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"L’inspecteur Harry" coince Bernard Madoff

Publie le lundi 9 février 2009 par Open-Publishing

Par Philippe Grangereau

Le détective privé Harry Markopolos avait compris la fraude depuis des années, sans être écouté par la Commission boursière américaine

Harry Markopolos, l’enquêteur privé qui a passé en vain neuf ans à dénoncer les pratiques douteuses de Bernard Madoff auprès de la Commission boursière américaine (SEC), qui ne le croyait pas, a comparu mercredi soir devant une commission du Congrès.

Il a raconté son édifiante histoire – qui fera bientôt l’objet d’un livre et sans doute d’un film – et lancé de nouvelles révélations sur les ramifications du financier véreux, qui pourraient fort bien avoir de nouvelles conséquences en France et en Suisse.

Markopolos, singulier personnage qui ressemble au héros improbable d’un film de Woody Allen, affirme qu’une douzaine de fonds d’investissement européens servaient de rabatteur au plus grand arnaqueur de l’histoire de la finance, accusé d’une fraude « pyramidale » portant sur 50 milliards de dollars (39 milliards d’euros).

Madoff est en résidence ?surveillée, chez lui, depuis le 11 décembre.

« Mafia »

Selon Markopolos, seulement deux des 14 fonds européens (« feeder funds ») impliqués dans cette arnaque mastodonte ont été découverts jusqu’à présent. « Il en reste encore 12, voire davantage, qui se cachent au fond des bois, en Europe, dont personne n’a encore entendu parler. » Il devait révéler cette liste hier à l’inspecteur général de la SEC afin, dit-il, « que les autorités françaises et suisses puissent ouvrir une enquête ».

Harry Markopolos a assuré s’être rendu en France et en Suisse en 2002 pour explorer cette piste. Le truculent « inspecteur Harry », qui a affirmé aux membres du Congrès avoir enquêté pour « le drapeau des Etats-Unis » – c’est-à-dire pour rien –, arbore une allure un brin véhémente qui pourrait expliquer pourquoi la SEC ne l’a pas pris au sérieux.

Selon son récit, ses premiers doutes sur les pratiques de Madoff remontent à l’an 2000. Il dit avoir compris « en cinq minutes » et il aurait mis quatre heures à amasser les preuves à l’aide de modèles financiers informatiques. Il est parti du principe qu’il était mathématiquement impossible pour Madoff d’offrir à ses investisseurs des rendements presque constants au fil des ans. « La fraude pyramidale n’atteignait alors que 3 à 7 milliards de dollars », a estimé l’enquêteur, en rappelant ses « tentatives répétées et étayées » d’attirer l’attention de la SEC.

Ce faisant, il craignait pour sa vie car « une partie des fonds de Madoff provenait de la mafia russe et des cartels de la drogue ». Il a pris des précautions en conséquence. Ses premières dénonciations auprès de la SEC ont été anonymes. « J’utilisais des gants pour faire des photocopies, afin que mes empreintes ne figurent pas sur les documents », a raconté Markopolos, en expliquant qu’il avait fait partie des forces spéciales de l’armée américaine et que cette formation lui avait été utile pour « mettre sur pied des réseaux de recueil d’informations ».

« Code du silence »

Le détective, basé à Boston, a offert en vain à la SEC d’enquêter pour celle-ci « en portant des déguisements » et « sans avoir de contact avec [sa] famille pendant ce temps-là ». Fasciné par son récit, un membre du Congrès l’a qualifié de « héros ».

Pourquoi le preux détective n’a-t-il pas intéressé la SEC ? Selon Markopolos, celle-ci est incompétente, car composée essentiellement d’avocats et non de spécialistes de la finance.

« Il y a un code du silence » à Wall Street, a-t-il ajouté, entraînant la question d’un représentant de la Chambre qui lui a demandé si, à son avis, la SEC était « corrompue ». « Non », a répondu l’enquêteur, car si cela avait été le cas, son identité aurait été révélée à la mafia et il ne serait déjà plus de ce monde.

Comme pour se protéger aujourd’hui encore d’éventuelles représailles, le détective a ajouté : « Je veux que les choses soient claires pour tous ces mafieux russes et les cartels de la drogue : j’ai agi dans votre intérêt en essayant d’empêcher [Madoff] de se repaître sur vos comptes en banque. Je suis le gentil dans cette histoire. »

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5f5b1e10-f498-11dd-9527-a1a339838d62|1

Madoff, le système financier et l’argent de la drogue…

7 février 2009 - 16:00

7 février 2009 (Nouvelle Solidarité) – Lors d’une audience au Congrès américain pour faire la lumière sur l’affaire Madoff, le principal témoin, Harry Markopolos, un inspecteur financier indépendant enquêtant sur les manigances de Bernard Madoff depuis 1999, a expliqué qu’une importante partie des fonds ayant afflué vers Madoff Investment Securities, venaient de « la mafia russe et des cartels de la drogue latino-américains ».

Le témoignage de Harry Markopolos est pris très au sérieux étant donné qu’il a enquêté pendant 9 ans, au péril de sa vie, et a fait parvenir des rapports très détaillés à la SEC (l’autorité américaine de contrôle des marchés) en 2000, 2001, 2005, 2007 et 2008, dont l’un s’intitulait « Le plus grand hedge fund du monde est une arnaque ». Markopolos est un officier de réserve de l’armée américaine attaché aux Forces spéciales, expérimenté dans la collecte de renseignement, et a affirmé devant le Congrès qu’il avait agit sans aucune rétribution de quiconque, « Je l’ai fait pour le drapeau, par patriotisme ».

Les allégations de Markopolos sont une piste prioritaire pour les Commissions d’enquête parlementaire qui devront, aux Etats-Unis comme en Europe, exposer au grand jour les pratiques du système bancaire et de la finance internationale (de nouvelles « Commissions Pecora »).

En réponse à des questions des congressistes sur les raisons de sa prudence et sur l’origine des fonds confiés à Madoff, Markopolos a répondu :

« Ce n’est pas de la paranoïa car la combine de M. Madoff était d’une taille et d’une complexité inimaginable, et incluait énormément d’argent sale. Laissez-moi vous décrire ce qu’est l’argent sale.

« Lorsque votre affaire est si importante et si secrète, vous attirez inévitablement une grande quantité d’argent du crime organisé. Nous savons aujourd’hui que cet argent venait de la mafia russe et des cartels de la drogue latino-américains. Lorsque vous visez des mafieux, vous avez beaucoup à craindre.

« Nous savions qu’il était l’un des hommes les plus puissant de Wall Street, qu’il lui serait facile de mettre un terme à notre carrière ou pire. (…) S’il avait su mon nom et le fait qu’une équipe le pistait, je ne pense pas que j’aurais été de ce monde très longtemps. (…)

« Les fonds nourriciers, qui se trouvaient dans des paradis fiscaux, attirent l’argent sale. La seule raison d’aller chercher de l’argent dans les paradis fiscaux est que c’est de l’argent sale. Nous savions qu’une part très importante de cet argent venait du crime organisé (…) Dans n’importe quel paradis fiscal, 5 à 50% de l’argent vient du crime organisé. (…)

« Je le savais depuis juin 2002 et mon voyage en Europe où j’ai rencontré des représentants de banques privées françaises et suisses. Je savais que nombre d’entre elles opéraient dans les paradis fiscaux. Etant donné la taille, c’est une question statistique : Si 5% de l’argent dans le monde provient du crime organisé, eh bien M. Madoff aurait au moins 5% d’argent sale dans son fond. C’est du bon sens. Mais puisque c’est un hedge fund, très secret et très lucratif, c’est un pari gagnant à tout les coups, et donc la part d’argent sale est naturellement plus élevée dans le cas Madoff ».

Markopolos a également expliqué que seulement deux des 14 « fonds nourriciers » européens impliqués dans l’affaire Madoff ont été découverts jusqu’à présent. « Il en reste encore 12, voire davantage, qui se cachent au fond des bois, en Europe, dont personne n’a encore entendu parler. » Cette liste sera transmise à la SEC, a-t-il dit, pour « que les autorités françaises et suisses puissent ouvrir une enquête ».

En concluant son témoignage, Markopolos a soulevé la nécessité et l’urgence pour les autorités publiques de s’attaquer aux criminels en col blanc : « Le gouvernement a choyé, accepté et ignoré le crime en col blanc pendant trop longtemps. Il est temps que la nation se réveille et reconnaisse que ce ne sont pas les braqueurs ou les dealers qui nous font le plus de mal, mais les criminels en col blanc. Ils vivent dans des maisons hors de prix et leurs CV sont d’impressionnantes listes du mal qui nous ait fait : ils volent nos retraites, mettent en faillites nos entreprises et détruisent des milliers d’emplois, ruinant la vie d’innombrables personnes. »

http://www.solidariteetprogres.org/article5117.html