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LIBIE : DES BUT(in)S DE GUERRE INAVOUES

Publie le mercredi 23 mars 2011 par Open-Publishing
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Jusqu’au 14 janvier, la France de Sarkozy a soutenu Ben Ali et jusqu’à fin janvier, les États-Unis ont soutenu Moubarak. Un mois et demi plus tard, voilà que ces pays s’érigent comme les défenseurs de l’opposition en Libye. Et si tout cela ne servait finalement que les mêmes buts ?
Baudouin Deckers

Le monde arabe avant janvier 2011 semblait sous le contrôle des États-Unis et des pays de l’Union européenne. Cela vaut aussi pour la Libye. Kadhafi avait dès 1999 reprivatisé pratiquement toutes les entreprises, y compris celles du pétrole, qui passaient ainsi en mains occidentales. Il avait rejoint en 2003 l’alliance mondiale contre le terrorisme. Mais, depuis les victoires des révolutions en Tunisie et en Egypte, les puissances occidentales ont peur de perdre le contrôle sur cette zone stratégique. Ils ont peur de l’avènement de véritables démocraties qui se tourneraient contre eux. Ainsi, 90 % des Égyptiens considèrent les États-Unis comme leur pire ennemi. Et c’est pareil dans les autres pays arabes1.
Aussi nos puissances font tout pour « contrôler le printemps arabe » et éviter de perdre leur domination dans cette région charnière entre trois continents : l’Europe, l’Asie, l’Afrique. Ils recherchaient une occasion pour « reprendre pied » dans la région.
Discréditées pour leur soutien aux dictatures, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont laissé tomber Kadhafi. Mais en même temps ils veulent s’assurer que la Libye de demain et continuera à servir leurs intérêts. Ils ont estimé que la meilleure façon était d’intervenir en faveur de l’opposition, qu’ils espèrent ainsi lier à eux. Pour intervenir, il faut de bons « prétextes » – sans quoi l’opinion publique ne suit pas. La Libye leur en donne. Qui oserait s’opposer à un but aussi noble que la protection de la population civile ? Mais derrière cela se cache leur désir inavoué : peser sur l’avenir de la Libye. L’Américaine Clinton dit : notre but ultime, c’est la disparition de Kadhafi, c’est le changement de régime. Notre ministre Pieter De Crem va plus loin encore : « Nous devrons rester sur place pendant une longue période, car il ne s’agit pas seulement de créer les conditions pour un régime post-Kadhafi, mais aussi d’être sur place afin d’éviter que tout le travail accompli n’ait été fait pour rien »2. Il s’agit donc de mettre au pouvoir des forces pro-occidentales et de les maintenir sous protectorat occidental.
Autre intérêt stratégique à préserver : Israël. Tête de pont des puissances occidentales en plein cœur du monde arabe, Israël a perdu de grands amis avec Moubarak et Ben Ali qui se portaient garants que leurs peuples ne viennent pas en aide au peuple palestinien opprimé. Mais des gouvernements vraiment populaires et nationalistes en Tunisie et en Egypte pourraient remettre en cause cette situation. Aussi, ils espèrent pouvoir garder une mainmise solide en Libye, qui leur permettrait de déstabiliser, dès que nécessaire, les velléités d’indépendance des pays voisins. Ils veulent bien sûr conserver un contrôle sur les immenses réserves de pétrole, dont deux tiers se trouvent sous le sol arabe et iranien.
Pour la France et la Grande Bretagne, l’intervention en Libye s’inscrit aussi dans la bataille pour le contrôle de l’Afrique. Les deux plus grandes puissances colonisatrices de l’Afrique ont toujours continué à manœuvrer durant des décennies, après les indépendances, pour faire perdurer leur exploitation du continent. Or, aujourd’hui, les pays africains nouent de plus en plus de relations commerciales – plus avantageuses pour elles – avec la Chine. En s’assurant un pied en Afrique, ces puissances veulent rétablir leurs anciens rapports de force, ce qui explique aussi l’opposition de l’Union africaine à l’intervention occidentale.
Le pétrole aussi, bien sûr

Alors que seul un quart de son territoire n’a été exploré, la Libye abrite déjà la plus grande réserve de pétrole du continent africain. La Libye est, pour l’Europe, un important fournisseur de pétrole. Et ce n’est pas un détail dans le contexte actuel de spéculation sur la fin du pétrole. 85 % du pétrole libyen est importé en Europe. Plus de 50 compagnies pétrolières occidentales y sont implantées, depuis que Kadhafi a reprivatisé l’or noir après 1999.
Le plus gros producteur de pétrole étranger en Libye est ENI (Italie), mais aussi Total (France) qui produit chaque jour 55 000 barils. Et depuis le « pacte dans le désert » que Tony Blair et Kadhafi ont conclu en mars 2004, Shell et British Petroleum (BP) ont également obtenu d’énormes contrats pour l’exploration de réserves de gaz et de pétrole.
Paris et Londres ne veulent plus maintenir en place un Kadhafi qui a annoncé qu’il remplacerait ses partenaires occidentaux par la Chine et d’autres puissances émergentes (et donc concurrentes) comme l’Inde et la Russie. Ils ne veulent pas non plus courir le risque de voir Kadhafi remplacé par un régime nationaliste qui renationaliserait l’or noir.

1. Lire l’interview de Chomsky en pages 12 et 13. 2. De Standaard, 21 mars 2011.
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Messages

  • Les mots, encore les mots ! "...la France de Sarkozy..." qui "...s’érige en défenseur de l’opposition lybienne..."... Elle s’érige forcément en défenseur du...Sarkozisme ! Or, le Sarkozisme est parfaitement connu : c’est une idéologie répressive fascisante qui montre tous les jours son vrai visage à la société française... Le bilan du sarkozisme en France aujourd’hui c’est : 1) Destruction de l’Ecole : suppression de dizaines de milliers de postes de professeurs !!!! 2) Destruction de la Santé : suppression de milliers de postes d’infirmiers(ières) et fermetures d’Hopitaux !!! 3) Destruction des Retraites 4) Destruction de l’Emploi 5) Destruction de l’ Epargne populaire : Livret d’Epargne populaire à2% d’intérêt !!! 6) Absence de vraie politique du Logement 7)Tentative de destruction du Syndicalisme : centaines de procès de syndicalistes et syndiqués !! plus centaines de Conseil de discipline de syndicalistes et de syndiqués !!8) Destruction des Libertés : Sinistre Loi Loppsi2 et autres 9) Racisme permanent Anti-Roms !!!... Anti-migrants !! Anti-Turcs !! 10) Et maintenant cette sinistre guerre en Lybie ;et sa conséquence directe : un embrasement israelo-Palestinien et un risque d’embrasement de toute la région... Après cela, peut-on croire encore à cette "...défense de l’opposition lybienne..." de la part de "...la France de Sarkozy..." ? Evidemment non !! Dans ces conditions, la véritable motivation de Sarkozy ne peut être que d’étendre son idéologie réactionnaire à l’extérieur ... La guerre en Lybie de Sarkozy c’est un cadeau empoisonné au Peuple Lybien !!! De plus, elle a forcément des relents colonialistes : Sarkozy est l’homme qui a déclaré " le rôle positif de la colonisation" et il est aussi l’homme du discours de Dakar où il dit que "l’homme Africain n’a pas d’Histoire"... Dollars, pétro-Dollars, Armement, Pétrole, Contrats juteux, ... avec décimation et exploitation des Peuples à la clef : Voilà le véritable visage du Sarkozisme en Lybie et dans le monde.

  • Plus de 50% de la population des pays arabes en révolte aujourd’hui a moins de 25 ans, et c’est cette population surtout qui veut et qui a promu le changement et elle n’est pas du tout "anti occident", au contraire, donc je ne suis pas très bien votre logique. De plus, les nouveaux régimes mis en place grâce à la détermination de cette jeunesse avide de notre "bien être" voudront eux aussi reprendre l’exploitation pétrolière et nous vendre leur or. L’intervention en Lybie est sûrement en grande partie motivée par des intérêts économiques, mais que ce soit Kaddafi ou un autre, pétrole on exloitera et on achètera .
    une voyageuse du monde