L’UIMM lâche Denis Gautier-Sauvagnac pour préserver son autonomie face au Medef

de Michel Delberghe

A la "campagne violente" dont elle s’estime victime, l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) a voulu opposer son "unanimité" et une certaine "sérénité". A l’issue d’une réunion de crise, lundi 3 mars, le bureau de la fédération patronale a opéré une concession en lâchant Denis Gautier-Sauvagnac et Dominique de Calan, ses deux dirigeants mis en cause dans l’affaire de la caisse noire. Mais ses responsables ne sont pas prêts à céder aux sommations de la présidente du Medef, Laurence Parisot.

LE BUREAU DE L’UIMM

FRÉDÉRIC SAINT-GEOURS (ex-directeur général de Peugeot) a été élu le 20 décembre 2007 président du bureau de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).

DEPUIS CETTE DATE, le bureau est composé de :

Jean-Paul Béchat (ex-Safran), Etienne Bernard (mécanique), Laurent Bernard (UIMM Picardie), Philippe Darmayan (Arcelor-Mittal), Thierry Gagnez (UIMM Vosges), Yvon Jacob (industries mécaniques), Joël Karecki (Philips France), Anne Lauvergeon (Areva), Robert Mahler (équipements électriques), Jean-Paul Mauduy (UIMM du Rhône), Roger Pellenc, (UIMM Vaucluse), Jean-Marie Poimboeuf (chantiers navals), Yves Rambaud (minerais), André Robert-Dehault (fonderie), Christian Streiff, (PSA), Michel de Virville (Renault).

SIÈGENT AUSSI au titre de président d’honneur, les anciens présidents Jean Cantenot, François Ceyrac, Daniel Dewavrin, Pierre Guillen, Jean d’Huart, Arnaud Leenhardt.

Denis Gautier-Sauvagnac a déclaré lundi 4 mars, devant le bureau de l’UIMM :

"En ce qui concerne la transaction financière qui a été signée et exécutée : elle ne rémunère pas mon silence : dès l’éclatement de l’affaire, fin septembre 2007, j’ai dit publiquement que je ne dirais rien. Il n’y avait donc rien à acheter. Elle marque seulement la double reconnaissance du travail accompli et du chapeau que je porte depuis six mois en assumant la responsabilité d’un système institutionnel, centenaire, dont j’ai hérité et dont j’avais engagé la réforme. Compte tenu des tombereaux d’avanies que ce chapeau m’a valu, je suis prêt à le céder à qui voudra, avec les indemnités qui l’accompagnent."

Sur France 2 puis dans le Journal du dimanche, Mme Parisot avait dénoncé "le comportement grossier" de l’UIMM qui, en décembre 2007, a accordé une indemnité de départ de 1,5 million d’euros à son délégué général et ancien président Denis Gautier-Sauvagnac. Mis en examen pour "abus de confiance" après la découverte d’une caisse noire de 600 millions d’euros, ce dernier avait aussi obtenu d’être couvert par l’organisation pour toute poursuite fiscale.

CALMER LE JEU

Au sortir de trois heures de débats, Frédéric Saint-Geours, nouveau président de l’UIMM, a affiché une volonté de calmer le jeu. Selon lui, M. Gautier-Sauvagnac aurait de lui-même proposé que "soit ouverte une discussion en vue d’une possible révision des accords pris", soit le réexamen de toutes les clauses de son départ, ses indemnités et le volet fiscal très controversé. Sans attendre les Etats généraux du "renouveau" de l’UIMM convoqués le 19 mars qui, selon son président, devront établir de nouvelles règles de "transparence financière et de gouvernance", M. Gautier-Sauvagnac va quitter la fédération patronale. Et son adjoint, Dominique de Calan, a été démis de ses fonctions. Par ailleurs, les contrats mis en cause devaient être transmis mardi au procureur de la République.

L’UIMM abandonne ses deux dirigeants sous le coup d’une procédure judiciaire, mais reste ferme face au diktat de Mme Parisot. "De façon forte et unanime", son bureau a décidé de ne pas rendre les mandats nationaux que la métallurgie exerce au nom du Medef, soit une centaine de postes de représentation dans des organismes divers du paritarisme sur près de 900 au total. M. Saint-Geours, qui fait valoir "l’expertise et l’expérience" acquises par l’UIMM, espère bien retrouver la présidence de l’Unedic, dont Michel de Virville, qui a supervisé la transaction de départ de M. Gautier-Sauvagnac, a démissionné samedi. La fédération patronale souhaite aussi conserver la présidence de la caisse de retraite des cadres Agirc où M. de Calan a été élu en février.

Le nouvel appel, lancé lundi par la présidente du Medef à la base de l’UIMM pour qu’elle "se ressaisisse contre l’appareil", a été mal apprécié. Mme Parisot et M. Saint-Geours se sont rencontrés mardi pour apaiser la crise. Mais au Medef, les concessions de la fédération sont accueillies comme une première "victoire".

Pour François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, elles représentent même un "début d’aveu de culpabilité", a-t-il commenté sur BFM. Le premier ministre, François Fillon, a précisé mardi sur Europe 1 : "Je crois que Mme Parisot a eu la bonne réaction. Tout le monde a été choqué par le montant des indemnités, mais surtout par la méthode." Et il a ajouté : "Je veux rappeler qu’il y a une instruction judiciaire en cours, et le rôle du gouvernement n’est pas de se substituer à la justice."

http://www.lemonde.fr/societe/artic...