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LA COUPE DU MONDE VUE PAR DES ENFANTS INDIENS

Publie le dimanche 9 juillet 2006 par Open-Publishing

En dépit des assurances répétées de la FIFA, 10 000 enfants cousent des ballons de foot pour la Coupe du Monde en Inde, à Jalandhar et Meerut, et au Pakistan, à Sialkot.

La ferveur autour de l’événement planétaire a allongé le carnet de commande d’entrepreneurs, peu scrupuleux, qui utilisent les doigts de fée des enfants...

Loin des marchands de reve et de mensonge, 25 000 ballons en cuir y sont produits et vendus quotidiennement.

Lire article « No Free Kicks in Meerut », écrit par Shalini Singh, p. 28 http://www.tehelka.com/

Pour les lecteurs français de Bellaciao, ne lisant pas l’Anglais, j’ai traduit librement et interprété des passages. HIMALOVE

Les bourgeois indiens et étrangers qui sirotent leurs bières glacées, dans un bar branché de New Delhi, en regardant des milliardaires courir après une baballe, ne savent peut-être pas...

Le prix de leur consommation - soit 1 000 roupies (moins de 20 euros) pour quelques bières allemandes - constitue le salaire mensuel d’une famille de 17 personnes, cousant des ballons à la main, à Kherki, un petit village près de Meerut*.

*Meerut est une populeuse ville indienne à majorité musulmane, parlant Urdu, située en Uttar Pradesh, au nord de l’Inde.

Levés aux aurores, les enfants et les femmes d’une famille à Kherki s’assoient en cercle, à même la terre battue, pour 7 heures d’un long et pénible ouvrage.

Celui d’assembler des morceaux de cuir ou de plastique avec du fil et une aiguille.

Le soleil est leur unique éclairage.

« Une routine », soupire Ishawri, une jeune femme de 16 ans, qui gagne 3* à 5 roupies selon la taille et la qualité du ballon cousu.

*Trois roupies est le prix d’une tasse de thé au lait, bue dans une gargote.

Les hommes, pour la plupart de pauvres paysans, ne voient aucun inconvénient à ce que leurs épouses et leurs progénitures travaillent le cuir ou le plastique pour fabriquer la « sphère magique ».

Les morceaux de plastique coloriés ne coûtent pas cher et n’entament pas le budget maigre de ces villageois dont les plus riches possèdent un lopin de terre.

À l’encontre de l’agriculture et de l’élevage, qui entraînent parfois un endettement considérable, la fabrication de ballons ne pousse pas au suicide les fermiers indiens.

Cinquante villages autour de Meerut travaillent pour la coupe du Monde de football.

Mais les enfants ici ne connaissent pas le nom des étoiles de la planète-foot...

Lorsqu’on leur demande de citer le nom d’un joueur de football, ils crient « Dhoni ! Sachin ! »*.

*Des joueurs célèbres de l’équipe indienne de cricket.

Et si on s’avise de leur demander quelle équipe sera battue en finale, ils répondent à l’unanimité : « Pakistan ! »

Ishwari et sa famille sont des « dalits », des paysans sans terre ni espoir dont le nom même signifie « malheur ».

Avec leurs voisins musulmans, ils travaillent comme journaliers pour des entrepreneurs, vendant et exportant des ballons.

Une famille de six personnes produit environ 8 ballons par jour et gagne entre 600 et 900 roupies* par mois.

*1 euro = 58 roupies.

Les ballons de foot sont vendus, sur le marché indien, entre 100 et 300 roupies.

Si les coutures des ballons sont défectueuses, l’entrepreneur déduit le prix des réparations du salaire des ouvriers.

En cas de mauvaise qualité du cuir ou de graves défauts dans le plastique, les salaires ne sont pas versés.

L’Inde est le second producteur de ballons au monde après le Pakistan.

Sialkot, au Pakistan, est la capitale mondiale de la fabrication de ballons.

Cette année, Sialkot a exporté vers l’Allemagne près de 55 millions de ballons !

La ville penjâbi, Jalhandar, en 2002, avait gagné le plus gros contrat...

Aujourd’hui, la demande mondiale est si importante que l’Inde produit 25 000 balles par jour !

Afin de gagner le marché, le salaire des enfants est tombé, parfois, à 50 « paisa » (une demi- roupie) par ballon cousu.

Ce monde ouvrier ne connaît ni le salaire minimum ni la vie syndicale...

Poussés par la faim, qui est chose commune ici, les villageois acceptent des conditions de travail ignobles.

On reconnaît à Kherki les enfants et les femmes, qui ont travaillé pour la planète-foot à leurs dos courbés, à leurs doigts blessés par la soie et les aiguilles et à leurs yeux endommagés par les longues heures de coutures.

Mais là nulle médecine du travail pour établir des statistiques ; et encore moins de journalistes de « L’Équipe » pour dévoiler le scandale.

« Ils n’ont jamais appris à s’asseoir correctement et finissent par avoir des problèmes de dos » dit pince sans rire un travailleur social, Sher Mohammad Khan.

La coupe du Monde de football en Allemagne a vidé les bancs des écoles.

La fabrication de ballons a remplacé la lecture des manuels scolaires.

En fait, peu de ces enfants travailleurs peuvent poursuivre leurs études.

Il n’y a qu’une école au village Kherki ; et elle appartient au secteur privé.

Il coûte à chaque famille 500 roupies par mois pour y envoyer un gamin.

Avec plus de trois enfants par foyer, la fabrication de ballons reste le seul moyen de survie.

Global March Against Child Labour est un mouvement international qui lutte pour éliminer le travail des enfants.

En 2002, l’association a informé les dirigeants de la Fédération mondiale de footbal (FIFA) du commerce inéquitable qui précédait et accompagnait le phénomène appelé « Coupe du Monde ».

La FIFA et la Word Federation of Sporting Goods ont élaboré et publié un code de conduite afin de contrôler l’origine des ballons achetés par les compagnies de distribution.

Or la FIFA et les parrains du sport mondial n’ont jamais appliqué ce code de conduite...

Selon le président indien de Global March, Kailash Satyarthi, 10 000 gamins continuent à s’esquinter les doigts, le dos, la vue, à Meerut et Jalandhar.

Cela, bien sûr, fait sourire nos bourgeois, sirotant leur bière et grignotant leurs cacahuètes devant l’écran géant.

Des singes auraient plus de conscience...