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L’ISRAELIENNE QUI DEFEND LES KAMIKAZES

Publie le lundi 28 juillet 2003 par Open-Publishing

25 juillet - Une interview de l¹avocate Lea Tsemel par Raffi Berg à
Jérusalem publiée par BBC News Online, dans laquelle la célèbre avocate
israélienne explique pourquoi elle défend des kamikazes palestiniens.

 
³ Dans un bureau du 4ème étage d¹un immeuble de Jérusalem Est, un groupe de
femmes palestiniennes attend impatiemment. Elles sont venues voir leur
avocate, qui est occupée au téléphone. C¹est une chaude journée et les
fenêtres sont ouvertes dans une vaine tentative de rafraîchir la pièce.

Des centaines d¹Israéliens ont été tués par des attentats suicides.
Une photo sur le mur attire mon regard. C¹est une peinture de prisonniers
palestiniens assis à même le sol et enchaînés dans un camp désertique,
surveillés par des gardes israéliens à l¹aspect menaçant.
Je remarque que la pièce est décorée de photos décrivant des scènes de
souffrance de la population palestinienne.

Tandis que je suis là à m¹interroger sur ces images, je suis ramené à la
réalité par une voix grave de femme qui me dit ³ Entrez ! ², puis ³
asseyez-vous ! ² en me désignant une chaise.
 ³ Eh bien, de quoi souhaitez-vous que nous discutions ? ², demande-t-elle.

Cette femme est Léa Tsemel, une avocate au franc parler, connue et respectée
de toutes les associations israéliennes de défense des droits de l¹Homme
pour son travail avec les Palestiniens.
Pour beaucoup d¹Israéliens toutefois, elle est hérétique. Son travail
consiste à défendre
des kamikazes potentiels qui ont été capturés par les forces de sécurité
israéliennes avant qu¹ils ne se fassent sauter.

 ³ Il est difficile de dire combien de kamikazes je représente, mais sans
doute plusieurs douzaines ², admet-elle.

Née dans le port israélien d¹Haïfa en 1945, Madame Tsemel avait 22 ans quand
Israël s¹empara de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza au cours de la
guerre des Six Jours de 1967, dont l¹issue l¹affecta profondément,
explique-t-elle.

 ³Ce n¹est qu¹en 1967 que j¹ai ouvert les yeux. Auparavant, j¹étais une
femme sioniste très modérée. L¹occupation m¹a fait comprendre que quelque
chose n¹allait pas et j¹ai commencé à me poser toutes sortes de questions et
parvins à la conclusion que le sionisme est négatif et mauvais, et que nous
étions en train d¹opprimer les Palestiniens. A partir de là ma future
carrière fut plus ou moins déterminée ²

Madame Tsemel représenta des Palestiniens accusés de violences pendant la
première intifada, à l¹époque ou les attentats suicides n¹étaient pas encore
les armes préférées des combattants.

 "C¹était des cocktails Molotov, mais cela a changé et, pour moi, les
attentats suicide ne sont qu¹un développement technique, rien d¹autre.
Chacun se bat avec les moyens dont il dispose les Israéliens ont des
hélicoptères et des bombes, tandis que les Palestiniens n¹ont qu¹eux-mêmes
et des explosifs artisanaux très rudimentaires ².

De tels explosifs artisanaux ³rudimentaires² ont tué des centaines
d¹Israéliens et en ont blessé bien davantage, dont bon nombre dans des rues
voisines de l¹endroit où nous nous trouvons.

Malgré leurs effets dévastateurs, Mme Tsemel déclare qu¹elle comprend les
motifs de tels actes.

 ³ J¹ai grandi dans la culture israélienne qui présente les combattants qui
ont recours au suicide comme des héros, dit-elle. Je ne comprends pas
pourquoi les gens s¹indigneraient de mes opinions. Prenez Samson par
exemple, qui pour vaincre les Philistins à Gaza fit s¹écrouler le théâtre
sur lui-même et sur tous les civils qui se trouvaient à l¹intérieur. C¹est
un formidable héros aux yeux des enfants israéliens.
J¹ai été élevée dans le mythe du ³ mieux vaut se suicider que se rendre ².
Donc qu¹y a-t-il de si extraordinaire concernant les kamikazes ?

Je fais remarquer que beaucoup d¹Israéliens auront du mal à digérer ses
idées, mais Me TsemeI est inébranlable dans ses convictions.

 "Je ne vois pas pourquoi on s¹indignerait de mes opinions. Si vous
demandiez à n¹importe quel Israélien de se placer dans une telle situation
d¹occupation et d¹oppression pendant 36 ans, il admettra qu¹il se
comporterait de la même manière, y compris Sharon.
Je n¹ai jamais entendu ceux qui sont choqués par de tels attentats suicides,
qui tuent des femmes et des enfants, émettre des critiques similaires quand
il s¹agit de bombes israéliennes qui tuent des civils palestiniens ².

Mme Tsemel indique qu¹elle n¹a jamais demandé à ses clients pourquoi ils
sont devenus kamikazes parce que les raisons lui semblent suffisamment
claires.

 "Je ne soutiens pas de telles actions, et je n¹estime pas qu¹elles
constituent une solution, ajoute-t-elle, mais je peux parfaitement
comprendre comment les attentats suicides sont devenus un moyen de lutte
populaire tout d¹abord parce que cela marche et deuxièmement parce que les
gens sont prêts à tout risquer pour faire avancer leur lutte nationale. Ils
ont le sentiment qu¹ils doivent le faire. Aucun des Palestiniens que je
connais n¹y a été contraint. Ils se sont tous porté volontaires. Ceux qui
ont été arrêtés avant qu¹ils puissent faire exploser leur bombe, sont
contents de n¹avoir pas été tués et l¹interprètent comme un signe que Dieu
n¹a pas voulu qu¹ils meurent ².

Mais leur arrive-t-il de penser qu¹ils avaient tort de vouloir le faire ?

 ³ Certains regrettent leur action. Cela arrive ², répond Léa Tsemel.