Accueil > L’union est un combat...

L’union est un combat...

Publie le dimanche 3 décembre 2006 par Open-Publishing
12 commentaires

Au soir du premier tour des élections présidentielles françaises de 2007, que restera-t-il du résultat du 29 mai 2005 ? Le prétendu « vote utile » pour Ségolène Royal, résultat d’un plan de communication implacable, aura-t-il eu raison de la mobilisation de millions de citoyens pour un « non » de gauche et pour une politique enfin en rupture avec le néo-libéralisme et le social-libéralisme ? Que restera-t-il du lent travail de reconstruction d’une alternative politique, amorcé depuis plus d’une dizaine d’années, à la rencontre des résistances sociales et de la contre-expertise militante ? Les façons hégémoniques de faire de la politique l’auront-elles emporté sur la reconquête des esprits et des institutions ? A quelles conditions peut-il en être autrement ?

La « gauche du non » française est-elle capable de construire une dynamique politique crédible sur la base du résultat du 29 mai ou celui-ci n’a-t-il été au fond que le produit d’une alchimie conjoncturelle, voué à s’estomper aussitôt que les règles implacables de la concurrence politique reprennent leurs droits ?

Après plusieurs mois de débats autour des collectifs unitaires, le pessimisme est malheureusement de mise. A moins d’un sursaut collectif, c’est l’émiettement des forces qui s’annonce, aux élections présidentielles, mais aussi aux élections législatives. Il faut aujourd’hui avoir le courage de reconnaître que la « gauche du non » n’est pour l’instant pas à la hauteur de ses ambitions. Des raisons profondes expliquent ce fait.

La première réside dans la logique de concurrence entre les petits partis au sein du sous-espace politique du « non de gauche ». La force de la gauche de la gauche en France durant la dernière décennie a aiguisé les ambitions d’organisations qui trouvent dans les conjonctures électorales l’occasion de mesurer leur visibilité et leur audience. La stratégie électoral(ist)e de Lutte Ouvrière a donné le « la » depuis 1974, suivie après le « bon résultat » d’O.Besancenot en 2002, par la Ligue Communiste Révolutionnaire. Peu importe, pour ces deux organisations, le rapport de force politique global : l’essentiel est d’exister autour de 5% et de « capitaliser » sur le mécontentement social qui a porté le « non de gauche ». Si LO n’a jamais fait mine d’entrer dans les collectifs unitaires, la situation est cependant beaucoup plus difficile pour la LCR, qui a contribué à la victoire dans l’unité lors du référendum. Mais engagée depuis toujours avec LO dans une concurrence fratricide, ponctuée d’alliances de circonstance, pour le monopole de l’expression de la radicalité, la LCR reste, rappelons-le, un parti politique visant à reproduire sa position et sa spécificité dans l’espace politique. La « gauche du non » est donc en premier lieu l’objet des convoitises électorales de deux petites organisations, issues du trotskisme, qui entendent profiter de l’opportunité d’une visibilité publique autrement inaccessible.

La deuxième raison tient à la stratégie adoptée, en partie en réponse à celle de la LCR, par le PCF, acculé à une stratégie de défense identitaire et de sauvetage des mandats qu’il détient au Parlement et dans les différentes collectivités territoriales. Faute d’un accord politique avec la LCR, qui, sans doute, aurait impliqué à termes un rapprochement entre les deux organisations, le champ est désormais libre pour l’expression de l’ « identité » communiste. Peu importe que, à plusieurs occasions par le passé, le PCF n’ait pas présenté de candidat à l’élection présidentielle (dans un contexte d’unité avec le PS) : désormais, son existence comme force politique visible dépend pour beaucoup de sa capacité à porter un candidat issu de ses rangs tout en maintenant le cadre apparent d’un collectif unitaire, doté d’un programme et d’une équipe. Réellement unitaire pendant le référendum, le PCF continue en effet de participer à la dynamique des collectifs, mais, désormais, pour porter une candidature, celle de M.-G.Buffet. Si l’on ajoute la stratégie du MRC, tournée vers la négociation de quelques circonscriptions, on en arrive à ce terrible constat : du mouvement unitaire anti-libéral devraient se réclamer, s’ils obtiennent le nombre de signatures exigées et se maintiennent « jusqu’au bout », quatre candidats à l’élection présidentielle. On peut comprendre chacune des « bonnes raisons » des acteurs en présence, mais l’effet qui en résulte est à l’opposé de l’ambition proclamée.

Ce n’est pas l’existence des partis politiques, expression démocratique s’il en est, qui est en cause ici, mais la logique de concurrence inter-organisationnelle à laquelle les partis politiques sont soumis. Permettant de sortir de cette logique de concurrence, seuls des actes volontaristes, analogues au choix du PCF d’ouvrir à d’autres sa campagne référendaire, pourraient encore éviter le pire. Ces actes volontaristes ne peuvent venir que des partis eux-mêmes, des militants autant que des directions. Ces actes sont simples. Le candidat unitaire inscrit sur le bulletin de vote ne devrait pas être issu de l’un des partis en position potentiellement hégémonique (PCF et LCR), au risque d’accroître cette logique de concurrence au détriment des logiques coopératives qui ont fait le succès du « non ». Cette règle simple aurait dû être posée comme un préalable avant toute discussion sur le nom du candidat à l’élection présidentielle, permettant un débat beaucoup plus détendu au sein des collectifs. Ce choix n’a pas été fait : les militants communistes, forts désormais du large soutien interne à « leur » candidate, risquent de s’arc-bouter sur la promotion de celle-ci et de s’en tenir à l’affirmation de leur identité, alors que ceux de la LCR seraient conduits à se contenter, conformément à leur pente habituelle, de vouloir accroître le capital politico-médiatique acquis d’O.Besancenot.

Il est encore temps de refuser cette dynamique suicidaire pour la « gauche du non ».

Parmi les candidats à l’investiture des collectifs, José Bové ou Clémentine Autain peuvent, adossés à un collectif où les représentants des différentes sensibilités rassemblées auront toute leur place, incarner toute l’ampleur et la diversité du « non de gauche ». Celle de José Bové, représenterait celle d’un homme incarnant depuis plusieurs années, en France et à l’étranger, l’ensemble du mouvement altermondialiste et l’inscription du débat politique français dans des enjeux planétaires, qui sont à la fois sociaux et environnementaux. Elle aurait le mérite de se situer non contre mais à côté des forces partisanes. La candidature de Clémentine Autain incarnerait une rupture avec la domination gérontocratique et masculine dans la campagne présidentielle française, avec la nécessité d’une visibilité préalable à l’entrée en campagne (qu’elle soit médiatique ou politique). De telles candidatures sont aujourd’hui les seules à pouvoir faire converger les forces en présence dans la différence. Elles ne seront en mesure de relancer la dynamique unitaire qu’à la condition d’être soutenues par l’ensemble des militants et partis engagés dans les collectifs. Mais elles constitueront aussi une chance réelle s’ils jouent, enfin et à rebours de leurs « vieux démons », le jeu de l’unité.

Signataires : Julien Barnier, Keith Dixon, Bernard Floris, Bertrand Geay, Michel Koebel, Frédéric Lebaron, Gérard Mauger, Christian de Montlibert, Alain Oriot, Louis Pinto, Laurent Willemez

 http://www.alternativeunitaire2007....

(mise à jour : 3/12/06 - 15h40)

Portfolio

Messages