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LULA : Frustration et tristesse au Brésil, un an après
Publie le mercredi 29 octobre 2003 par Open-PublishingAMÉRIQUE DU SUD
Frustration et tristesse au Brésil,
un an après l’élection de Lula
Le gouvernement de l’ex-syndicaliste a réussi à sauver le pays du naufrage économique.
Mais le président brésilien n’a pas pour autant marqué les points attendus sur le terrain social.
Accolée à l’énorme ville de Sâo Paulo, la région ABC est une banlieue hérissée de cheminées d’usines. Dans ce bastion de la classe ouvrière brésilienne s’est écrite toute une partie de l’histoire du Brésil industriel et de la démocratisation du pays avec les grandes grèves des années 1970 et 1980.
C’est dans cette effervescence qu’a émergé le principal leader syndical brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, devenu, il y a un an, le président d’une nation de 160 millions d’âmes. < Seul un ouvrier connaissant bien nos problèmes peut améliorer la conjoncture alors que le chômage nous dévore », exultait, au lendemain de cette élection, Gilson Menezes, l’un des fondateurs du Syndicat des métallurgistes de l’ABC.
Pourtant, aujourd’hui, un sentiment de tristesse mêlé de frustration déferle sur la région, tout comme sur le reste du Brésil.
Ferblantier au service de Volkswagen, le syndicaliste Luiz Augusto Martins lâche : « Je croyais en Lula. Mais le chômage n’a jamais été si brutal. Il a promis des emplois et c’est pour ça que nous avons été des millions à lui donner notre voix. » Professeur, vivant elle aussi dans la région ABC, Tania Andrade déchante également : « Nous sommes déjà fatigués de ce gouvernement car nous ne percevons aucun changement »
Record historique. La nouvelle est tombée comme une douche froide alors que Lula s’apprêtait à participer au congrès de l’Internationale socialiste à Sâo Paulo cette semaine : en septembre, près de 21 % de la population active était sans emploi à Sâo Paulo. Record historique...
Pourtant, à en croire le ministre des Finances, Antonio Palocci, toutes les conditions sont réunies pour assister à la reprise de la croissance. Il est vrai qu’au nom de la rigueur révérée par l’équipe au pouvoir, le Brésil a vu son inflation fortement réduite, sa situation budgétaire devenir excédentaire au-delà des 4,25 % négociés avec le FMI, et ses taux d’intérêt se réduire (19 % contre 26,5 % en février).
Mais le pays souffre toujours d’un niveau d’investissement beaucoup trop bas. Le ministre des Finances vient d’ailleurs d’inciter les chefs d’entreprise à se mobiliser.
Pour Dalton Gardimam, économiste chef au Crédit Lyonnais, « les problèmes structurels n’ont pas été attaqués. Les réformes de l’assurance vieillesse et de la fiscalité s’avèrent bien faibles ». La fiscalité est passée en dix ans de 28,61 % à 37,57 % du PIB (produit intérieur brut). Célia Regina, expert comptable, ajoute que « la bureaucratie florissante contribue à décourager l’initiative privée ».
Dans ces conditions, comment créer les millions d’emplois dont le Brésil a besoin ? Le politologue Gaudêncio Torquato observe que « les chefs d’entreprise sont sur la défensive. Ils attendent que le gouvernement se montre plus cohérent et consistant ». A ses yeux, Lula déroute avec un style de gouvernement brouillon, que certains qualifient de pragmatique mais dont d’autres dénoncent le « manque de vision politique à long terme ».
Le président a dû ainsi rappeler que son pays désirait adhérer à la Zone de libre commerce des Amériques (ZLEA) après que les négociateurs brésiliens ont donné l’impression de se braquer sur ce projet contre les Etats-Unis. Au grand dam du patronat brésilien, favorable à cette intégration continentale.
Yann Le Houelleur,
à Sâo Paulo
La Tribune mardi 28 octobre 2003.