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L’information n’est pas une marchandise

Publie le vendredi 15 avril 2011 par Open-Publishing

Dans « Antennes » n°21 d’avril, le Directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie développe dans le « Dossier » les « Cinq piliers du numérique ».

En ce qui concerne l’information, les ambitions affichées vont dans le bon sens.

Petite inquiétude tout de même lorsqu’on apprend que « l’application FTV pour iPhone,iPad, iPod Touch » sera « financée par la publicité (une publicité s’ouvre en même temps que l’application, une autre défile avant chaque vidéo) ».

Rien contre ce principe, si ce n’est que cela ne saurait s’appliquer aux pages infos, au risque d’entraîner des dérives éditoriales comme nous l’avions constaté dans l’ « Atelier numérique » des Etats Généraux de la Presse : un responsable du site du Monde expliquait que la direction demandait au journaliste chroniqueur auto d’écrire des papiers sur les BMW haut de gamme… pour être en phase avec les encarts publicitaires !

Plus inquiétante en revanche, la plaquette intitulée « L’offre numérique de France télévisions », dans sa partie 01 (pages 46, 47, 50) : « Le journalisme en ligne (traitement de l’info, acteurs, partage, personnalisation) ».

Traitement de l’info : non à la précipitation, aux manipulations d’images

Différents éléments évoqués comportent de forts risques pour l’éthique de la profession, les définitions de fonction de l’Avenant audiovisuel à la CCNTJ, le droit d’auteur.

• « Temps réel : échange d’information en temps réel, sans attente, immédiat » :
Echanger l’info oui, mais pas dans la précipitation et sans en avoir vérifié l’exactitude, croisé les sources.

• « Journalisme de données : exploiter des bases de données pour en extraire de l’information attractive, faire émerger des histoires » :
Notre travail ne saurait être de « l’infotainment », où l’essentiel pour attirer l’internaute serait d’attrapper le gogo par des infos « vendeuses » !

• « Journalisme en réseau : contenus générés par l’utilisateur pour produire et distribuer de l’info » :
Nous voulons des garanties que les pages reportages réalisées par des journalistes seront différenciées des pages créées par les internautes.

• « Enquête Pages jaunes : témoignages recueillis par téléphone auprès de personnes trouvées grâce aux Pages jaunes ; recueil de premiers témoignages via interview téléphonique, rentranscrits aussitôt dans un article en ligne » :
Là encore il ne saurait-être question de prendre pour réalité des témoignages lambda sans en avoir vérifié l’exactitude.

• « Bâtonner : réécrire une dépêche fournie par une agence en la remaniant, en retirant les répétitions, etc » :
Là encore, rien de prévu pour vérifier l’exactitude des faits, croiser les sources, même à partir d’une dépêche d’agence.

• Croper (une image) : recouper/recadrer une image via le logiciel de retouches d’images Photoshop » :
L’inacceptable ! La violation du Droit d’auteur, le non-respect des images tournées par l’auteur/JRI, la voie ouverte à toutes les manipulations !

Acteurs : oui à l’info définie par les rédactions, non à sa monétisation

• « Secrétaire de rédaction : responsable de la réalisation du journal, correction des épreuves, cohérence rédactionnelle, style, unité du journal » :
Une fonction de la presse écrite qui si elle devait-être introduite dans nos définitions de fonctions devrait-être négociée avec les syndicats.

• « Social media editor : gère la stratégie des actions à mettre en place, les prises de parole, les retours sur investissement, la veille, le marketing, la monétisation du web » :
Comment accepter que notre profession et nos reportages soient gérés par un SME dont les missions seraient des retours sur investissement, du marketing, de la monétisation ?

• « Home page editor : programme, hiérarchise les contenus web, met à jour la page d’accueil d’un site en fonction de l’actualité et du profil des internautes » :
Comment accepter que la page d’accueil soit hiérarchisée non en fonction de l’intérêt journalistique défini par une rédaction, mais par le profil des internautes ?

• « Agence de presse : fournit l’information à la manière d’un grossiste fournissant des détaillants » :
Le summum ! Comparer les agences de presse et l’information, à une marchandise.

Partage, personnalisation : pas d’influence extérieure sur les contenus

• « UGC : le contenu généré par les utilisateurs, soit produit, soit directement influencé par les utilisateurs finaux » :
Là encore nécessité de séparer les contenus réalisés par des journalistes de ceux réalisés par des internautes.

On le voit, le projet numérique pour l’information tel que présenté dans cette plaquette recèle nombre de dangers pour la profession et pour l’information de service public.

Ces propositions ne peuvent pour l’instant faire l’objet d’information, de consultation des instances, faute de CCE.

Ce n’est pas pour autant que les journalistes et le SNJ-CGT accepteront n’importe quoi.
Il nous paraît urgent que le Directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie reçoive les syndicats de journalistes pour débattre de son projet en terme d’information, avant toute mise en place de la plate-forme d’information en continu.

Mais plus globalement de recevoir les syndicats sur l’ensemble de son projet.

Paris le 14 avril 2011