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L’attitude des révolutionnaires pour 2005 dans les organisations syndicales ?

Publie le vendredi 31 décembre 2004 par Open-Publishing
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de Pillot Pierre

Les directions réformistes des organisations syndicales constituent l’obstacle principal sur la voie de la transformation socialiste de la société. le mouvement ouvrier devra préalablement se libérer de leur emprise et se doter d’une direction révolutionnaire authentique. la question est de savoir comment cette nouvelle direction émergera au cours des prochaines années et quelle doit être, en conséquence, l’attitude des révolutionnaires envers les principales organisations syndicales du salariat.

Pour les groupements (sectes) : collectifs, réseaux, coordinations, les conclusions qui sont à tirer des événements récents sont les suivantes : les syndicats sont historiquement "finis". Les défaites récentes du salariat ouvre un "espace" pour l’émergence d’un mouvement en dehors de ces organisations et en concurrence avec elles.

Mais à la lumière de toute l’histoire de la lutte des classes, à l’échelle internationale, la mobilisation massive qui se produira tôt ou tard passera par-dessus de la tête des groupements et se tournera vers les grandes confédérations syndicales. Les jeunes et les travailleurs, une fois massivement entrés en action contre la puissance du patronat et de l’Etat, ne verront pas l’utilité d’une secte ou d’une quelconque organisation marginale, et ce quelle que soit la "pureté" de ses idées. Et pour cause : de telles organisations n’ont, en effet, aucune utilité dans un pareil contexte. En conséquence, au cours des prochains affrontements, il s’avérera que les organisations syndicales disposent de réserves sociales incomparablement plus importantes et puissantes que tous ces groupements prétendument "révolutionnaires" réunis.

la question de l’attitude vis-à-vis des grands syndicats, a semé une confusion considérable, non seulement dans l’esprit des militants de ces groupements, mais auprès d’une fraction significative de la jeunesse en général

La question de l’attitude que doit adopter un révolutionnaire envers l’ensemble du mouvement ouvrier n’est pas un problème nouveau, et les théoriciens les plus éminents nous ont laissé une abondante littérature à ce sujet. Après tout, s’il suffisait de proclamer la supériorité du socialisme par rapport au capitalisme, ou de dénoncer le réformisme, pour que la masse des salariés rallie la cause révolutionnaire, il y a longtemps que le capitalisme aurait été renversé. La question est de savoir comment les maigres forces révolutionnaires peuvent, tout d’abord, aider la couche la plus combative et consciente du salariat à comprendre la nécessité d’une révolution, et, ensuite, comment et dans quelles conditions cette couche peut obtenir l’adhésion de la masse de la population. Dépourvues d’une réponse sérieuse à cette question, les idées du socialisme ne seraient que lettre morte. Il est donc d’une importance primordiale de rétablir les positions fondamentales sur ces questions.

Pour moi, le "sectarisme" n’est pas une simple injure, ni un terme dont on se sert allègrement dans une polémique. Le sectarisme désigne un phénomène précis. Le programme est élaboré de manière scientifique, à partir des conditions matérielles créées par le capitalisme, et non pas à partir des schémas moraux et abstraits. Mais l’adoption de ce programme ne suffit pas pour changer la société. Encore faut-il qu’il soit adopté par les forces sociales colossales qui seules peuvent le mettre en œuvre. Le sectaire, tout en attachant une immense importance au fait qu’il ait lui-même "compris" le programme du socialisme, sous-estime, voire néglige totalement la nécessité de lier celui-ci aux organisations des travailleurs. Sa fierté est dans tout ce qui le distingue des "masses", de leurs "illusions" et autres défauts. Au lieu d’intervenir activement dans le mouvement ouvrier réel, tel qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses, il se contente de proclamer, de l’extérieur, ce que le mouvement ouvrier devrait être.

Les traits psychologiques fondamentaux du « sectaire » sont son impatience et sa crainte devant les grandes tâches, il "érige son impatience en programme politique". Le « sectaire » refuse, "par principe", de participer au mouvement ouvrier tel qu’il est - massif, vivant, traversé par toutes sortes de courants, y compris des courants réactionnaires - et donc forcément imparfait et "hors cadre" par rapport à l’idéologie "parfaite" de son "dogme". Reculant devant la tâche qui lui paraît trop immense, à savoir la nécessité de gagner ce grand mouvement aux idées révolutionnaires, le sectaire préfère se tenir confortablement à l’écart, dénoncer les défauts du mouvement, et ce jusqu’au jour où, pense-t-il, la "masse" prendra enfin conscience de son erreur, abandonnera ses organisations et se mettront à l’école de la perfection où il règne en maître incontesté !

En évoquant le travail des révolutionnaires dans les syndicats, un militant révolutionnaire critiquait le "dogmatisme de gauche" qui, prenant pour prétexte " l’esprit réactionnaire des milieux dirigeants syndicaux,[...] concluent à la sortie des révolutionnaires des syndicats". Cette "bêtise impardonnable rend un immense service aux capitalistes", car le refus de participer aux syndicats sous prétexte qu’ils sont dominés par des éléments conservateurs revient à abandonner les salariés à l’influence de ces mêmes dirigeants.

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Le sectaire est constamment désappointé par le fait que les travailleurs, malgré tout ce qu’ils ont vécu, "ne comprennent toujours pas" qu’il faut abandonner les organisations syndicales et notamment la première d’entres elles, et se mettre sous ses ordres à lui. Cette irritation permanente peut parfois le rendre quelque peu hystérique. Il est incapable de comprendre que les travailleurs, face aux énormes moyens de leurs adversaires, et même quand ils sont profondément déçus par leurs organisations, ne peuvent pas se permettre de chercher l’adresse de tel ou tel groupement marginal et "tout recommencer". Dans la pratique, ils n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers les organisations syndicales les plus importantes et représentatives, vers des drapeaux visibles et reconnus par des forces suffisamment importantes pour infliger une défaite à l’ennemi. C’est ce qui s’est produit depuis 1995 et, n’en déplaise à beaucoup, ce qui se reproduira inévitablement lors des prochains affrontements.

Dès lors qu’ils s’engagent dans une lutte sérieuse et de grande échelle contre leurs adversaires, que ce soit à travers des grèves ou sur le plan politique, les travailleurs sentent instinctivement la nécessité de la plus grande unité possible, et considèrent ceux qui empêchent cette unité comme un obstacle. Ainsi, au lieu d’abandonner les organisations de masse - c’est-à-dire reconnues comme une force immédiatement accessible et potentiellement puissante dans la conscience collective de la masse de la population - en faveur d’une secte marginale, le mouvement social exerce, et exercera davantage à l’avenir, une pression sur ces grandes structures afin de les transformer, et afin de les soumettre aux exigences de sa lutte. Pour tous ceux qui ont des yeux pour voir, ce processus est déjà engagé, et prendra nécessairement une ampleur et une puissance incomparablement plus fortes à l’avenir.

Les organisations sectaires justifient leur démarche par la nécessité de maintenir à tout prix "l’indépendance révolutionnaire". Elles confondent la nécessaire indépendance idéologique, organisationnelle et financière du mouvement révolutionnaire avec une séparation physique de celui-ci par rapport aux organisations les plus importantes du salariat. Tout en étant inflexible sur nos principes révolutionnaires (pour ceux qui en ont), nous devons au contraire nous orienter résolument vers les organisations traditionnelles du salariat, ce qui signifie, concrètement, les organisations syndicales.

A ce stade, nous ne sommes qu’au début d’un long travail. Nous devrons nécessairement passer, pendant un certain temps, par une phase préparatoire, dans laquelle la formation des militants, le propagandisme et le travail de terrain occuperont une place prépondérante dans nos activités. Sans un minimum de militants formés lié à une activité de terrain, une action cohérente dans le mouvement social est impossible. Cependant, un révolutionnaire ne se forme pas seulement avec la discussion et l’étude théorique. Il doit aussi s’efforcer de se lier au mouvement social, que ce soit une section syndicale ou autres structures, et apprendre comment y intervenir correctement, par un travail sur le terrain, au plus prés des salariés et de leurs souffrances. Notre but ne doit pas être de former des théoriciens en vase clos, "prêchant aux convertis". Si j’insiste tant sur la formation théorique et de terrain, c’est pour pouvoir intervenir efficacement auprès de la jeunesse et des travailleurs.

Dans le cadre d’une orientation générale vers les organisations syndicales les plus importantes des travailleurs, il faudra faire preuve d’une très grande souplesse tactique dans notre activité au jour le jour. En nous dirigeant vers les meilleurs éléments, là où ils se trouvent - c’est-à-dire, pour l’instant, en dehors des organisations traditionnelles - nous trouverons les effectifs qui nous permettront d’agir de manière efficace lorsque, en conséquence des mobilisations successives des jeunes et des travailleurs, la situation à l’intérieur de ces organisations deviendra plus favorable. Au cours des années à venir, à condition de mener à bien notre travail, par une combinaison de formation théorique, d’activité publique, et de pratique sur le terrain nous jèterons les bases d’une puissante tendance révolutionnaire, non pas à l’extérieur des grandes organisations du salariat, mais fermement ancrée au cœur de celles-ci.

A partir de là, les grands conflits de classe qui se préparent en France ouvriront la voie à l’émergence d’un véritable mouvement révolutionnaire, non pas à l’image des sectes opportunistes qui grouillent en marge des syndicats, mais, au contraire, avec l’avantage colossal - et qui s’avérera décisif - d’en faire partie intégrante. Concrètement, en France, l’expression organisée des forces vives, massives et puissantes, et donc réellement capables d’en finir avec le capitalisme et son cortège de souffrance et d’horreurs, prendra forme à partir des organisations existantes, c’est-à-dire à partir des grandes structures syndicales, et non pas à partir d’une quelconque "alternative" concurrente.

A un certain stade du processus, sous l’impact des événements, une lutte décisive s’engagera, au sein des grandes organisations syndicales, entre le mouvement révolutionnaire en cours et les appareils bureaucratiques conservateurs qui ont définitivement lié leur sort à celui du système capitaliste, et qui chercheront, en conséquence, à garantir sa survie. A l’issue de ce combat, moyennant l’existence d’un courant révolutionnaire authentique, le mouvement vers le socialisme parviendra enfin à consigner les directions qui lui font obstacle là où sera dorénavant leur place, à savoir la poubelle de l’histoire. Ainsi, les puissantes forces sociales qui ont été jusqu’ici bridées, trompées et trahies par elles, seront enfin dotées de représentants dont le programme et la volonté répondront aux grandes tâches de notre époque, et qui leur permettront de s’émanciper définitivement du carcan de l’exploitation capitaliste

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