociale, parce qu’il est, à leurs yeux, un renégat ; un Lebovici, en quelque sorte, mettant à disposition sa fortune pour un Debord et ses amis lesquels avaient des visées insurrectionnelles.

  • ".../...Dans le livre publié par Serge Quadruppani au début de 1989 aux Éditions de La Découverte, L’Anlilerrorisme en France, il n’y a qu’un détail qui me concerne, mais c’est un truquage parfaitement extravagant, une sorte de cuvée réservée aux objectifs spéciaux : « Et. quand G. Debord assure que Moro était détenu dans un bâtiment impénétrable (sous-entendu, sans doute : l’ambassade des États-Unis), on peut être interloqué ( ... ) Il est seulement dommage qu’il faille croire l’auteur de La Société du spectacle sur parole.
    J’avais montré, et c’est réellement un trait assez récent dans la description de la société démocratique : « Il y a toujours un plus grand nombre de lieux, dans les grandes villes comme dans quelques espaces réservés de la campagne, qui sont inaccessibles, c’est-à-dire gardés et protégés de tout regard ( ... ) sans être tous proprement militaires, ils sont sur ce modèle placés au delà de tout risque de contrôle par des passants ou des habitants... »
    Désireux de me faire passer pour un archaïque imbécile, Quadruppani croit qu’il peut confondre cette triste nouveauté avec le vieux statut de l’extraterritorialité diplomatique, aux caves du Vatican, ou à cette excessive ambassade des États-Unis, si habituée à tout faire en Italie qu’elle irait même se charger de séquestrer Aldo Moro. Il a l’aberrante audace de regretter que l’on doive croire seulement « sur parole » une niaiserie que je n’ai pas dite, il le sait bien ; puisqu’il décide tout seul, que je l’ai "sans doute" pensée !
    On peut trouver presque également suspecte, quand c’est un Quadruppani qui l’emploie, sa tournure exagérément pompeuse qui évoque "l’auteur de La Société du spectacle". Voudrait-on aussi m’en attribuer la responsabilité ? Les véritables auteurs de la société du spectacle, il me semble que c’est bien plutôt vous autres, employés aux étranges travaux..../..."

    Guy Debord

    Retire tes moustaches bourrique !! on t’a reconnu !