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L’Armée du crime. Aux partisans de la vie
Publie le mercredi 16 septembre 2009 par Open-Publishing4 commentaires

de Dominique Widemann
L’Armée du crime, film à travers lequel Robert Guédiguian ressuscite le groupe Manouchian, sort aujourd’hui.
L’Armée du crime, de Robert Guédiguian France. 2 h 19
Ils sont juifs, polonais, hongrois, roumains, italiens, espagnols, arméniens, communistes, internationalistes et si terriblement jeunes lorsqu’ils meurent pour la France sous les balles nazies le 21 février 1944. Vingt-deux hommes et une femme qui avaient combattu dans la clandestinité d’un groupe de résistants avec, à leur tête, le poète arménien Missak Manouchian.
Avant que les fusils fleurissent, que leur mort transcende leur vie en destin. Mais tels que Robert Guédiguian choisit de les ressusciter dans son Armée du crime, ces héros de légende sont confrontés à la réalité de leur temps plutôt qu’à une métaphysique. En contraste avec les partisans de l’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville, avec ceux dont Roberto Rossellini retrace les secrets exploits dans Rome, ville ouverte, l’esprit de résistance n’est pas ici une donnée préalablement acquise.
C’est à la lumière du quotidien de leur jeunesse populaire, à hauteur d’humanité, que Robert Guédiguien va s’attacher pas à pas à montrer ce qui les grandit. Le début du film manie cette dialectique, qui nous les fait rencontrer visage après visage, accompagnés de l’énoncé d’abord singulier de leurs noms que la mention « Mort pour la France » rassemble en litanie. Ils sont dans le fourgon des heures ultimes, longeant les quais de Paris. Là, ils se désaltèrent pour jamais aux coulées du soleil et à la fraîcheur des arbres, à la simplicité des passants, à toute la poésie soudain si poignante de l’ordinaire.
« hé, Krasu, tu descends ? »
Filant un scénario écrit avec Serge Le Péron et Gilles Taurand, Robert Guediguian va ensuite revenir au creuset des engagements de ces jeunes gens et jeunes filles, le Belleville industrieux où l’on se hèle depuis les fenêtres d’un « hé, Krasu, tu descends ? », où l’on échange à la piscine baisers et bourrades entre deux repas aux plats souvent venus d’ailleurs, ceux que l’on partage dans ces familles dont beaucoup ont déjà fui l’oppression jusqu’au pays des droits de l’homme. Ces immigrés fondent là leur confiance et toute une jeunesse y puise ses élans. « Ici, il ne peut rien nous arriver », se rassurera la mère de Thomas Elek, l’un des vingt-trois, restauratrice qui, de toute la guerre, ne fermera pas son établissement signalé comme « juif ». Courage silencieux qu’incarne Ariane Ascaride en même temps qu’un amour maternel dont la force imposera l’empire sur soi bien au-delà de ce que les circonstances exigeront de vertu. Amour encore, sensuel, profane qui lie à Missak Manouchian (Simon Abkarian) sa compagne Mélinée (Virginie Ledoyen). Amour, toujours pour les frères et soeurs, les parents, les livres, les copains, les « compét’ » sportives, tout cela rejaillit de cette chronique à laquelle le film d’action se juxtaposera avant de la dépasser. Le processus aura été éclairé de ce qui peut construire le désir libertaire d’aventurer sa vie à pas même vingt ans, servi par une distribution brasillante. Non sans que doutes et scrupules n’ombrent les déterminations. Plus encore chez Missak Manouchian, chargé de quelques années supplémentaires, d’une enfance qu’avait massacrée le génocide arménien et la perte des siens qui passent ici en souvenirs photographiques gardés près du coeur. Poète, il s’était juré que sa plume serait son arme suprême de communiste. Si son sens moral l’empêche de refuser le commandement que son parti lui ordonne, il tentera de s’en défendre.
Les violences infligées ou subies
Une scène très bien chorégraphiée nous le montre dans une intégrité qui l’oblige à retourner sur le lieu de son premier attentat, face aux cadavres démantibulés et sanglants des soldats allemands qu’il vient de tuer. Les violences infligées ou subies, représentées sans complaisance, ressortissent elles aussi dans le film à une morale cinématographique dont Robert Guédiguian maîtrise avec vigilance les préceptes. Ainsi également d’une réalité historique dont il poursuit la justesse au profit d’une vérité qui ne sera jamais trahie malgré les distorsions factuelles ou chronologiques qui oeuvrent à l’efficacité de la narration. Tout est vrai de ces résistances à l’abaissement humain, de ces existences d’hommes libres que d’autres enserrèrent dans une traque dont le schéma est implacablement dessiné dans l’Armée du crime. Schéma qui avait de longue date condamné le groupe Manouchian, appliqué par deux cents policiers français des « brigades spéciales » - quatre pour un partisan dans le Paris de l’époque - et on sait que le zèle devait ravir les nazis. Au point que le film les montre peu et fait intervenir la guerre depuis le hors-champ. À tous égards lumineux, l’Armée du crime sait retenir ses effets, de ce titre reprenant sobrement une désignation que les fascistes voulaient infamante pour Manouchian et ses camarades jusqu’à l’apparition finale de l’Affiche à leurs portraits qui les confie à la grande histoire et à nous tous.
Messages
1. L’Armée du crime. Aux partisans de la vie, 16 septembre 2009, 21:30, par jehanrictus
à chaud ,trés bon film meme si à la fin on peut regretter ne pas entendre l’affiche rouge (Aragon Ferre).
reviennent les éternelles questions sur les collabos et tortionnaires ,le role de la police et gendarmerie complices ,combien de délateurs ,Bousquet et autres qui sont passés au travers, le role des politiques dont Coty et autres etc ayant collaboré avec le régime Pétain. on ne peut s’empécher de rappeler BORGES qui affirmait que la vérité est mère de l’histoire ,témoin du passé et surtout AVERTISSEMENT DE L’AVENIR
2. L’Armée du crime. Aux partisans de la vie, 17 septembre 2009, 09:29
Ouai...dommage...
Les critiques et rapports du film vont tout faire pour gommer cet "aspect gênant"... comment des héros pouvaient être AUSSI communistes... dans l’actuel climat d’anti communisme à l’échelle européenne, hein, ça dérange ??? non ???
Ben si.
La preuve, plus personne n’en parle SUR le Film, l’affiche et fait de la FTP MOI un regroupement "international".
C’est à pleurer.
G.L. avait donc bien le nez creux quand i l y a qq temps il avait demandé ici "où est passé le mot ’communiste’" ? sur l’affiche.....