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LKP Guadeloupe : le mouvement des 44 jours

Publie le mercredi 3 novembre 2010 par Open-Publishing
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Une démocratie qui ne tienne plus les populations à l’écart des décisions qu’on dit prendre en leur nom

de Didier Epsztajn

La longue grève en Guadeloupe n’a pas suscitée beaucoup de livres, probablement sous le double mépris des luttes sociales et du racisme envers les populations des colonies "En Guadeloupe, logiques capitaliste et coloniale s’enchevêtrent inextricablement depuis des siècles".

L’ouvrage de Frédéric Gircour et Nicolas Rey est donc bienvenu, d’autant qu’il conjugue analyses "Savoir où on en est, se retourner pour regarder ce par quoi on est passé, pour mieux penser l’avenir" et interrogations (le LKP est-il démocratique, est-il raciste ?). Le livre est découpé en "Chronique du mouvement" et "Les questions qui font débats", complété de trois dossiers "Le rôle des intellectuels antillais dans le mouvement", "Les zones d’ombre autour de la mort de Jacques Bino" et "Toute une population empoisonnée". Je ne ferais ici qu’effleurer certains thèmes.

Contre une vision de la démocratie réduite à la délégation, les auteurs nous rappellent que « Paralyser l’économie est la seule arme pacifique dont disposent les travailleurs pour se faire entendre en dernier recours » et que « Fermer d’autorité les entreprises, comme le LKP l’a fait régulièrement, a eu l’effet paradoxal, de libérer des salariés du chantage implicite ou explicite exercé par leur patron et leur a permis effectivement de pouvoir faire grève, de manifester sans être inquiétés, ce que la loi, à elle seule, ne garantit pas. »

Frédéric Gircour et Nicolas Rey indiquent aussi que se serait une « erreur que de vouloir limiter le LKP à un mouvement contre la vie chère ». Ils soulignent tout à la fois la « parfaite connaissance des dossiers » des délégués du LKP, le caractère exceptionnel de la transparence des négociations et comment « la population s’est identifiée avec ces représentants issus de la base ».

Ils n’en restent pas moins critiques et reviennent longuement sur le « Manifeste de neuf intellectuels pour des sociétés post-capitalistes » qui sont particulièrement lucides sur « ce qui constitue le paradoxe des syndicats guadeloupéens et martiniquais qui se veulent anticolonialistes mais dont toutes les demandes sociales, nécessairement formulées à l’État, ne font que renforcer la verticalité du pouvoir exogène. »

Les débats autour des formes de luttes, de l’appréciation finale sur ce qui a été ou non obtenu, sur les possibles développement futurs ne doivent cependant faire oublier que « l’un des intérêts majeurs du LKP aura sans doute été sa capacité à donner une représentativité inédite à la société civile guadeloupéenne ».

De ce point de vue, quelque chose à profondément été modifié : « Ce mouvement a certainement démontré que, pour paradoxales qu’elles puisent paraître, les revendications des domiens en métropole cherchant à être considérés comme n’importe quels autres Français, et la lutte pour un développement endogène des DOM, débarrassés d’une situation coloniale insupportable, avec pour corollaire, une plus grande responsabilisation et une affirmation identitaire, loin de s’opposer, ont fait cause commune, sous l’étendard de la dignité. » Les auteurs soulignent aussi que « Le collectif a, en ces temps désenchantés de l’individualisme forcenée, renvoyé à la société guadeloupéenne un reflet valorisant d’elle même et à permis à tous ceux qui le souhaitaient de dépasser le stade de consommateur passif auquel on entendait les cantonner pour s’inscrire dans une vision collective de l’avenir. »

Un ouvrage propice aux nécessaires échanges sur les conditions de construction de mobilisations majoritaire. Et aussi, faut-il le souligner sur colonialisme, le racisme, l’avenir des Caraïbes.

Frédéric Gircour et Nicolas Rey : LKP Guadeloupe : le mouvement des 44 jours

Editions Syllepse, Paris 2010, 190 pages, 15 euros

http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2010/10/25/une-democratie-qui-ne-tienne-plus-les-populations-a-lecart-des-decisions-quon-dit-prendre-en-leur-nom/


LKP Guadeloupe : le mouvement des 44 jours

Alors que la situation sociale ne cesse d’empirer, la Guadeloupe va marquer l’Histoire en déclenchant, le 20 janvier 2009, ce qui allait devenir la plus longue grève générale que la France ait jamais connue. Une grève qui fera date pour avoir réussi un coup de maître  : rassembler toutes les forces progressistes de l’archipel (associations, syndicats, partis de gauche et indépendantistes) au sein d’un collectif, le LKP.

Tout en faisant le récit de ces événements, en les replaçant dans leur contexte historique et en dressant le portrait de ses principaux protagonistes, les auteurs n’éludent aucune question  : le LKP est-il un mouvement identitaire ou un mouvement social  ? Quel est son rapport à la question de l’indépendance de la Guadeloupe  ? La lumière sur le meurtre du syndicaliste Jacques Bino a-t-elle vraiment été faite, comme le prétend la version officielle, et que cache cette sombre affaire  ?

Un livre pour comprendre un mouvement qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Auteur(s) : Frédéric Gircour - Nicolas Rey

Frédéric Gircour est enseignant en lettres-espagnol. Originaire de France hexagonale, il vit en Guadeloupe depuis cinq ans. Dès le début du mouvement social dans lequel il s’engage, il couvre les actions du LKP à travers le blog Chien Créole dont la renommée dépassera vite les frontières de l’archipel.

Nicolas Rey est professeur-chercheur à l’Université de Guadalajara (Mexique), d’origine guadeloupéenne, est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur la résistance créole et nègre durant l’esclavage, ainsi que sur les modes de vie et d’habiter des Antillais en France et dans la Caraïbe.

Parution : 10/10
Editeur : Syllepse

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