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L’écho de Téhéran à Bagdad

Publie le jeudi 30 juin 2005 par Open-Publishing

de GIULIANA SGRENA Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Les élections iraniennes sont « illégitimes et (sont) une honte », parole de Bush. A coup sûr, les élections iraniennes ne se sont pas passées démocratiquement étant donnée l’exclusion de nombreux réformistes, parmi lesquels beaucoup de femmes. En plus des embrouilles dénoncées par certains candidats. Mais les élections irakiennes du 30 janvier l’étaient à coup sûr encore moins, légitimes, étant donné que là, c’est une minorité entière, les sunnites, qui a été exclue, et pour des raisons différentes.

Et pourtant Bush n’a eu aucun doute pour les avaliser, après avoir fait raser au sol par son armée la ville de Falluja, une partie de Samara et des quartiers de Mosul, et ceci afin de maintenir son calendrier électoral. C’est de mauvaise foi, doublée d’une bonne dose de mystification, que Bush soutient que le résultat iranien -la victoire du conservateur Mahmoud Ahmadi-Nejad_ est à « contre courant » avec les autres résultats de la région. Lesquels ? Ceux qui ont prêté main forte aux candidats de Al Sistani (une liste confessionnelle qui a eu un beaucoup de succès parmi les chiites irakiens, désireux de voter avec une fatwa, une sentence coranique) ont été en grande partie des religieux, parmi lesquels ceux qui soutiennent Muqtada al Sadr, mais aussi l’ayatollah Abdelaziz al Hakim, qui en Iran avaient d’avantage l’appui des gardiens de la révolution de Khamenei que des réformistes de Khatami.

La conquête de la présidence de la part du maire conservateur de Téhéran aura donc beaucoup d’influence dans la région et surtout en Irak, où la poussée pour instaurer une république islamique sur le modèle iranien trouvera de nouveaux soutiens. Le sud du pays est déjà largement « contaminé » par des groupes iraniens qui font du prosélytisme. Les pasdaran sont depuis longtemps comme chez eux à Sadr City, la citadelle chiite de Muqtada al Sadr à Bagdad, et à Bassorah où les adeptes du leader chiite ont commencé à persécuter les jeunes aux mours « faciles ». Tout comme les « conseillers » iraniens fréquentent assidûment les sièges des partis religieux chiites, parmi lesquels ceux du Sciiri, Conseil Suprême de la révolution islamique en Irak, dont les dirigeants ont passé leurs années d’exil à Téhéran, justement, en appuyant le régime iranien même dans sa guerre contre Sadam Hussein.

Les rivalités entre les différentes composantes chiites irakiennes ne les empêchent pas d’avoir le même sanctuaire en Iran, de même que pour les iraniens, après la chute de Sadam Hussein, Najaf - la ville sainte chiite par excellence- a reconquis toute sa valeur. C’est justement à Najaf, pendant son exil, que l’ayatollah Khomeini, leader de la révolution iranienne, avait élaboré sa théorie du velayat-e-faqih (suprématie du religieux), en plaçant nombre de ses adeptes dans les madrasa irakiennes. Même si la plus grande autorité chiite d’Irak, l’ayatollah Ali al Sistani (du reste d’origine iranienne), se réclame au contraire de la ligne opposée, « quiétiste », qui ne soutient pas que les mollahs doivent gouverner. Ceci ne signifie pas que la religion ne doive pas « contaminer » la politique et ça s’est déjà vu lors des récentes élections. Et même avant déjà, dans l’élaboration de la Constitution provisoire, quand Al Sistani soutenait que la charria (la loi coranique) doit être la source première de la loi. Sa tentative n’était pas passée, à ce moment là, tout comme celle d’éliminer le code de la famille (un des plus progressistes du monde arabo-musulman) de la part de l’ayatollah al Hakim. Mais maintenant ce qui est en discussion c’est la constitution qui devra gouverner l’Irak dans l’avenir, et le parti de Al Sistani a la majorité.

Editorial de dimanche 26 juin 2005 de il manifesto

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