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L’enfer à payer pour la « Guerre Sainte » de l’OTAN en Syrie

par Pepe Escobar *

Publie le vendredi 20 juillet 2012 par Pepe Escobar * - Open-Publishing

Le Secrétaire d’Etat US Hillary Clinton est à bout des munitions rhétoriques dans la guerre Sainte des Etats-Unis contre la Syrie. Peut-être est-ce le stress de lancer une guerre de l’OTAN en évitant le Conseil de sécurité de l’ONU. Peut-être c’est le stress d’être mangé au petit déjeuner régulièrement par le Ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov.

Hillary vient de rendre visite aux « Puissances occidentales » et à leurs comparses arabes - composé de la NATOGCC [1], ce qui passe pour la « communauté internationale »- pour « préciser que la Russie et la Chine paieront un prix parce qu’ils retardent le progrès » concernant le changement de régime armé en Syrie.

Dans la non-Novlangue, cela signifie, « Si vous bloquez notre nouvelle guerre, il faudra rembourser ».

Eclats de rire dans les couloirs du Kremlin et dans le Zhongnanhai, néanmoins cela montre à quel point est désespérée l’équipe NATOGCC doit forcer le changement du régime en Syrie comme une étape sensée couper la connexion privilégiée de l’Iran avec le monde arabe. Et cela pendant que le Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, -principal flanc Est de l’OTAN– a des démangeaisons d’attaquer la Syrie mais n’arrive pas à trouver une façon de le vendre à l’opinion publique turque.

Dans ce contexte incandescent se mêle WikiLeaks avec la publication d’une série de courriers électroniques très embarrassants contre le système d’Assad et les rebelles de l’OTAN aussi. Un possible effet secondaire sera d’inspirer des vagues de soi-disant progressistes à travers tout l’Ouest pour commencer à soutenir la « Guerre Sainte » sur la Syrie. Un effet réaliste sera de montrer à quel points les deux côtés -le système policier d’Assad et celui l’opposition armée– sont répugnants.

Tourisme avec voiture piégée, il y a quelqu’un ?

Il est utile d’examiner quel prix Washington lui-même, sans parler de ses sujets de l’OTAN, pourrait payer pour cette « Guerre Sainte » livrée avec -qui d’autre- le même bouquet de « terroristes » qui hier étaient sur le point de détruire la civilisation occidentale et la transformer en un Califat géant.

Washington, Londres et Paris ont essayé -deux fois– d’entrainer le Conseil de Sécurité de l’ONU dans une guerre de plus. Ils ont été bloqués par la Russie et la Chine. Donc le « plan B » était de contourner l’ONU et de lancer une guerre de l’OTAN. Le problème est que l’OTAN n’a pas l’estomac -et pas de fonds- pour une guerre très risquée avec un pays qui peut se défendre seul.

Ainsi le « plan C » est de parier sur une guerre civile prolongée, en utilisant l’Armée Libre Syrienne (ALS), qui est très loin d’être libre, bourrée de mercenaires et de djihadistes et la bande d’exilés opportunistes connus comme le Conseil National Syrien (CNS).

Le SNC a demandé en fait, dans le style de la Libye, une « zone d’exclusion aérienne » sur la Syrie –abréviation de Guerre de l’OTAN. La Turquie a demandé aussi officiellement à l’OTAN une zone d’exclusion aérienne. Les commandants de l’OTAN peuvent être ineptes - mais ils ont une certaine expérience avec de gros problèmes (Lire l’Afghanistan). Ils ont, donc, catégoriquement refusé.

Le CNS -et l’ALS- ne pouvaient pas être plus non-représentatifs. Les « Amis de la Syrie » - comme Hillary et les comparses arabes - admettent à peine l’existence du National Coordination Body for Democratic Change (NCB) , le principal mouvement d’opposition local en Syrie, composé de 13 partis politiques, surtout de gauche, nationalistes arabes et en incluant un parti kurde. Le NCB dénonce fermement n’importe quelle forme de militarisation et écarte complètement l’ALS.

Le ministre des Affaires étrangères d’Irak, Hoshyar Zebari -un Kurde- a averti que Salafistes-djihadistes du genre d’Al-Qaeda se rendent en masse vers la Syrie. Apparemment cette branche suit encore de très près l’ « invisible » idéologue d’al-Qaeda, le Dr Ayman al-Zawahiri ; il y a cinq mois il a publié ses ordres de marche aux djihadistes en Irak, Jordanie, Liban et Turquie. Cela explique aussi que beaucoup d’entre eux ont été armés -via de différents réseaux- par la Maison de Saud et le Qatar.

Depuis des mois tout le monde sait que le Le Groupe islamique combattant en Libye (GIGL, Al-Jama’a al-Islamiyyah al-Muqatilah bi-Libya) d’Abdul Hakim Belhaj lié à al-Qaeda a été actif en Syrie – de même que les restes d’al-Qaeda en Irak responsable d’attentats aux voitures piégées même à Damas.

Dans le cas d’une Syrie post-Assad dominée par un noyau Sunnite infiltré par des Wahhabis et Salafistes-djihadistes, un effet boomrang garanti laissera l’Afghanistan après les années 80 du jihad anti-soviétique ressemblant à une promenade à Hong-Kong Disneyland.

Nous acceptons les yuans et les roubles

Quant à la Chine, elle rit du désespoir d’Hillary. Comme la Maison de Saud devient chaque fois plus paranoïaque au fur et à mesure qu’elle voit comment l’administration d’Obama flirter avec la démocratie dans le monde arabe, Pékin a renforcé ses liens commerciaux en livrant un bouquet de nouveaux missiles à Riyad.

Et pendant que les « Occidentaux » flirtent avec la guerre Sainte, les entreprises d’état subventionnées de Pékin ont acheté sans compter des matières premières à travers tout le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud – de même qu’ils ont stocké des terres rares pour leurs réserves stratégiques. La Chine produit pas de moins 97 % des « terres rares » (contenant certains métaux rares) du monde -utilisées dans les iPads jusqu’à ces nouveaux brillants missiles brulant maintenant dans le désert arabe.

D’autres effets collatéraux comme « le prix à payer » pour contourner l’ONU et l’obsession d’utiliser l’OTAN comme un Robocop global seront inévitables. On ne devrait pas oublier que la Guerre Sainte en Syrie est une escale sur la route de Téhéran. Par exemple, un nouveau système d’assurance maritime, aussi bien qu’un nouveau mécanisme de change international – évitant les diktats de l’Occident est peut être sur le point de naitre.

Désormais l’élément le plus important peut s’avérer un mouvement concerté entre la Russie, l’Iran et la Chine pour réorganiser le marché global de l’énergie par des transactions en dehors des pétrodollars.

Donc Washington éjecte l’Iran de SWIFT - le système de clearing de banque international ? La Banque Centrale d’Iran contrattaque ; « si vous voulez faire des affaires avec nous, vous pouvez payer dans n’importe quelle devise sauf le dollar US, ou vous pouvez aussi payer en or ».

C’est le Saint-Graal de la Guerre Sainte - pas la Syrie ; une chose est pour Téhéran d’accepter des euros en paiement de son pétrole et de son gaz ; une autre chose est d’accepter de l’or. Le tout avec le total soutien de la Russie et de la Chine.

Dans une coquille de noix ; le syndrome de Guerre Sainte accélère la fin du dollar US en tant que devise de réserve mondiale. Et quand cela arrivera, y aura t-il un Printemps Etasunien ? Ou les élites des Etats-Unis -comme la Mafia– auront-elles les tripes et les muscles, pour forcer la Russie et la Chine à payer le prix ?

* Pepe Escobar auteur brésilien de : « Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War » (Nimble Books, 2007) ; « Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge » ; « Obama does Globalistan » (Nimble Books, 2009).

(Copyright 2012 Asian Times Online. Hong Kong, 10 juillet 2012. (Holdings) Ltd. All rights reserved.

Asian Times. Hong Kong, 10 juillet 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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